La patience

Sa Sainteté le Dalaï-Lama, Tenzin Gyatso

« Pour nous tous, enseignants comme auditeurs, il est très important de mettre à profit les enseignements pour transformer notre esprit, et non pour approfondir nos connaissances livresques, accroître notre renommée ou satisfaire d’autres fins ordinaires. »

« Le plaisir s’obtient à grand peine ;
la douleur vient sans qu’on la cherche.
Or, c’est de la douleur que vient le désir de se libérer.
Sois donc ferme, ô mon âme ! »

Dès la formation de notre corps, nous endurons toutes sortes de souffrances. Malgré l’horreur qu’elles nous inspirent, nous ne pouvons les empêcher de surgir. Leurs causes semblent inépuisables. Par contre, le bonheur que nous désirons tant ne s’obtient qu’au prix d’une grande volonté et d’efforts soutenus. Il est donc très important de transformer les causes de souffrance en causes de bonheur.

C’est être un sage que d’utiliser les circonstances adverses pour progresser sur le chemin spirituel. La souffrance n’a pas que des aspects indésirables : elle appelle de grands changements intérieurs. Il est dit : “Sans souffrance, pas de renoncement”, car sans elle, nous n’éprouverions pas le désir de nous libérer du cycle des existences.

A mesure que notre endurance croît, nous apprenons à supporter les plus grandes difficultés. Il n’est rien que l’on ne puisse maîtriser par l’exercice. En s’habituant à des souffrances légères, on parvient à en supporter de plus lourdes.

« Froid, chaud, pluie, vent, fatigue, prison, coups : s’en inquiéter, c’est souffrir davantage. »

La force d’âme permet d’endurer sans ciller les douleurs les plus vives.

Celui qui en manque ne supporte pas la plus infime souffrance.

« Il en est qui, voyant couler leur sang, redoublent de vaillance ;
il en est qui défaillent à la vue du sang d’un autre ;
cela vient de la fermeté ou de la faiblesse de l’esprit.
Il suffit de résister à la douleur pour s’en rendre maître. »

Tout dépend de la façon dont nous prenons les choses. Par la force de la patience, nous resterons imperturbables en face des épreuves.

Il est difficile d’accepter l’adversité, mais nous devons mobiliser toute notre énergie et, armés de patience, entrer en guerre contre la colère, le pire de nos ennemis.

Ne craignons pas d’essuyer quelques pertes, conséquences inévitables de toute bataille.

« La douleur ne doit pas troubler la sérénité du sage ;
car il se bat contre les passions,
et la guerre ne va pas sans douleur. »

Soumis à la haine, l’homme achève son ennemi et devient un héros.

Mais, en fait, il ne fait que poignarder un cadavre. En quoi est-ce un exploit ?

Le véritable héros est celui qui, au mépris de toutes les épreuves, combat les ennemis intérieurs que sont les émotions et en sort victorieux.

« La douleur est un grand bienfait :
c’est un ébranlement qui provoque
la chute de l’arrogance, la compassion envers les êtres,
la crainte des actes nuisibles, l’amour de la vertu. »

Le choc de la souffrance nous apprend l’humilité, il nous ouvre à la souffrance des autres, à la compassion et à l’altruisme. Dans notre désir de l’éviter, nous redoutons les actes négatifs qui en sont la cause et accomplissons avec enthousiasme les actes positifs.

L’altruisme est présent en chacun de nous, même s’il n’est qu’embryonnaire. C’est en cultivant la volonté de faire le bien que nous développerons un altruisme infini et parfait : la Pensée de l’Eveil. Mais l’animosité et le désir de nuire lui font obstacle. C’est pourquoi nous devons user de la patience comme d’un remède. Plus celle-ci grandit, moins la colère trouve l’occasion de se manifester. Cette pratique est sans égale pour enrayer la haine.

A mon avis, tous les êtres, à commencer par les humains, apprécient la bonté et donnent spontanément de la valeur à la faculté d’aimer. Même les animaux sont sensibles à la tendresse qu’on leur témoigne. La bonté aimante est un sentiment inné, elle est présente en chacun de nous. Ne sommes-nous pas toujours heureux de voir quelqu’un dont le visage rayonne de bonté ? L’importance que lui accordent les traditions spirituelles est d’ailleurs le signe de ses bien faits inestimables. Elle est l’une des qualités premières du Bouddha. Lorsque nous parlons de lui comme de notre refuge, c’est à son amour que nous pensons tout d’abord. Cela est une vérité universelle, non seulement dans le bouddhisme mais dans toutes les religions. Ne di sent-elles pas que le créateur est compatissant et miséricordieux ?

Quand nous préférons prendre sur nous la défaite, laissant la victoire à autrui, bien des gens y voient un échec, un manque de courage et disent que la patience est un signe de faiblesse. Je pense qu’ils se trompent et qu’elle émane d’une grande force intérieure.

© Editions Albin Michel S.A., 1992.

Extrait du chapitre VI (La patience) de « Comme un éclair déchire la nuit ». Reproduit avec l’aimable autorisation de l’éditeur et de l’A.B.C.D.

 

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