La vie quotidienne éclairée par la pratique de Mahamudra

Tsele Natsok Rangdröl

Tsele Natsok Rangdröl était un maître remarquable des traditions kagyu et nyingma, au dix-septième siècle. Plus connu sous le nom de Tsele Péma Legdrup, inégalable par ses qualités d’érudition, de vertu et de compassion, il était une émanation du grand traducteur Vairochana.

Ce court passage expose la façon d’appliquer la pratique ultime de mahamudra dans l’action ordinaire du monde relatif.

Après avoir brièvement décrit la vue et la méditation, les voies et les degrés, je vais aussi expliquer sommairement comment pratiquer l’action, l’amplification de la pratique.

Dans la plupart des voies du mantrayana, sont mentionnés trois types différents d’activités : élaborées, sans élaboration, et tout à fait sans élaboration. Il y a aussi le comportement secret, le comportement de groupe, la discipline consciente, le comportement tout victorieux, etc.

Beaucoup de catégories existent, mais ce sont pour la plupart des amplifications générales des phases de génération et de perfection. Dans ce contexte, le comportement à jamais excellent qui protège l’état naturel non né, libre de conceptualisation, est seul important.

Tout d’abord, même durant les étapes préliminaires de développement de bienfaits, de purification des voiles, et des pratiques pour recevoir l’influence spirituelle, apprenez la conduite à jamais excellente : ne pas être corrompu par les souillures de l’un des huit intérêts mondains et de ne pas être imbu de vous-même.

Ensuite, lorsque sont acquises une certitude quant à la vue et à la méditation de la partie principale de la pratique, et une claire connaissance de l’esprit auto-connaissant, entraînez-vous à l’action à jamais excellente : être adroit en tout par la connaissance d’un point essentiel, et connaître le point essentiel qui libère tout. C’est le moyen d’enfoncer en vous-même la compréhension de nombreuses perspectives, et de couper court à l’arrogance du doute dans votre esprit.

Finalement, bien que différentes autorités scripturaires et instructions orales aient enseigné différents types de comportements comme moyens d’amplifier sa propre pratique, les points essentiels sont les suivants :

• Couper court aux attachements du monde, et vivre en solitaire dans des retraites de montagne, en réclusion. Telle est la conduite du daim blessé.

• Être libre de crainte et d’anxiété devant les problèmes. Tel est le comportement du lion jouant dans les montagnes.

• Être libre d’attachement ou de saisie des plaisirs sensoriels. Telle est la conduite du vent dans l’espace.

• Ne pas s’engager dans les chaînes de l’acceptation et du rejet des huit intérêts du monde. Tel est le comportement du fou.

• Cultiver simplement et sans cesse le courant de l’état naturel de l’esprit, sans être attaché par les liens des fixations dualistes. Telle est la conduite comparable à un coup de lance dans l’espace.

Quand on adopte ces sortes de comportements, il faut couper les chaînes de l’errance trompeuse, de la distraction, des espoirs et des craintes. Vous y engager avec ne serait-ce qu’un tout petit peu du défaut intérieur qu’est le désir de signes et d’indications, d’expériences et de réalisation, etc., ne vous ferait rien obtenir d’autre qu’un voile sur votre véritable condition, sur votre état inné, le visage naturel du dharmakaya. Appliquez-vous exclusivement à cultiver l’état naturel libre de fabrication. C’est la meilleure des conduites à jamais excellentes, en laquelle tout est intégré dans la voie.

Sans considération pour les difficultés variées telles que la pensée conceptuelle, les émotions perturbatrices, la souffrance, la peur, la maladie ou la mort, qui adviennent occasionnellement, soyez aptes à les porter sur le chemin en tant que partie principale de la pratique du mahamudra naturel, sans rien espérer, sans vous reposer sur l’aide extérieure de quelque antidote. C’est la souveraine de toutes les formes d’amplification.

La personne capable de pratiquer ainsi maîtrisera l’ensemble du samsara et du nirvana, les apparences et l’existence. Ainsi, la nature des choses fait-elle que vous serez libre de toute source d’obstacle, que le grand océan des accomplissements se déversera, que l’obscurité des deux voiles sera éclaircie, que brillera désormais le soleil des signes et des accomplissements. Le bouddha sera découvert en votre propre esprit, et le trésor de bienfaits pour autrui sera largement ouvert.

A l’opposé, il est vraiment désespérant de voir des méditants qui semblent surtout préoccupés de rejeter au loin le seul joyau efficace qui leur ait été mis entre les mains, et qui, comme des enfants cueillant des fleurs une à une, passent leur vie à souhaiter une chose meilleure à faire après l’autre.

© Shambala Publications, Inc. Extrait de The lamp of mahamudra, par Tsele Natsok Rangdröl, traduit en anglais par Erik pema Kunsang, traduit en français par la revue Dharma et publié avec l’aimable autorisation de Shambala Publications, P.O. Box 308, Boston, MA 02117.

 

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