1. L’émergence de la conscience – les douze facteurs interdépendants

On a vu jusqu’ici un certain nombre d’éléments structurels, qui constituent la personne, les constituants, les différentes consciences et champs cognitifs.

Maintenant on entre dans ce qu’on appelle des arcanes dynamiques dont le principal concerne les douze facteurs interdépendants. On examinera aussi le double développement.

Pour l’émergence de la conscience, on suivra le Pratītyasamutpāda རྟེན་འབྲེལ་བཅུ་གཉིས་ 

    1. མ་རིག་པ་ l’ignorance

Il n’y a pas རིག་པ་, il n’y a pas d’éveil.

L’« ignorance », l’absence de gnose, de réalisation, est la racine du cycle des états de la conscience.

Il est pertinent de parler des états multiples de la conscience.

Qu’est-ce que le samsara, འཁོར་བ ? C’est l’ensemble des états multiples de la conscience. On envisage l’action de l’ignorance en deux étapes (cf ci-dessous le développement sur les deux ignorances). Il se produit une sorte de coagulation c’est-à-dire de réification. Le terme « coagulation » est intéressant parce que c’est à la fois un terme imagé et un terme alchimique. Dans le Dharma, il y a une approche analogue à la notion de l’alchimie spirituelle occidentale avec la formule connue « Solve et coagula » » dissous et coagule » soit solution, dissolution et coagulation. C’est le processus inverse de ce qu’on connaît dans le Dharma comme la dissolution des voiles qui révèle les qualités éveillées qui se manifestent (coagula) au fur et à mesure que les voiles se dissolvent (solve).

Quand on coagule, on donne forme à ce qui échappe aux noms et aux formes mais il faut ensuite savoir dissoudre pour ne pas rester dans la fixation, dans l’attachement. ( Cf Kyerim et Dzorim).

      1. ལྷན་གཅིག་སྐྱེས་པའི་མ་རིག་པ་ l’ignorance innée

Extrait des Souhaits de Samantabhadra :

ལྷན་ཅིག་

སྐྱེས་པའི་

མ་རིག་པ་

inné, co-né naissance non intelligence

La non intelligence en laquelle nous naissons

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ཤེས་པ་

དྲན་མེད་

ཡེངས་པ་

ཡིན་

cognition inconscience

sans lucidité

errance est

Est la cognition qui erre sans lucidité

      1. ཀུན་བརྟགས་མ་རིག་པ་ l’ignorance de la conception

Extrait des Souhaits de Samantabhadra :

 

ཀུན་ཏུ་

བཏགས་པའི་

མ་རིག་པ་

Toute chose étiqueter

imputer

concevoir

non intelligence

La non intelligence qui conçoit toute chose

བདག་

གཞན་

གཉིས་

སུ་

འཛིན་པ་

ཡིན་

moi autre dualité lat. saisie est

Est la saisie dualiste du moi et de l’autre

Les ignorances innée et conceptuelle, de la conception sont la base et le fondement de tous les vivants comme dit Samantabhadra.

Extrait des Souhaits de Samantabhadra :

 

ལྷན་ཅིག་

ཀུན་བཏགས་

མ་རིག་

གཉིས་

Inné, co-né conception de toute chose inintelligences deux

Ces inintelligences, innée et conceptuelle

སེམས་ཅན་

ཀུན་

གྱི་

འཁྲུལ་

གཞི་

ཡིན་

Vivants tous de illusion la base sont

Sont la base de l’illusion de tous les vivants

Question : Est-ce que dans la première ignorance qui est sans lucidité, il y a une conception du « moi-je », une identité, ou est-ce plutôt dans la deuxième ?

Réponse DR : C’est implicitement dans la première où il n’y a pas de « moi-je » ; on est dans le brouillard, dans l’indéterminé, dans une sorte d’inconscience où il y a déjà le « on », forme indéterminée et subtile certes, mais qui est déjà une forme de moi indéterminé qui va se préciser dans la polarisation sujet-objet de la conception. On naît et on est dans la conception concepteur-/conçu sujet-objet.

    1. འདུ་བྱེད་ les tendances formatrices

Ce sont les tendances formatrices, les « informations », ce qui met en forme, qui amène le troisième facteur རྣམ་ཤེས་

    1. རྣམ་ཤེས་ la conscience sujet/objet

Ici se présente une difficulté du Samutpāda : la conscience apparaît au début du cycle des douze facteurs et elle apparaît ultérieurement dans sa constitution pleine au niveau du onzième facteur. Au début, il s’agit de l’émergence de la dualité, de la simple polarité sujet-objet puis le sujet et l’objet se développent et se posent comme le nom et la forme. Le nom est le sujet et la forme l’objet. Tout le cycle des douze facteurs expose l’émergence d’un état de conscience pleinement constitué.

La conscience dont il s’agit au début c’est donc l’émergence de la dualité, la conscience sujet-objet རྣམ་ཤེས་

    1. མིང་གཟུགས་ le nom ou sujet et la forme ou objets

Ce sont les catégories de l’entendement, le nom et la forme.

Quand on interprète le terrain, on met des formes et des noms. D’abord, on circonscrit les espaces signifiants, des formes signifiantes, et on les désigne avec des noms.

Une autre interprétation dans le cadre du Pratītyasamutpāda est que མིང་ est le sujet et que གཟུགས་ sont les objets.

    1. སྐྱེ་མཆེད་དྲུག་ les six domaines sensoriels

Ce sont les domaines dans lesquels les expériences sensorielles correspondant aux six sens, naissent et se développent.

Dans ces six domaines sensoriels, il va y avoir un contact རེག་པ་.

    1. རེག་པ་ le contact

De ce contact naît une sensation, une expérience ཚོར་བ་

    1. ཚོར་བ་ la sensation

De cette expérience inhérente à la sensation s’ensuit une soif སྲེད་པ་

    1. སྲེད་པ་ la soif

L’attraction, répulsion, indifférence va amener la saisie ལེན་པ་

    1. ལེན་པ་ la saisie

C’est la saisie d’un objet, saisie dans l’attraction, la répulsion ou l’indifférence.

C’est ici qu’on représente dans le schéma des douze facteurs interdépendants, les ciseaux, qui signifient que c’est au niveau de la saisie qu’on peut couper le cycle, le suspendre, avec justement la suspension de la saisie, c’est-à-dire la dessaisie འཛིན་མེད་

    1. སྲིད་པ་ le devenir

Lorsque l’on saisit, l’impulsion, l’énergie de la saisie, est une cause qui entraîne des conséquences, un devenir : c’est le karma.

La conséquence va être de vivre dans un certain état induit par la saisie, la naissance སྐྱེ་བ་ d’un état, d’un état de conscience particulier.

    1. སྐྱེ་བ་ la naissance

    1. རྒ་ཤི་ la vieillesse et la mort

Question : La mort ne s’écrit-elle pas aussi འཆི ?

Réponse DR : Oui འཆི་ comme dans འཆི་ཀའིབར་དོ་, qui est plus le moment de la mort.

Voilà une façon de présenter l’émergence de la conscience avec ses différents facteurs, dans une présentation qui est symbolique et très profonde.

On utilise les représentations des douze facteurs pour présenter le samsara dans des villages tibétains à des agriculteurs illettrés.

Donc cela peut parler de façon analogique et symbolique et il y a aussi toute une vision philosophique très profonde qui y est associée.

 

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