Le développement des facultés sensorielles – (Indriyabhavana-sutta)

Traduit du pali en français par Môhan Wijayaratna

  1. Le développement des facultés sensorielles – (Indriyabhavana-sutta)

Dans ce sermon, le Bouddha, corrigeant une façon d’enseigner erronée d’un brahmane, expliqua comment percevoir l’environnement. La qualité de notre environnement ne dépend pas des objets perçus, ni des capacités du consommateur à choisir des choses de qualité, ni de la sensibilité du consommateur, mais de sa capacité à percevoir de façon juste les objets. Il s’agit de s’abstraire de l’objet sensoriel en observant la sensation avec objectivité et, peu à peu, la pensée devient impartiale à l’égard de la sensation.

Ainsi ai-je entendu :

Une fois, le Bienheureux séjournait dans le parc de Mukhelu, près de Kajangala.

Un jour, un homme nommé Uttara, élève du brahmane Parasariya, s’approcha du Bienheureux. S’étant approché, il échangea avec lui des compliments de politesse et des paroles de courtoisie, puis s’assit à l’écart sur un côté. Le Bienheureux s’adressa au jeune homme Uttara et demanda :

– Est-ce que, ô Uttara, le brahmane Parasariya adresse à ses élèves un enseignement sur le développement des facultés sensorielles ?

– Oui, ô vénérable Gotama. Le brahmane Parasariya adresse un enseignement sur le développement des facultés sensorielles.

– De quelle façon, ô Uttara, le brahmane Parasariya adresse-t-il à ses élèves son enseignement sur le développement des facultés sensorielles ?

Le jeune homme Uttara répondit :

– Il ne faut pas voir les formes matérielles par les yeux. Il ne faut pas écouter les sons par les oreilles. C’est ce que, ô vénérable Gotama, le brahmane Parasariya enseigne à ses élèves sur le développement des facultés sensorielles.

Le Bienheureux dit :

– Ainsi donc, ô Uttara, selon l’enseignement du brahmane Parasariya, un aveugle est quelqu’un qui a une faculté sensorielle développée et un sourd est quelqu’un qui a une faculté sensorielle développée, car l’aveugle ne voit pas les formes matérielles par ses yeux et le sourd n’écoute pas les sons par ses oreilles !

Lorsque le Bienheureux se fut exprimé ainsi, le jeune homme Uttara, élève du brahmane Parasariya, resta assis en silence, honteux, les épaules tombantes, le visage baissé et incapable de parler.

Le Bienheureux constata alors que le jeune homme Uttara, élève du brahmane Parasariya, restait assis en silence, honteux, les épaules tombantes, le visage baissé et incapable de parler.

Pendant cette discussion, l’Ayasmanta Ananda était assis auprès du Bienheureux.

Le Bienheureux s’adressa à l’Ayasmanta Ananda et dit :

– O Ananda, le brahmane Parasariya adresse à ses élèves un certain enseignement sur le développement des facultés sensorielles. Cependant, ô Ananda, dans la discipline des êtres nobles, l’incomparable méthode du développement des facultés sensorielles est une autre chose.

L’Ayasmanta Ananda dit :

– Le bon moment est arrivé, ô Bienheureux, le bon moment est arrivé pour expliquer l’incomparable développement des facultés sensorielles selon la discipline des êtres nobles. Ayant écouté les paroles du Bien heureux, les disciples les garderont dans leur mémoire.

– Très bien, ô Ananda. Ecoutez donc attentivement. Je vais parler, dit le Bienheureux.

– Bien, ô Bienheureux», répondit l’Ayasmanta Ananda.

Le Bienheureux dit :

– Quel est, ô Ananda, l’incomparable développement des facultés sensorielles dans la discipline des êtres nobles ? O Ananda, lorsqu’un disciple voit une forme matérielle par ses yeux, il se produit chez lui une sensation agréable, ou une sensation désagréable, ou une sensation à la fois agréable et désagréable. Le disciple le sait selon la réalité : « Voici une sensation agréable qui se produit chez moi. Voici une sensation désagréable qui se produit chez moi. Voici une sensation à la fois agréable et désagréable qui se produit chez moi. Cette sensation se produit puisqu’elle est un fait conditionné ; elle est un fait grossier ; c’est un effet qui est produit par des causes. (Cependant), c’est l’équanimité qui est pure, qui est excellente. »

Lorsqu’il réfléchit ainsi, la sensation agréable, ou la sensation désagréable, ou la sensation à la fois agréable et désagréable s’estompe chez lui. Enfin, c’est l’équanimité qui reste. Tout comme, ô Ananda, un homme qui peut voir, ayant les yeux ouverts, les ferme ou, ayant les yeux fermés, les ouvre, de même, ô Ananda, c’est avec une telle vitesse, une telle rapidité, une telle aisance qu’une sensation agréable, ou une sensation désagréable, ou une sensation à la fois agréable et désagréable s’estompe et, enfin, c’est l’équanimité qui reste. Tel est, ô Ananda, le développement de la faculté sensorielle concernant les formes matérielles connaissables par les yeux.»

Suit une explication similaire concernant les sons, les odeurs, les saveurs, le contact, et les pensées.

– Et quel est, ô Ananda, l’entraînement chez un disciple étudiant ? Lorsque le disciple a vu une forme matérielle, il se produit chez lui une sensation agréable, ou une sensation désagréable, ou une sensation à la fois agréable et désagréable. A cause de la sensation agréable, ou à cause de la sensation désagréable, ou à cause de la sensation à la fois agréable et désagréable qui s’est produite en lui, le disciple est soucieux, il est honteux et il est dégoûté d’une telle sensation.

– Lorsque le disciple a entendu un son par ses oreilles, (…) Suit la même démonstration en ce qui concerne les odeurs connaissables par le nez, les saveurs connaissables par la langue, les choses tangibles connaissables par le corps, et les objets mentaux connaissables par sa pensée.

– Et quel est, ô Ananda, l’être noble dont les facultés sensorielles ont été développées ? Lorsque le disciple a vu une forme matérielle par ses yeux, il se produit chez lui une sensation agréable, ou une sensation désagréable, ou une sensation à la fois agréable et désagréable. Alors, s’il souhaite : « Que je demeure sans conscience de la répugnance, dans un cas de répugnance », alors il demeure sans conscience de la répugnance. S’il souhaite : « Que je demeure avec conscience de la répugnance dans un cas de non-répugnance », alors il demeure avec conscience de la répugnance. S’il souhaite : « Que je demeure sans conscience de la répugnance dans un cas de répugnance et de non-répugnance », alors il demeure sans conscience de la répugnance. S’il souhaite : que je demeure avec la conscience de la répugnance dans un cas à la fois répugnant et non-répugnant », alors il demeure avec la conscience de la répugnance. (Cependant), s’il souhaite : « M’étant débarrassé de la non-répugnance comme de la répugnance, que je demeure dans l’équanimité avec l’attention et la conscience claires », alors il demeure dans l’équanimité avec l’attention et la conscience claires. Ainsi, ô Ananda, c’est lui qui est l’être noble dont les facultés sensorielles ont été développées.

Même démonstration en ce qui concerne les sons connaissables par les oreilles, les odeurs connaissables par le nez, les saveurs connaissables par la langue, les choses tangibles connaissables par le corps, et les objets mentaux connaissables par la pensée.

– C’est de cette façon, ô Ananda, que l’incomparable développement des facultés sensorielles dans la discipline des êtres nobles a été enseigné par moi ; de cette façon que l’entraînement du disciple étudiant a été enseigné par moi ; de cette façon j’ai défini l’être noble dont les facultés sensorielles ont été développées.

– S’il est un devoir pour un maître religieux compatissant, plein de bonne volonté et qui souhaite le bien-être de ses disciples, ce devoir pour vous tous a été rempli par moi. Voici, ô Ananda, les pieds des arbres. Voici des endroits isolés. Engagez-vous, ô Ananda, dans le progrès intérieur. Ne soyez pas paresseux afin de n’avoir pas, plus tard, de regrets. Cela est notre instruction pour vous tous.

Ainsi parla le Bienheureux. Ravi, l’Ayasmanta Ananda se réjouit des paroles du Bienheureux.

(Majjhima-nikaya, III, 298-302)

© Editions du Cerf, « Sermons du Bouddha ». Reproduit ici avec les aimables autorisations de l’éditeur et de l’auteur.

 

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