Deux ans de dialogue protestants-bouddhistes

Roland Rech

Le dialogue s’est amorcé sur la proposition du Docteur Schwertzer, Secrétaire Général de la Fédération Protestante de France, lors d’une visite que lui ont faite les responsables de l’Union Bouddhiste de France. Il s’est déroulé sur des thèmes tels que : « La communauté », « Prière et méditation », « Transmission et écritures ».

Je crois que le principal mérite de ces échanges est qu’ils aient eu lieu et que nous ayons ainsi pu mieux nous comprendre. Étant venu au zen par enthousiasme pour la pratique de la méditation plus que par conviction doctrinale, j’espère toujours d’un dialogue avec d’autres religions qu’il nous fasse trouver une communauté d’esprit au-delà des mots et des dogmes. J’ai trouvé auprès de mes interlocuteurs des personnes ouvertes, compréhensives et fort sympathiques, mais soucieuses de bien marquer les différences de perspectives entre christianisme et bouddhisme. Je regrette donc que nous n’ayons pas pu aller au-delà de ces différences. Ces rencontres m’auront au moins permis de mieux cerner ceci :

Le chrétien se réfère à une révélation biblique qui l’engage dans une histoire et un dialogue avec un Dieu personnel qui guide et oriente son existence et donne son sens à ses relations avec son prochain.

Dans la voie bouddhique, le pratiquant tourne son regard vers l’intérieur et fait l’expérience d’un état d’être profondément religieux au sens où toutes barrières, toutes séparations disparaissent entre soi et l’autre, soi et la nature, soi et la transcendance, qu’on l’appelle Dieu ou Bouddha.

Le chrétien est tourné vers un au-delà temporel, à venir, le bouddhiste expérimente la non-séparation entre l’ici et maintenant et l’éternité : l’au-delà n’est pas ailleurs mais dans mon esprit, quand je fais l’expérience de la vacuité (en chinois, l’idéogramme désignant la vacuité, sunyata, ku, désigne aussi le vaste ciel).

Le chrétien accède au dialogue par la médiation d’un Dieu « tout Autre », le bouddhiste par la réalisation d’une communauté d’expérience qui le rapproche des autres êtres sensibles avec qui il partage les mêmes causes de souffrances et le même éveil.

Dans le bouddhisme et spécialement le zen, le dialogue s’établit entre le maître et son disciple. Il est orienté par une quête commune de réalisation de l’éveil à la dimension authentique de notre existence.

Le dialogue imaginaire est remplacé par un dialogue réel, la tension vers un au-delà à venir par l’expérience d’un au-delà existant ici et maintenant en nous-mêmes et qu’il nous appartient de redécouvrir.

Le christianisme veut préserver une dualité, une différence radicale entre Dieu et l’homme qui renforce le rôle de l’institution religieuse. Le zen, et le bouddhisme en général, tendent à surmonter toutes les formes de dualité, par l’expérimentation vécue dans la méditation de cette réalité non duelle, émergeant de l’abandon du mode de pensée dialectique, langagière.

Bien d’autres différences ont pu être notées à travers ces deux ans de rencontres qui ne sont d’ailleurs pas terminées. La question que je me pose est de savoir si ce qui nous est commun, au-delà de nos différences, peut s’exprimer, ou si nous ne ferions pas mieux de la vivre dans un partage de la méditation en silence et aussi, pourquoi pas, dans des actions communes.

 

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