Méditation sur l’amour

Vénérable docteur Henepola Gunaratana

Le vénérable Henepola Gunaratana reçut l’ordination monastique bouddhiste à l’âge de 12 ans, à Ceylan, puis à 20 ans, l’ordination majeure. Il œuvra principalement en Inde et en Malaisie, en tant que conseiller spirituel et enseignant, puis se rendit aux États-Unis en 1968 en tant que secrétaire général de la Buddhist Vihara Society de Washington. Il enseigna le bouddhisme, conduisit des retraites de méditation aux États-Unis, au Canada, en Europe, en Australie et en Nouvelle Zélande. Auteur de plusieurs ouvrages et articles, il est actuellement président de la Bhavana Society en Virginie.

Il arrive que la méditation intérieure soit interprétée comme une sorte de pratique qui transforme le méditant en un « légume » sans cœur ou indifférent, sans aucun amour ni aucune compassion envers les autres. Pourtant, les méditants bouddhistes sont exhortés par le Bouddha à cultiver quatre états d’esprit sublimes : l’amour bienveillant, la compassion, la joie de l’appréciation, et l’équanimité. Le premier d’entre eux est si important que le Bouddha dit qu’un moine qui dépend complètement des gens pour vivre peut rembourser ses dettes aux bienfaiteurs laïcs simplement en pratiquant l’amour bienveillant envers tous les êtres, même s’il ne le fait qu’une seule fraction de seconde chaque jour.

(…) L’attention est le facteur le plus important dans tout l’enseignement du Bouddha ; depuis le jour où il atteint l’éveil, jusqu’à son départ à l’âge de 80 ans, il insista sur l’attention dans la plupart de ses enseignements. Et comme il met à égalité la pratique de l’amour bienveillant et celle de l’attention, nous pouvons nous rendre compte de la signification de la pratique de l’amour bienveillant dans l’enseignement du Bouddha. Le Bouddha la paracheva pour obtenir l’éveil, équilibrant sagesse et compassion. La première chose qu’il faisait chaque jour, même après avoir atteint l’éveil, était de s’engager dans la grande compassion, qui, en fait, résulte de la pratique de l’amour bienveillant. Puis il regardait le monde pour voir s’il y avait quelque être qu’il puisse aider à comprendre la réalité de l’existence.

Les quatre états d’esprit sublimes sont nommés Brahma Vihara, ou les « nobles comportements », ou les « nobles attitudes ». Les trois premiers sont suffisamment puissants pour gagner les trois premiers degrés d’absorption et le der nier pour atteindre le quatrième. Ils sont si importants dans la pratique de la méditation de vipasyana qu’ils sont inclus dans le deuxième pas du noble sentier octuple. En fait, il n’y a pas de concentration possible sans ces sublimes états de l’esprit parce qu’en leur absence l’esprit est plein de haine, de rigidité, de souci, de crainte, de tension et d’agitation.

Préalablement à la pratique de ces nobles états de l’esprit est le dépassement de notre haine, qui est un moyen formidable pour gaspiller de l’énergie. La haine est comme de l’eau bouillante lorsqu’elle agit, ou comme un ictère lorsqu’elle est inexprimée. Elle peut détruire votre pratique de la méditation. La personne haineuse est comparée à une vieille bûche de bois consumée et abandonnée dans un bûcher funéraire. Ses deux bouts sont brûlés et carbonisés, alors que sa partie centrale est recouverte de saletés. Personne ne voudrait la prendre comme bois à brûler ou pour en faire quoi que ce soit, pour ne pas se salir les mains. De même la personne haineuse ne sera pas amie avec qui que ce soit ; tout le monde essayera de l’éviter. Pensons aux résultats directs et immédiats de la haine. Pensons à l’absence de fin du samsara et du karma. Essayons d’établir une attitude impartiale envers nous-mêmes, une personne chère, une personne neutre, et un ennemi ; et pratiquons ensuite l’amour bienveillant envers tous les êtres, en commençant par nous-mêmes.

On peut se demander pourquoi commencer par soi : cela ne conduirait-il pas à l’amour propre ou à l’égoïsme ? Si vous cherchez très attentivement dans votre esprit, cependant, vous serez convaincu qu’il n’y a personne dans tout l’univers que vous aimez plus que vous-même.

L’amour bienveillant que nous voulons cultiver comme pratique de la méditation n’est pas un amour ordinaire comme il est compris dans la vie quotidienne du monde. Lorsque vous dites aimer tant et tant, ce que vous concevez en votre esprit est une émotion conditionnée par un certain comportement de cette personne que vous aimez. Vous dites quelquefois : « J’aime tant et tant quelqu’un », ou « tant et tant quelque chose » ; ce que vous dites réellement, peut-être, est que vous désirez l’apparence particulière de cette personne, ou son comportement, ses idées, sa voix, ou son attitude envers vous ou envers le monde en général, et si il ou elle change, alors vous ne pouvez plus dire : « Je l’aime tant et tant ». Dans cet amour-haine, vous aimez l’un et détestez l’autre. Ou alors vous aimez maintenant et détestez après. Ou vous aimez quand vous voulez et détestez quand vous voulez. Ou vous aimez quand tout va bien et est rose, et détestez quand tout va mal dans la relation entre vous et l’autre personne ou l’autre chose. Maintenant, si votre amour change de temps à autre, de lieu en lieu et de situation en situation de cette manière, ce que vous appelez « amour » n’est pas vraiment de l’amour bienveillant mais du désir, de la convoitise ou de l’avidité – pas de l’amour en tout cas.

La sorte d’amour bienveillant que nous voulons cultiver au moyen de la méditation n’a pas de pôle opposé ou d’intérêt ultérieur. C’est pourquoi, la dichotomie amour-haine ne s’applique pas à l’amour bienveillant cultivé par la sagesse ou l’attention, car il ne changera jamais en haine lorsque les circonstances changeront. Le véritable amour bienveillant est une faculté naturelle cachée sous le désir, la haine et l’ignorance. Personne ne peut nous le donner. Nous devons le trouver en nous, et le cultiver attentivement. L’attention le découvre, le cultive et le maintient. « Je », conscience, se dissout en l’attention, dont la place sera prise par l’amour bienveillant libre d’égoïsme.

À cause de notre égoïsme, nous détestons des gens. Nous voulons vivre d’une certaine manière, faire des choses d’une façon particulière et pas autrement. Si d’autres ne sont pas en accord avec nos points de vue, nos manières et nos styles, non seulement nous les détestons mais nous devenons si irrationnels et aveugles avec ce manque d’attention que nous les privons de leur droit de vivre.

Celui qui pratique ne se met pas en colère s’il ne reçoit aucune forme de faveur en retour des êtres à qui il destine cet amour bienveillant, parce qu’il n’a pas d’intérêt ultérieur lorsqu’il le leur prodigue. Dans son filet d’amour bienveillant, il inclut non seulement tous les êtres tels qu’ils sont, mais il souhaite que tous, sans aucune discrimination, aient l’esprit heureux. Il continue de se comporter avec douceur et gentillesse envers tous les êtres, parlant avec douceur et gentillesse d’eux, en leur présence autant qu’en leur absence.

Comme notre torpeur et notre somnolence sont remplacées par la vigilance, le doute par la confiance, la haine par la joie, l’absence de repos et l’anxiété par le bonheur, non seulement nous nous relâchons mais aussi notre amour bienveillant caché se montre, nous rendant encore plus paisible et heureux. Dans cet état de méditation, nous gagnons en attention et dépassons notre avidité. C’est pourquoi, pour recouvrer notre vague d’amour bienveillant, nous devons nous disposer au moyen de la pratique de la méditation sur l’attention.

Lorsque nous méditons, ce qui se passe est que notre esprit et notre corps se relâchent, naturellement et authentiquement. La relaxation artificielle provoquée par les drogues ou l’alcool, à l’opposé, disparaît lorsque l’effet chimique est épuisé. Leur prise peut même causer quelques effets secondaires tels que la dépendance, la nervosité, la tension ou quelque autre trouble physique ou mental. Mais la relaxation cultivée par la pratique de la méditation ne produit aucun effet secondaire, pas plus qu’elle ne crée de trouble physique ou mental, ou nous rend dépendants d’elle.

La méditation détruit la haine et cultive l’amour bienveillant, qui en retour devient le support de notre pratique de la méditation. Ces deux opèrent à l’unisson, culminant dans le gain de concentration et d’intériorité.

L’observation attentive de notre état mental individuel peut nous montrer comment certaines vagues sont douloureuses, destructrices, et nous donnent le sentiment d’être misérables. Comme nous devenons attentifs aux vagues de pensées paisibles et aux vagues de pensées destructrices, notre esprit rejette celles qui sont douloureuses.

Nous n’apprenons pas cela de livres, d’enseignants, d’amis ou d’ennemis, mais de notre propre pratique et expérience. Nous apprenons par cette expérience à cultiver ces pensées qui sont paisibles et nous apprenons à rejeter ou à ne pas cultiver celles qui détruiraient notre propre paix. Lorsque les pensées douloureuses s’élèvent, nous apprenons à ne pas les entretenir, et lorsque des pensées paisibles s’élèvent, nous les laissons grandir et les gardons plus longtemps dans nos esprits. C’est une façon d’apprendre par notre propre expérience comment penser plus sainement. Cette pratique apprend à notre esprit à cultiver la possibilité de l’émergence involontaire de l’amour bienveillant. Nous pouvons ensuite cultiver celui-ci intentionnellement, à tout moment choisi. Cela signifie que des vagues de pensées paisibles, qui apparaissent tout d’abord d’elles-mêmes en notre esprit, peuvent, plus tard, être engendrées intentionnellement à souhait. Cette pratique nous aide à comprendre que l’amour bienveillant grandit dans le jardin de notre esprit et que nous n’avons pas à l’acheter ou à l’emprunter ailleurs, bien que des facteurs conditionnant jouent un rôle d’assistance important comme objets de notre amour bienveillant.

Aucun être humain ne peut être totalement dépourvu d’amour bienveillant, aussi cruel qu’il ou elle puisse nous apparaître. L’amour bienveillant contenu en chaque personne peut être mis en valeur par des moyens habiles.

L’observation attentive de nos propres états mentaux peut soulever cette vague particulière de force mentale et ensuite commencer à engendrer un amour bienveillant plus puissant. Il n’est rien qui puisse apporter le bonheur avec autant de force que l’amour bienveillant.

L’amour bienveillant est nommé Metta en pali, Maitri en sanscrit. La raison pour laquelle l’amour bienveillant est ainsi appelé est peut-être qu’il engendre un sentiment très chaleureux pour tous les êtres. La chaleur qui vient du soleil se nomme Mitra dans la littérature védique. Celui qui a le cœur chaleureux envers les autres est nommé Mitta en pali et Mitra en sanscrit. La qualité de Mitra ou Mitta est nommée Maitri ou Metta. Tout comme la qualité du soleil brille sans discrimination sur tout objet du monde, Metta ou Maitri se répand sur tous les êtres sans aucune discrimination. Tout comme le soleil dissipe l’obscurité, l’amour bienveillant détruit les ténèbres de la haine.

Le Bouddha a cultivé un amour bienveillant tellement puissant qu’il aimait le plus glacial de ses ennemis, Devadatta, qui avait essayé de nombreuses fois de le tuer. Il aimait le plus grand brigand et meurtrier, Angulimala, qui était aussi venu le tuer. Il aimait Danapala, un éléphant qui était venu le tuer. Il les aimait tous, exactement comme il aimait son propre fils, Rahula. C’est un tel amour bienveillant, guidé par l’attention, qui nous permet de vivre tous en paix et en harmonie.

Cependant, l’amour bienveillant ou Metta ne peut être cultivé par la simple répétition des mots « amour bienveillant ». La répétition d’une telle formule ressemblerait beaucoup à la répétition d’une prescription pour un patient ou d’un menu au restaurant. Répéter une liste de choses ne produira jamais le résultat tangible des mots de la liste. L’amour bienveillant est quelque chose que nous avons à cultiver intentionnellement dans nos propres esprits, par nous-mêmes.

Comme nous l’avons dit plus tôt, l’amour bien veillant commence à se développer au travers de la méditation. Lorsque l’esprit est relâché, le méditant est capable de pardonner et d’oublier toute offense perpétrée contre lui. S’il essaye de pratiquer Metta sans la tranquillité de la méditation de samatha ni la vision profonde de vipasyana, il ne pourra pas y arriver (1). L’amour ou l’amitié cultivés dans la méditation sur la tranquillité ne sont pas permanents parce que les réalisations de samatha (la paix de l’esprit) ne peuvent être que temporaires. L’amitié cultivée dans vipasyana, d’un autre côté, est perpétuelle, parce que les qualités cultivées dans vipasyana ont des racines profondes dans notre esprit. La méditation de vipasyana adoucit l’esprit, et l’amitié, qui est cultivée en même temps ou même après cet adoucissement de l’esprit, s’enracinera profondément dans l’esprit.

Le méditant de vipasyana voit l’impermanence de sa forme, de ses sensations, de ses perceptions, de ses formations mentales et de sa conscience. Il peut comparer les changements de ses agrégats avec ceux des autres. Alors il ne voit rien de permanent en lui ou en les autres, qui soit détestable pour lui. S’il se demande qui il déteste, il ne trouve personne. De même, il ne trouve personne envers qui développer l’amour bienveillant. Tout ce qu’il perçoit est un processus continuellement fluctuant d’événements qui se déroulent dans ses propres affaires ou dans celles des autres. Ceci le rend capable de pardonner et d’oublier les offenses que les autres – ses amis ou ses proches – lui ont infligées. Bien que la méditation sur l’amour bienveillant semble très égoïste à certains, c’est ce qui développe authentiquement nos qualités nobles, promotrices de paix et de bonheur.

Néanmoins, nous ne pouvons pas inculquer l’amour bienveillant dans l’esprit des autres, ou donner notre paix et notre bonheur acquis par l’amour bienveillant aux autres. Pas plus que les autres ne peuvent nous donner le leur. Vous ne pouvez m’inculquer l’amour bienveillant de force si mon karma empêche mon esprit de l’accepter. Chacun d’entre nous doit préparer le terrain pour que l’amour bienveillant grandisse en nos esprits.

De plus, vous devez l’avoir en vous avant de l’enseigner aux autres, tout juste comme vous ne pouvez enseigner à quelqu’un un sujet si vous ne le connaissez pas d’abord vous-mêmes. Si vous essayez d’enseigner aux autres sans avoir une connaissance du sujet que vous voulez enseigner, vous vous rendez bêtes. Mieux vous connaissez votre sujet, mieux vous pouvez l’enseigner aux autres. Mieux vous entraînez votre esprit à l’amour bienveillant, mieux vous enseignez au monde comment le cultiver. Bien sûr, vous n’avez pas à attendre que votre entraînement et votre apprentissage soient achevés pour commencer votre enseignement. Tout en pratiquant l’amour bienveillant, de vous-même vous acquérez quelque expérience pratique si vous enseignez aux autres à faire de même. Vous ne pouvez pas le pratiquer dans un récipient vide. Il faut d’autres êtres pour travailler avec vous, et pour travailler à acquérir de l’expérience. Ainsi, tout en recevant votre propre entraînement dans la pratique de l’amour bienveillant, vous entraînez les autres à le pratiquer. Pendant que vous apprenez, vous pouvez enseigner et pendant que vous enseignez, vous apprenez.

Même les bodhisattvas, tout en travaillant dur pour leur propre libération, aident le monde. Leur pratique les aide tout d’abord à atteindre l’éveil, de sorte qu’ils peuvent aider le monde à atteindre le même but. S’ils apprennent aux autres à pratiquer l’amour bienveillant sans pratiquer celui-ci en premier lieu, ils n’obtiendront pas l’éveil, et ne pourront pas aider autrui à pratiquer l’amour bienveillant.

(…) Tout dépend du développement spirituel de chacun, et du karma. L’esprit de certains est si plein de haine qu’ils trouvent presque impossible même de rêver de la possibilité que l’amour bienveillant soit pratiqué, car leur karma les empêche de voir les bienfaits de l’amour bien veillant. Si vous enseignez une classe, vous remarquerez que les résultats de chacun des étudiants sont différents. Même deux jumeaux peuvent avoir des résultats différents dans la classe où vous enseignez. L’individualité est le moyen d’exprimer son propre développement émotionnel, intellectuel, physique et spirituel, conditionné par notre propre karma. Nous ne sommes pas égaux au départ, mais nés dissemblables, chacun selon son propre karma, qui divise les êtres aux qualités supérieures et inférieures. Si vous produisez quelque bon karma et profitez de ses résultats, je ne peux pas vous le dérober ni vous le prendre, ni par la force ni par des moyens amicaux. Si je pratique l’amour bienveillant pour tous les êtres, je peux dissiper mon esprit haineux. Ainsi ma pratique de l’amour bien veillant se manifeste en mes pensées, mes mots et mes actions.

La pratique de l’amour bienveillant commence par celle du karma positif, car il n’est pas possible de développer du karma positif avec des pensées malveillantes en l’esprit. Introduisant les quatre fondements de l’attention, le Bouddha demanda aux méditants de dépasser la convoitise et la haine, sous peine de rencontrer de nombreuses difficultés.

Parfois, les gens demandent : « pouvons-nous éliminer la peine des gens, la souffrance et la haine, en cultivant l’amour bienveillant en nous-mêmes ? »

Même le Bouddha est incapable de déraciner la peine et la souffrance des autres par son souhait de paix et de bonheur. Le Bouddha dit : « Vous devez travailler avec votre propre libération. Les Bouddhas enseignent ». Comme les individus ont chacun leur part de karma, ils doivent travailler pour leur propre libération. Si nous pouvions éliminer la souffrance des autres en leur souhaitant d’être libres de leur peine et de leur souffrance, il serait alors très facile d’apporter la paix et le bonheur dans le monde. Si c’était possible, il se rait aussi possible par la même occasion qu’une personne vindicative détruise tous ses ennemis en leur souhaitant : « laissons-les être laids, laissons-les souffrir, laissons-les dans la misère, l’absence de richesse, l’absence de notoriété, sans amis, et laissons-les, après leur mort, renaître dans des états d’existence malheureux ». En réalité, celui qui fait cette sorte de souhaits peut lui-même devenir laid, souffrant, sans prospérité, sans richesse ni notoriété, sans amis, et renaître après la mort dans des états d’existence malheureux parce qu’il commet un karma mauvais en son propre esprit en faisant un souhait plein de haine.

Vous pouvez vous demander : « S’il n’y a personne, au sens ultime de l’absence d’ego, ou s’il y a des êtres conditionnés et si ma pratique de l’amour bienveillant n’anéantit pas leur peine et leur souffrance à cause de leur propre karma, pourquoi cultiverai-je l’amour bienveillant ? »

Plus encore : Quelle est l’utilité de la pratique de l’amour bienveillant pour tous les êtres, qui dit : « Puissent tous les êtres être heureux et saufs ! Puissent tous les êtres avoir l’esprit heureux ! Quels que soient les êtres qu’il puisse y avoir, sans aucune exception, faibles ou forts, grands, gros, petits, visibles ou invisibles, proches ou lointains, nés ou à naître – puissent-ils tous avoir l’esprit heureux ! » Pourquoi ne pas souhaiter : « Ne laissons personne abuser ou mépriser quelqu’un d’autre, où que ce soit ». Ni par colère ni par malveillance, personne ne souhaite blesser autrui. Comme une mère risquerait sa propre vie pour protéger son enfant unique, de même on cultive envers les êtres un cœur sans frontière. Pourquoi cela (…) ? Plutôt que de se tenir là, de marcher ou de rester assis, de rester allongé, pourquoi développerait-on cette attention à tout moment de la période de veille ? »

Les gens se demandent aussi parfois comment nous pouvons souhaiter à nos ennemis d’être bien, heureux et paisibles : « Puisse aucun mal ne leur arriver ; puisse aucune difficulté leur advenir ; puisse aucun problème venir à eux ; puissent-ils toujours rencontrer le succès. Puissent-ils aussi avoir patience, courage, compréhension et détermination pour dépasser les inévitables difficultés, problèmes et défauts de la vie. »

Nous devons nous souvenir que nous pratiquons l’amour bienveillant pour la purification de nos esprits, tout comme nous pratiquons la méditation pour notre propre arrivée à l’éveil. Comme je pratique l’amour bienveillant en moi, je peux me comporter d’une manière plus amicale sans détour, préjudices, discrimination ou haine. Mon noble comportement m’aide à assister les autres êtres conditionnés de la manière la plus efficace pour diminuer leur peine et leur souffrance. Ce sont les personnes aimantes qui peuvent aider les autres. La compassion est une manifestation de l’amour bienveillant en action, car celui qui n’a pas d’amour bienveillant ne peut aider les autres. Comportement « noble » signifie une manière amicale et cordiale. Le comportement inclut notre pensée, notre parole et notre action. Si ce triple mode d’expression se contredit dans notre comportement, alors quelque chose ne va pas, et un comportement contradictoire ne peut être noble. D’un autre côté, pour parler pragmatiquement, il est beaucoup mieux de cultiver la noble pensée : « Puissent tous les êtres avoir l’esprit heureux » que de penser : « Je le déteste ». Toute noble pensée s’exprimera un jour en un comportement noble et toute pensée vindicative en un comportement mauvais.

Nous devons nous rappeler que nos pensées évoluent en paroles et en actions, apportant le résultat attendu. L’intention ou la pensée, traduite en action, est apte à produire des résultats tangibles. Nous pouvons toujours parler et agir en étant vigilants à l’amour bienveillant. Alors que parler d’amour bienveillant tout en agissant ou en parlant d’une manière diamétralement opposée, vous sera reproché par les sages. Comme cette attention de l’amour bienveillant se développe, nos pensées, mots et actes s’adoucissent, deviennent plaisants, sensés, sincères et bénéfiques pour nous, pour les autres, ou les deux ; puis, nous devons nous demander si nous sommes vraiment attentifs à l’amour bienveillant.

D’une façon très pratique, si tous mes ennemis sont bien, heureux et paisibles, ils ne seront pas mes ennemis. S’ils n’ont pas de problèmes – la peine, la souffrance, l’affliction, la névrose, la psychose, la maladie psychosomatique, la paranoïa, la crainte, la tension, l’anxiété, etc. – ils ne seront pas mes ennemis. Ma solution pratique à cette inimité est de les aider à dépasser leurs problèmes, de sorte que je puisse vivre en paix et heureux. En fait, si je peux, j’emplirai l’esprit de tous mes ennemis d’amour bienveillant, et à tous ferai réaliser le nirvana, de sorte que je puisse vivre en paix et heureux. Plus ils sont pris dans leur névrose, leur psychose, leur peur, leur tension, leur anxiété, etc., plus ils peuvent apporter de trouble, de douleur et de souffrance au monde. Si je peux convertir une personne vicieuse et perverse en une personne saine et sainte, alors je peux faire le miracle que le Bouddha nous a permis de réaliser. Cultivons la sagesse adéquate et l’amour bienveillant en nous, pour convertir tous les esprits mauvais en esprits saints.

Ce texte est reproduit avec l’aimable autorisation de la revue Middle Way, publiée par the Buddhist Society ((_ Eccleston square, London). Traduction française par Kunsang Pamo.

 

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