Point 5

Chapitre 20 – Les corps du parfait état de Bouddha

APRES ETRE PASSE parfaitement par les degrés et les voies spirituels, on s’éveille à la perfection véritable de l’état de bouddha en la continuité des trois corps.
Dans Le Flambeau de la Voie de l’Eveil il est dit :

L’éveil du bouddha n’est pas loin.

Plan Résumé
(stance 25)
1) Nature, 2) définition, 3) classification,
4) Système, 5) nombre défini, 6) caractéristiques,
7) Particularités remarquables, ces sept points
Résument les trois corps d’un parfait Bouddha.

I – Nature

La nature d’un bouddha pleinement accompli est : sublime extinction et suprême intelligence immédiate .

• Le voile des passions et le voile de la connaissance, qui avaient été écartés sur le chemin des voies et des degrés spirituels, sont, au terme de l’état d’absorption adamantine [vajropamasamâdhi], totalement délaissés : c’est « la sublime extinction ».
De plus l’extinction de ces deux voiles étant la cessation de tous voiles, le voile de l’absorption méditative et les autres, qui n’en sont que des aspects, disparaissent aussi.

• Il y a différents points de vue au sujet de la suprême intelligence immédiate :

Certains disent que bien qu’un bouddha soit doté de l’intelligence immédiate, il continue d’avoir des pensées. D’autres disent que parce qu’il y a absence de conceptions chez un bouddha, il a l’intelligence immédiate qui connait tout clairement. D’autres encore affirment que l’intelligence immédiate est intermittente, et certains avancent même que les bouddhas n’expérimentent pas l’existence de l’intelligence immédiate.
L’intelligence immédiate d’un bouddha sera donc expliquée en s’appuyant sur l’autorité à la fois des sûtras et des shâstras.

Il est dit dans Le Résumé des Nobles :

C’est pourquoi si tu souhaites atteindre
La suprême intelligence immédiate d’un bouddha,
Fais confiance à la mère des victorieux.

Dans La Prajñâpâramitâ en Cent Mille Stances :

Le bouddha parfaitement pur a, de tout phénomène,
Une intelligence immédiate libre de voiles.

Dans Le Vingt-et-unième chapitre de l’Ainsité :

C’est l’intelligence immédiate du suprême bouddha,
C’est la mise en mouvement des cycles de l’enseignement,
C’est ce qui amène à pleine maturité les êtres.

Il y a aussi maintes explications de l’intelligence immédiate dans d’autres sûtras.

Si l’on se place du point de vue des commentaires, dans L’Ornement des Sûtras il est dit :

La lumière solaire n’a qu’une forme ;
Quand elle rayonne, tous les rayons se manifestent.
C’est ainsi que l’apparition
Des expériences premières d’un bouddha
Doit être comprise.

Et aussi :

Trois expériences premières reposent
Sur l’immuable expérience première semblable au miroir :
Celle de l’égalité, du discernement, et celle tout accomplissante.

L’intelligence immédiate est aussi abordée par d’autres traités.

S’appuyant sur l’autorité de ces traités, certains ont expliqué la façon dont un bouddha est doté de l’intelligence immédiate. Dans cette explication, l’intelligence immédiate se résume à « l’intelligence immédiate qui comprend comment c’est » et à « l’intelligence immédiate qui comprend le mode d’émergence ».

(1) L’intelligence immédiate qui comprend comment c’est, c’est l’expérience du sens ultime. Comme il a été expliqué auparavant, lorsqu’on est arrivé au terme de l’absorption adamantine et qu’on a alors parfaitement intégré l’ainsité, quand toute projection mentale d’un objet cesse, toute intellection conceptuelle se dissipe parfaitement. L’espace absolu  et l’intelligence immédiate étant tous deux dénués d’extension conceptuelle, ils sont une seule et même expérience que l’on peut qualifier d’indifférenciée, comme de l’eau ajoutée à de l’eau ou de l’huile à de l’huile, ou semblable à une vision de l’espace dénuée de la perception de la moindre forme, ou encore à une grande intelligence supérieure dépourvue d’apparence et base de toutes les qualités inestimables.

Il est dit :

Comme de l’eau versée dans de l’eau
Ou de l’huile ajoutée à de l’huile,
Le connaissable au-delà des concepts, l’ainsité
Indifférenciée de l’intelligence immédiate inaltérable
Est la nature de tout bouddha,
Ce que l’on nomme corps absolu.

Et aussi :

Le langage nous fait employer l’expression « voir l’espace »,
Mais comment peut-on percevoir l’espace ?
Examinons ce que cela signifie ;
Cette vision des choses fut enseignée par le tathâgata
Et il ne put l’imager par d’autres exemples.

(2) L’intelligence immédiate qui comprend le mode d’émergence est la connaissance de tous les aspects, objets des désignations conceptuelles conventionnelles. Sur la base de l’absorption adamantine, toutes les causes potentielles de voiles ayant été éradiquées, l’intelligence supérieure majeure intervient avec une force telle, que l’ensemble des objets connaissables compris en les trois temps sont perçus et connus aussi clairement « qu’un fruit frais de myrobolan posé dans la paume de la main ».
Dans les sutras le bouddha l’explique comme la connaissance conventionnelle.

Il est dit :

L’unique cause qui donne à un œil de plume de paon
Son aspect distinctif ne peut être connue
De celui qui n’a pas « tout compris ».
Le pouvoir de l’omniscience, c’est de connaitre celle ci.

Dans L’Insurpassable Continuité il est dit :

Le grand compatissant comprenant le monde
En a une vision universelle.

– Comment le connait-il et comment le perçoit-il ?
– Il le comprend et le voit non pas comme une chose appréhendée comme réelle mais comme une illusion.
Dans Le sûtra qui résume parfaitement l’Enseignement il est ainsi dit :

A l’exemple d’un maître en l’art de l’illusion
Qui s’applique à rester libre de ses créations illusoires
Et par conséquent, les connaissant vraiment
Pour ce quelles sont, ne s’attache pas à elles,
De même les êtres avertis dotés de l’éveil parfait,
Reconnaissent les trois sphères d’existence comme illusoires.

Et dans Le Sûtra de la Rencontre du Père et du Fils il est aussi dit :

Un enchanteur projette des illusions,
Mais comme il les sait illusoires,
Il ne peut être aveuglé par celles-ci.
Perçois tous les êtres ainsi et rends hommage à l’omniscient.

Certains disent qu’un parfait et complet bouddha est doté de la connaissance du sens ultime ou intelligence immédiate « du comment c’est », mais qu’il n’est pas pourvu de la connaissance de tous les aspects, nommée aussi « intelligence immédiate du mode d’émergence ».
Ils ne veulent pas dire que les bouddhas ne connaissent pas la manière dont il convient de comprendre ce qu’il y a connaître, mais que, puisqu’il n’y a fondamentalement rien à connaître au niveau relatif, il n’y a pas d’intelligence immédiate qui comprend cela.

[Leur argumentaire est le suivant :]
La connaissance conventionnelle causée par « la méconnaissance fondamentale emprunte de passions » se manifeste chez les individus immatures. Elles se manifestent aussi chez les trois types d’êtres sublimes dont les actions sont régies par « la méconnaissance fondamentale dénuée de passions ». Celle-ci peut être comparée à l’apparence de filaments ou de brouillard perçue par quelqu’un ayant une affection oculaire.
Un bouddha, en accédant à l’absorption adamantine, libère l’ignorance fondamentale et, percevant alors le sens de l’ainsité sur un mode qui n’est pas une vision de quelque chose, est libre de cette illusion du niveau conventionnel. Il est comme quelqu’un chez qui l’apparence de filaments ou de brouillard n’intervient plus, une fois l’affection oculaire guérie.
Ainsi, alors que ces apparences fallacieuses relatives présentes par la force de l’ignorance fondamentale cessent d’un point de vue mondain, elles n’existent pas pour un Bouddha. L’intelligence immédiate qui les connaitrait est donc aussi inexistante.
Si un bouddha avait un intellect soumis aux apparences, celles-ci lui apparaîtraient comme objets d’illusions. Même un bouddha aurait alors des illusions, ce qui serait en contradiction avec les textes qui disent que les très puissants bouddhas demeurent toujours en une égale absorption libre d’illusion.

L’Immense Déploiement dit :

Les parfaits bouddhas demeurent à chaque instant
En une égale absorption libre d’illusion.

A ceux qui postulent cela les premiers répondent :

Il y a juste une intelligence immédiate post-méditative non altérée par la distraction ou autres phénomènes. Ce n’est donc pas en contradiction avec les écrits qui affirment que les bouddhas restent en une égale absorption libre d’illusion continue.
Nommer « illusion » la simple apparence d’un objet illusoire est incorrect. C’est aussi l’apparence de tous les objets illusoires que les autres perçoivent. Alors que la connaissance de tout ce que l’intellect saisit comme l’illusion est la cause des mondes supérieurs et de la libération, comment cette serait-elle un égarement ?

C’est pour cela qu’il est dit :

Si l’on comprend pleinement l’illusion en tant que telle,
L’absence même d’illusion est acquise avec certitude.

Certains disent aussi qu’objectiver un niveau conventionnel qui ne serait pas un attachement à une vérité ne porte pas atteinte à une connaissance valide. Même objet d’un bouddha, elle n’est pas illusion.

C’est le premier point de vue, dans lequel il est postulé qu’un bouddha est doté de l’intelligence immédiate post-méditative qui connait tout ce qui existe.
Ceci est formulé ainsi :

Tout d’abord il y a la compréhension de l’ainsité. C’est l’absence d’illusion, l’absorption égale, l’absence d’implication intellectuelle. Ensuite il y a la compréhension de tout ce qui existe. Ce sont les apparences illusoires, la connaissance post-méditative, l’implication intellectuelle.

Dans le deuxième point de vue, il est affirmé que les bouddhas ne sont pas dotés de l’intelligence immédiate post-méditative.
Dans Le Sûtra de la Noble Pratique aux Innombrables Portes il est dit :
Les tathâgatas, authentiques et parfaits bouddhas,
N’ont présent à l’esprit ni ne connaissent aucune chose.
Pourquoi cela ?
Parce qu’il n’y a là aucun objet qu’il faille connaître.

Par ailleurs, certains tenants de traditions extrémistes disent même :

Vous qui affirmez être allé vers la libération,
Une fois parti pour la paix [du nirvâna],
Tel un foyer éteint,
Cela ne compte plus.

Nous conclurons ainsi cet exposé des différents points de vue sur l’intelligence immédiate.

Pour les « amis de bien », le véritable bouddha pur et parfait est le corps absolu, corps absolu que l’on peut qualifier d’effacement de toute erreur ou de destruction de ce qui n’est qu’un mode d’être erroné. Mais ces expressions ne sont que des appellations conceptuelles. Fondamentalement, le corps absolu est non-né, au-delà des concepts.
Dans L’Ornement des Sûtra il est dit :

La libération est seulement la fin de l’erreur.

Ainsi le bouddha est le corps absolu ; le corps absolu est non-né, au-delà des concepts, il n’a donc pas à être doté d’une intelligence immédiate qui perçoit cela.
On pourrait se demander si cela n’est pas en contradiction avec les sûtras qui parlent de deux expériences premières, mais ce n’est pas le cas.
De même qu’on dit voir du bleu lorsqu’une apparence de couleur bleue se présente à la conscience visuelle, c’est lorsque la sagesse devient espace absolu qu’on parle d’intelligence immédiate du « comment c’est ». Quand à la connaissance de l’émergence, elle relève de la vérité relative et correspond aux perceptions des êtres à secourir.
L’exposer ainsi est une présentation réputée facile à comprendre.

Selon l’explication du vénérable Milarépa, on appelle aussi intelligence immédiate, la connaissance de l’instantanéité présente, inaltérée par des superfétations artificielles et fabriquées ; elle est l’expérience même au delà de l’intellect et des désignations d’existence véritable, d’absence d’existence et autres.

Donc, quelque soit la façon dont on en parle il n’y a là pas de contradiction ; il en est ainsi de l’intelligence immédiate.

Alors quelqu’un mu par un esprit qui souhaitait se cultiver interrogeait le Bouddha en personne sur cela, il lui répondait qu’on ne pouvait en parler en mode déterminé : « Le corps absolu étant au-delà de l’intellect, non-né, libre de concepts, ne me posez pas de questions ! Regardez en l’esprit, car dire c’est comme cela n’est pas une explication de ce qui est. »

C’est donc ainsi que sublime extinction et suprême intelligence immédiate sont l’essence ou la nature de bouddha.

Dans L’Insurpassable Continuité, il est dit :

Les caractéristiques de l’extinction et de l’intelligence immédiate
Sont comme le soleil et l’espace.
Parfaitement analysées grâce à l’enseignement authentique,
Elles sont indifférenciées en l’état même de bouddha.

Et dans L’Ornement des Sutras il est dit :

Le jour où une vaste extinction vient éradiquer,
Sous tous leurs aspects, les germes des voiles des passions
Et de la connaissance conceptuelle s’étant longuement perpétués,
Et que l’acquis des qualités et des actes positifs est obtenu,
C’est l’état de bouddha même.

II – Définition

– Pourquoi emploie-t-on le terme bouddha (sangs rgyas) ?
– On utilise le terme de bouddha car une fois l’action du sommeil de l’ignorance fondamentale dissipé (sangs), l’esprit est épanoui (rgyas) en les deux intelligences.

Il est dit :

Il est bouddha,
Car il a dissipé le sommeil de l’ignorance
Et épanoui son esprit.

Ici, dissiper le sommeil de l’ignorance se réfère à la sublime extinction expliquée précédemment et l’épanouissement de l’esprit à la connaissance, à la suprême intelligence immédiate expliquée aussi auparavant.

III – Classification

On peut distinguer pour l’état de bouddha trois aspects ou corps qui sont : le corps absolu, le corps d’expérience parfaite et le corps d’émanation.
Il est dit dans Le Sûtra de la Pure Lumière d’Or :

Tous les tathâgatas ont trois corps :
Le corps absolu, le corps d’expérience parfaite
Et le corps d’émanation.

Néanmoins, on peut objecter que certains textes parlent de deux, quatre et même cinq corps, mais même expliqués ainsi tous s’inscrivent dans cette triade même.
Dans L’Ornement des Sûtras il est dit:

Il faut savoir que les corps du bouddha
Sont inclus dans les trois corps.

IV – Système

Si l’on explique cette présentation des trois corps, le corps absolu est le véritable état de bouddha.
Dans Les Huit Mille Nobles Stances il est dit :

N’envisage pas les corps formels en tant que tathâgata ;
Le tathâgata c’est le corps absolu.

Et dans Le Sûtra du Samâdhi Royal:

Ne considère pas le puissant victorieux
En regard aux corps formels.

Il faut savoir que les deux corps formels apparaissent de la réunion de trois facteurs. Ils se produisent sur la base de :
(1) la grâce du corps absolu,
(2) des apparences propres aux personnes à instruire et
(3) des souhaits antérieurs.

1) En effet, s’ils apparaissaient uniquement de la grâce de l’espace absolu, étant donné que la sphère de l’absolu est universellement présente, il serait normal que tous les êtres se libèrent sans efforts ou encore que tous soient mis en présence du bouddha. Mais puisque ce n’est pas le cas, ils n’apparaissent donc pas seulement par la grâce de l’espace absolu.

2) S’ils existaient du seul fait des apparences propres aux êtres à instruire, ces apparences dépourvues d’existence propre étant une connaissance erronée, l’état de bouddha reposerait sur une connaissance erronée et il serait normal que tous les êtres, eux-mêmes pourvus depuis des temps sans commencement d’une connaissance erroné, réalise l’état de Bouddha. Comme ce n’est pas le cas, ils n’existent pas non plus du seul fait des apparences propres aux êtres.

3) S’ils apparaissaient uniquement des souhaits d’un bouddha, de deux choses l’une : un parfait et complet bouddha a soit acquis le pouvoir de réaliser ses souhaits, soit il ne l’a pas obtenu. S’il ne l’avait pas acquis, il ne serait pas devenu omniscient. Mais s’il l’a obtenu, il serait normal que tous soient libérés sans efforts puisque ses souhaits pour le bien des êtres sont impartiaux. Comme ce n’est pas le cas, ils n’apparaissent donc pas non plus seulement par les souhaits d’un bouddha.

Les deux corps formels apparaissent donc par la force conjuguée de ces trois facteurs.

V – Nombre défini

Ce nombre a été regardé comme justifié car il y a le corps absolu pour son propre bien et les deux corps formels pour le bien d’autrui.

– Comment le corps absolu peut il faire notre propre bien ?
– Lorsque le corps absolu a été obtenu, il est la base de toutes les qualités. En effet les qualités éveillées de force, d’intrépidité et autres s’y trouvent toutes réunies comme si on les avait là appelées.

Par ailleurs, même si l’obtention du corps absolu n’est pas achevée, pour ceux qui aspirent à ce corps absolu et en ont une réalisation infime, partielle ou presque complète, un peu, beaucoup, de multiples et d’indénombrables qualités sont respectivement acquises.

C’est ainsi que les absorptions méditatives, les expériences véritables et les pouvoirs excellents du niveau du suprême connaissable mondain, [le point inférieur de la voie de la jonction] sont les qualités des aspirants au corps absolu ; que toutes les qualités telles que les extinctions, les expériences véritables, les prodiges des nobles Vainqueurs Auditeurs sont celles d’une réalisation infime du corps absolu ; que toutes les qualités telles que les extinctions, les absorptions, les expériences véritables des nobles Vainqueurs bouddha par soi sont celles d’une réalisation partielle du corps absolu et que tous les extinctions, absorptions, expériences véritables et autres qualités de ceux qui demeurent en un degré de bodhisattvas sont celles d’une réalisation presque complète du corps absolu.

Il est établi qu’il y a pour le bien d’autrui deux sortes de corps formel : le corps d’expérience parfaite présent aux êtres à instruire étant déjà purifiés et le corps d’émanation présent aux êtres à instruire n’étant pas purifiés.

Il est donc certain que le bouddha a trois sortes de corps.

VI – Caractéristiques

Nous allons expliquer les caractéristiques propres à chaque corps.

1. Le corps absolu

En réalisant le sens de l’espace absolu, la vacuité, toutes les erreurs cessent. La nature des apparences trompeuses qui n’est que méprise étant détruite, on nomme cela « corps absolu ». Cependant, ce n’est qu’une simple désignation conceptuelle car le corps absolu, ses caractéristiques et son substrat n’ont pas la moindre existence en tant qu’essence fondamentalement stable.
Le lama Milarépa en parlait de cette façon même.

Quand on se livre à une analyse des aspects apparemment contradictoires du corps absolu, il a huit caractéristiques :
1) l’égalité,
2) la profondeur,
3) la permanence,
4) l’unité,
5) la perfection,
6) la pureté,
7) la luminosité
8) l’union à la parfaite expérience de plénitude.

1) L’égalité : car il n’y a pas un corps absolu qui soit spécifique à chaque bouddha.
2) La profondeur : car dénué de toute projection conceptuelle, il est difficile à réaliser.
3) La permanence : car étant non composé, il est dépourvu d’origination et de cessation que ce soit à un début, un milieu ou une fin.
4) L’unité : il est en effet indivisible du fait de l’indissociabilité de la sphère absolue et de l’intelligence immédiate.
5) La perfection : car transcendant les extrêmes d’une évaluation exagérée ou réductive, il est juste.
6) La pureté : il est en effet dénué des impuretés des trois voiles, des passions, des connaissables et de l’union méditative.
7) La luminosité : il est en effet non conceptuel, car sans conceptualiser il se réfère à cet état même d’absence de pensées.
8) L’union à la parfaite expérience de plénitude : car il est à la base de l’expérience parfaite qui est le lieu des immenses qualités.

Il est dit dans L’Insurpassable Continuité (II,38) :

Le yogi en état d’égalité méditative perçoit,
Dans l’expérience directe, ce qui est la nature de l’espace absolu:
Dénuée de point initial, de milieu, de fin, indivisible, non duelle,
Libre de la triade de la relation d’un sujet à un objet,
Immaculée et non conceptuelle.

Et dans L’Ornement des Sûtra il est dit :

Le corps de nature essentielle [svâbhâvikakâya] est :
Egal, subtil et associé à l’expérience parfaite.

2. Le corps d’expérience parfaite

Le corps d’expérience parfaite a aussi huit caractéristiques qui sont : 1) l’entourage, 2) le domaine, 3) le corps, 4) les attributs, 5) l’enseignement, 6) les œuvres, 7) l’existence spontanée et 8) l’absence de nature propre.

1) – Quel entourage peut jouir de son expérience ?
– Exclusivement celui des bodhisattvas établis en la dixième terre.
2) – Quel est son domaine d’expérience ?
– C’est le domaine d’éveil parfaitement pur.
3) – Quels sont les corps qui en font l’expérience ?
– Ce sont les glorieux tel Vairocana.
4) – De quels attributs est il doté ?
– Son corps a trente deux marques majeures exquises et quatre vingt signes mineurs excellents.
5) – Quel est l’enseignement qu’il expérimente à la perfection ?
– C’est uniquement celui du mahâyâna.
6) – Quelles est l’activité éveillée qu’il met en œuvre ?
– Il œuvre entre autres selon les révélations des fils du victorieux.
7) – Et sa spontanéité ?
– Toutes ses œuvres libres d’effort, il se manifeste spontanément telle la gemme royale.
8) – Et son absence de nature propre ?
– Bien qu’il apparaisse sous forme de différents corps et autres aspects, il est dépourvu de nature propre pluraliste, comme les couleurs que prend un cristal.

Dans L’Ornement des Sûtra il est dit :

En tout domaine, l’expérience parfaite [du Sambhogakâya]
Se distingue par : l’entourage réuni, le domaine, les attributs,
Les corps, l’enseignement expérimenté parfaitement et les œuvres.

Et dans L’Ornement de la Réalisation Véritable il est dit :

C’est parce qu’il expérimente intimement le mahayâna
Et que ses attributs ont le propre d’être
Les trente deux marques majeures
Et les quatre vingt signes mineurs
Que l’on en parle en tant que
Corps de parfaite expérience des bouddhas.

3. Le corps d’émanation

Le corps d’émanation a lui aussi huit caractéristiques qui sont :

1) le fondement,
2) la cause,
3) le domaine,
4) la durée,
5) le mode d’être,
6) l’induction,
7) l’actualisation
8) la libération.

1) Son fondement : c’est le corps absolu dans son immuabilité.
2) Sa cause : c’est la grande compassion qui souhaitant être utile à tous être le rend manifeste.
3) Son domaine : C’est à la fois les domaines très purs et ceux pleins d’impuretés.
4) Sa durée : Aussi longtemps que perdure l’univers, c’est une continuité ininterrompue.
5) Son mode d’être : Il prend la forme de trois types d’émanations :

a) Les émanations d’artistes et d’artisans qui pratiquent avec une maitrise incomparable différents arts tels que joueur de luth par exemple.
b) Les émanations de naissances qui peuvent aussi prendre différents formes corporelles même inférieures telle que celle de lapin ou autres.
c) La suprême émanation qui se manifeste depuis son départ de Tushita et l’entrée dans la matrice jusqu’au passage dans la grande paix.

Il est dit dans L’Ornement des Sûtra :

Le corps d’émanation d’un bouddha,
Parce qu’il se manifeste toujours au travers du nirvâna,
Du vaste éveil, des naissances et des arts,
Est un grand moyen d’œuvrer à la parfaite libération.

Et dans L’insurpassable Continuité, il est dit :

Il se manifeste dans les domaines très impurs,
Au travers des différents modes d’être de ses émanations ;
Et aussi longtemps que perdure un monde à venir
Il conçoit de naitre véritablement.
Après avoir résidé à Tushita,
Il en part, entre en la matrice, vient au monde,
Acquiert la maitrise du domaine des arts traditionnels,
Jouit d’un entourage de courtisanes, renonce, cultive l’ascèse,
Va au cœur de l’éveil, soumet les rangs de Mara
Et parachevant l’éveil,
Met en mouvement le cycle des enseignements
Et passe en le nirvâna.

6) L’induction : il induit chez les êtres ordinaires du monde l’aspiration à l’un ou l’autre des trois types de nirvâna.
7) L’actualisation : il fait actualiser à la perfection les deux acquis [de bienfaits et d’intelligence immédiate] de ceux qui sont engagés dans la voie.
8) La libération : il libère des liens de l’existence ceux qui, par la vertu, ont pleinement actualisé leur potentiel.

Dans L’insurpassable continuité il est dit :

C’est le corps formel qui enseigne, mène à pleine maturité
Et introduit les êtres du monde à la voie de la paix.

Telles sont les huit caractéristiques du corps d’émanation.

Il est dit dans L’Ornement de la Réalisation véritable :

Quel est ce corps qui, aussi longtemps que perdure l’existence,
Accomplit inlassablement pour les êtres de multiples bienfaits ?
C’est le corps d’émanation perpétuel des bouddhas.

VII – Particularités remarquables

Les particularités remarquables sont au nombre de trois : d’égalité, de permanence et d’apparence.

1) La particularité d’égalité :

• Le corps absolu de tous les bouddhas n’étant pas distinct de son fondement : la sphère absolue, il y a là égalité.
• Le corps d’expérience parfaite de tous les bouddhas étant indissociable de la pensée éveillée, il y a là aussi égalité.
• Le corps d’émanation de tous les bouddhas étant une activité éveillée alors usuelle, il y a là encore égalité.

Il est dit dans L’Ornement des Sûtra :

Pour ces trois corps,
Par le fondement, la pensée et l’activité
Il y a l’égalité même.

2) La particularité de permanence :

• Le corps absolu est permanent de par sa nature car il a fondamentalement la propriété d’être libre d’origination et de cessation.
• Puisqu’il n’y a pas pour le corps d’expérience parfaite, d’interruption dans la continuité de l’expérience du dharma, il est permanent par cette constance.
• Le corps d’émanation, bien qu’il puisse disparaitre, se remanifeste encore et encore. Bien qu’il y ait des interruptions dans sa concordance aux situations, parce qu’il apparait sans délai au moment opportun, il agit de façon permanente.

Il est dit dans L’Ornement des Sûtra :

Pour ces trois corps
Par la nature, la constance et la continuité,
Il y a la permanence même.

3) La particularité d’apparence :

• Lorsque le voile des connaissables a été purifié en la sphère absolue, le corps absolu apparait.
• Lorsque le voile des passions a été purifié, le corps d’expérience apparait.
• Lorsque le voile du karma a été purifié, le corps d’émanation apparait.

Ainsi s’achève la section consacrée au fruit, les corps du parfait état de bouddha,
vingtième Chapitre du Joyau Magique,
L’Ornement de la Précieuse Libération.

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