Le texte fondamental des six bardo

Le texte fondamental des six bardos

Au moment où m’apparaît le bardo de la naissance à la mort,

Sans perdre de temps, j’abandonne la paresse,

Et m’engage sans distraction dans l’écoute,

la réflexion et la méditation des enseignements,

Intégrant dans la voie apparences et l’esprit

Je pratique pour qu’ils deviennent véritablement

les trois Corps de Bouddha (1)

Alors que j’ai pour une fois obtenu une existence humaine,

Ce n’est pas le moment de rester dans la voie des distractions.

 

Au moment où m’apparaît le bardo des rêves,

J’abandonne l’opacité mentale,

l’indifférence d’un sommeil de cadavre,

Et, avec une vigilance sans distraction,

m’engage dans leur état fondamental.

Dans un rêve lucide, je projette,

transforme puis pratique la Claire lumière (2)

Sans dormir comme un animal,

La pratique qui intègre véritablement

le sommeil est très importante.

 

Au moment où m’apparaît le bardo de la méditation,

J’abandonne les distractions et la foule des illusions ;

Libre de distraction et sans fixation,

je m’engage en l’état libre de toute détermination.

Il faut obtenir une pratique stable de Kyérim et Dzorim (3)

Alors qu’ayant abandonné l’activité, je pratique dans l’unicité,

Puissé-je ne pas tomber sous le pouvoir des émotions conflictuelles.

 

Au moment où m’apparaît le bardo de la mort,

J’abandonne les attachements et les fixations de l’esprit

Et m’engage sans distraction

dans la voie éclairée par les instructions.

Mon esprit s’étant projeté en la sphère de l’espace incréé (4)

Séparé du corps composé de chair et de sang,

Je saurai ce que sont l’impermanence et l’illusion.

 

Au moment où m’apparaît le bardo de la vérité,

J’abandonne peurs et frayeurs vis-à-vis des apparences terrifiantes,

Et reconnais tout ce qui se présente

comme le mode d’apparence du bardo.

Lorsqu’arrive le moment où l’expérience essentielle cesse (5),

Puissé-je ne pas être effrayé de mes propres apparences :

l’assemblée des divinités paisibles et courroucées.

 

Au moment où m’apparaît le bardo du devenir,

Je fixe mon esprit sur une unique intention

Suis résolument les manifestations du karma positif,

Ferme la porte des matrices

et garde présent à l’esprit le devoir de résister.

C’est le moment où il faut vaillance et vision pure.

J’abandonne attraction – jalousie

et médite sur le Lama père et mère (6)

 

Si, sans penser que la mort allait venir,

(absorbé) dans des perspectives à long terme,

Après avoir encore et encore accompli

les futiles activités de cette vie

Je repartais maintenant les mains vides,

j’aurais vraiment fait une erreur.

Comme j’ai, assurément,

besoin de la compréhension du dharma excellent,

Pourquoi ne pratiquerai-je pas maintenant

les divins enseignements ?

 

De la bouche des Lamas de toute bonté, viennent ces mots :

« N’est-ce pas s’auto-illusionner
que de ne pas garder présentes à l’esprit
les instructions de son Lama ? »

 

*Extrait du Cycle du Bardo Theudreul, traduit par le comité Lotsawa (1988).

 

(1) Dans l’expérience du mahamudra, toutes les apparences, tous les sons et toutes les manifestations de l’esprit sont indissociables de l’expérience des trois Corps du Bouddha, ce sont ici les aspects purs de l’esprit et de ses manifestations.[retour]

(2) Ce vers est une allusion à la pratique de la doctrine de l’état de rêve enseignée dans les six doctrines de Nigouma (ou de Naropa). Elle apprend au yogi à faire des rêves conscients ou rêves lucides, puis à travailler avec les manifestations oniriques en en projetant de nouvelles et en en transformant d’autres…, cela pour réaliser la nature véritable du rêve et de ses illusions. Des exercices particuliers apprennent aussi à faire une expérience de sommeil lucide. Le sommeil profond est alors reconnu comme la claire lumière du sommeil. [retour]

(3) Kyérim et Dzorim, « la phase de développement et la phase de perfection », sont les deux volets des pratiques méditatives du vajray›na. Kyérim est une méditation avec des formes visualisées et des récitations de mantra. Dzorim est une méditation généralement silencieuse et sans forme.[retour]

(4) Au moment de la mort, l’esprit peut être éjecté dans la sphère de l’espace incréé par la pratique de Powa (le transfert de la conscience). Il est aussi projeté naturellement en cette sphère par l’expérience de la Claire lumière au terme de la dissolution des différents éléments (voir l’enseignement du Vénérable Kalou Rinpotché).[retour]

(5) Au terme de l’expérience de la Claire lumière, ou pour un être ordinaire au sortir de la période d’inconscience, apparaissent les visions des différentes divinités paisibles et courroucées du bardo (voir l’enseignement du Vénérable Kalou Rinpotché).[retour]

(6) Cette méditation purifie les tendances de la naissance (attraction pour le père si l’on doit renaître femme, et inversement pour une naissance masculine).[retour]

 

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