Nagarjuna (1er et 2ème siècle après J-C.)
Fondateur historique du Madhyamaka — école de la voie du milieu —, Nagarjuna est l’auteur d’une abondante littérature relative à la prajnaparamita.
Si Nagarjuna est un des plus grands mystiques que le monde ait connu, c’est qu’il se situe exclusivement en cette suprême expérience de la non-naissance, où la vision de l’existence se détache sur la vacuité. Et cette expérience est si intensément réelle, si pleinement positive que le monde et ses fabulations lui semblent totalement privés de consistance, de réalité. Ayant pour seule norme l’essentiel, il fait table rase de tout le reste, n’acceptant aucune base à partir de laquelle on pourrait spéculer.
Mais Nagarjuna n’est nullement un nihiliste, un sceptique ou un relativiste.
Sa dialectique n’a de sens qu’en fonction de l’expérience ineffable de la réalité absolue, et cette réalité, on ne peut la suggérer qu’au moyen de paradoxes ou encore en affirmant ce qu’elle n’est pas.
L’hymne à la réalité absolue (Paramarthastava) est le dernier d’un ensemble de quatre hymnes condensant l’essentiel de l’enseignement du grand maître et correspondant à la reconnaissance progressive de la réalité ultime.
La profondeur de cet hymne n’a d’égale que sa simplicité. Conscient du paradoxe de la louange, Nagarjuna le résout en l’énonçant. Seul l’absolu suscite l’élan de la louange, or il échappe à toute parole ou discours ; il échappe à tout ce qui se nomme ou se mesure. Qui saurait le louer et par quels mots ? Mais c’est cette impossibilité même qui est le lieu de sa gloire.
Et la louange ne peut que s’enraciner dans le lieu même de son impuissance à saisir, à cerner, à nommer celui dont la gloire essentielle est d’être sans limite, sans fond, sans demeure, puisque ce n’est qu’à la limite de toute perfection que jaillit sa gloire.
Texte publié aux éditions Arthème Fayard (in Le Bouddhisme, textes traduits et présentés sous la direction de Lilian Silburn, 1987). Il est reproduit ici avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur.