L’ondée divine

Kagyu Gourtso (Océan de chants de la lignée Kagyu)

Les Précieux et inégalables Kagyu chantèrent une variété infinie de chants Vajra que l’on retrouve compilés dans L’Ondée Divine.

Ces chants ou dohas communiquent les expériences personnelles de chaque détenteur de la lignée pouvant mener à la libération tout disciple fortuné qui les entend.

Les mahasiddhas de l’Inde communiquèrent leurs enseignements à l’aide de chants appelés les Dohas. Ces Dohas étaient composés dans le style des chants populaires de cette époque. Les messages étaient transmis grâce à un symbolisme et un ésotérisme complexes. Cela devint une tradition de l’enseignement au Tibet, en particulier pour la lignée Kagyu. Marpa, le premier tibétain de la lignée Kagyu, reçut de l’un de ses principaux maîtres, Maitripa, l’habilitation à composer des Dohas. Marpa plus tard transmit cet enseignement à son principal disciple Milarépa qui est le plus célèbre poète yogi tibétain.

Le fait de composer des Dohas spontanés était une pratique tantrique en elle-même, pratique à laquelle des méditants sérieux étaient formés. La spontanéité de l’expression, plutôt que l’originalité, est le point important dans ces chants, le but étant de communiquer ses sentiments et sa compréhension de la façon la plus directe et la plus spontanée possible.

Les chants de L’Ondée Divine sont expérienciels et mettent l’accent sur la qualité du cheminement bouddhiste. Les grands méditants du passé décrivent leurs doutes, leurs découvertes, leurs problèmes, leurs réussites, leurs visions du futur et conceptions du passé. Peu de ces chants sont des rétrospectives. Ils sont habituellement composés au milieu d’une situation pratique et communiquent les expériences personnelles de chaque détenteur de la lignée. Ce sont les perceptions d’un yogi à un moment donné de son cheminement. Ils relatent des enseignements qu’ils viennent de recevoir, des réalisations qu’ils viennent de vivre et par dessus tout une dévotion et une gratitude croissantes pour le lama qui leur a transmis l’expérience de mahamudra.

D’après les récits en prose qui précèdent chaque composition, nous voyons que l’auteur d’un chant interrompait réellement une activité quelconque et commençait à chanter. Ceci est probablement vrai, surtout pour ce qui est des premiers chants, car la tradition de la poésie tibétaine pieuse, religieuse, est surtout orale. Elle est fondée sur la capacité de composer impromptu selon des formes poétiques sophistiquées. Beaucoup de lamas Kagyu ont écrit des collections multiples de leurs propres vers. 0 n’était pas inhabituel pour des pratiquants avancés des écoles tantriques de faire cela presque chaque jour à certains moments de leur vie. Ainsi un volume important de poésie religieuse et didactique vit le jour au Tibet. Génération après génération des chants y furent rajoutés, certains furent sélectionnés et destinés à la liturgie des fidèles.

Les Dohas, chants vajra ou chants adamantins de réalisation des précieux Kagyu, en étant juste écoutés, restaurent le rappel de la confiance et font apparaître la certitude de la foi. L’expérience s’incorpore et la détermination de la réalisation apparaît. Ils sont en essence dans le tantra, l’ultime connaissance, le sang du cœur de cent mille dakinis, le flambeau illuminant le chemin de la libération. Au moment même où les disciples fortunés et réceptifs les entendent, ils sont complètement libérés de tout lien et ils peuvent alors s’éveiller.

Il y a cinq aspects quant à la disposition générale des chants :

• Le besoin de les chanter.

• Le moment où on les chante.

• Comment ils doivent être chantés.

• L’attitude à avoir quand on les chante.

• La classification générale et spécifique des chants.

Le besoin de les chanter

En les chantant on remporte la victoire sur les obstacles du monde extérieur, les dérangements physiques et ceux de l’esprit de samadhi.

Par la vigilance de tous les protecteurs mondains et supra-mondains, les vertus se répandent dans toutes les directions : longue vie, absence de maladie, réalisation des souhaits, obtention des huit siddhis 1, pouvoir sur les phénomènes, etc. Il est dit aussi qu’alors les dakas, dakinis, dharmapalas 2 et protecteurs se rassemblent tous autour du pratiquant comme des cygnes sur un lac garni de lotus et lui apportent la prospérité.

Les vertus de plus en plus grandes de la voie apparaissent sans effort et on réalise le sens de dharmata 3. Ultimement on obtient le siddhi suprême du mahamudra en cette vie même.

Le moment de les chanter

On doit les chanter aux dates importantes des Lamas Racines et de la lignée, aux quatre grandes dates des Victorieux, après des pratiques de sadhanas ou des grands mandatas, des offrandes ou la réception de pouvoir, aux initiations, consécrations et ganachakra 4, entre les sessions ou pendant les loisirs, quand on pratique une discipline yogique.

Comment les chanter

On adopte une attitude respectueuse du corps et de l’esprit. Concernant la parole on apprend à chanter correctement d’après les maîtres avisés, conformément à la tradition orale inaltérée des lamas accomplis, afin de recevoir la grâce de la lignée et sa bénédiction ultime. On sera libre de confusion et de vues erronées, afin que la confiante assemblée des auditeurs reçoivent l’esprit du dharma, que pleuve sur eux une splendeur de bénédictions et que les expériences et réalisations apparaissent sans effort. On chantera d’une manière plaisante à l’oreille et agréable à l’esprit.

L’attitude d’esprit à avoir lorsqu’on les chante

D’abord on se stimulera par le rappel du sens profond de l’initiation, puis on récitera la prière pour qu’apparaissent tous les bonheurs et excellences du samsara et du nirvana. Motivé par une foi entière en la lignée, joyau accomplissant tout désir, on engendre amour, compassion et bodhicitta. On ne se sépare pas des trois mandata : du corps de la divinité, du montra de sa parole et de la dharmata de son esprit. Particulièrement on ne quitte pas le samadhi du mahamudra, union de la connaissance et de la vacuité.

Le sens général et spécifique des chants

Les histoires et biographies inspirent confiance et dévotion et instruisent par leur sens didactique les vérités profondes de la voie.

Mahamudra désigne l’expérience ultime de l’éveil. Les excellentes paroles des Victorieux sont comme le beurre qui apparaît du barattage d’un océan de lait. Ainsi on considérera ces paroles et écrits des anciens comme faisant autorité et on les proclamera, sans omission ni rajout.

Quant aux paroles des anciens détenteurs de la lignée, le seigneur, le grand Vajradhara, chante les choses telles qu’elles sont dans la dharmata primordiale. Tilopa chante la transmission de la sagesse innée de l’union, Naropa chante les instructions orales sur la saveur égale des éléments. Le grand lotsawa Marpa chante le sens profond de la jonction du mélange et de l’éjection de la conscience. Le grand Mila chante les instructions orales sur l’inséparabilité du prana et de l’esprit. La parole adamantine de Gampopa chante la tradition de la paix suprême du samadhi. Les autres anciens et précieux maîtres Kagyu chantent beaucoup de chants d’expérience. Ce sont des chants traitant de l’interdépendance et de la vacuité, de la saveur égale de la dévotion et de la réalisation, de l’unité de la vacuité et de la compassion, de l’inséparabilité de la cause et de l’effet, de l’impermanence, du dégoût et de la renonciation, de l’inséparabilité du Lama et de notre esprit, de la dissipation des obstacles, de l’amélioration de la méditation. Ce sont là quelques sujets parmi les plus importants.

Le grand Jetsün Mila chanta seize mille grands chants et dix mille de ceux-ci furent emportés par les dakinis. Il est dit que six mille chants restèrent pour le bénéfice des futurs disciples de la lignée. Qui pourrait saisir la profonde et complète signification de tous ces mots ?

Dans chaque tradition de la lignée ultime des incomparables Dagpo Kagyu, il y a abondance de ces profonds chants.

Les chants sont précédés par des prières, offrandes et louanges. Puis ils sont accompagnés par des histoires décrivant les circonstances du chant. Le sens des chants est élucidé par la lecture attentive des vers. Conformément au moment et à la situation, les chants peuvent être dis posés ensemble de manière variée. Finalement on conclut la liturgie avec un ganachakra et des vers d’aspiration et de bon augure.

Ceux qui élucident les précieux enseignements de la Vérité Essentielle des Suprêmes Victorieux sont renommés dans les trois mondes comme étant les précieux et inégalables Kagyu. Grâce au profond mahamudra, la racine de tous les dharmas, ils atteignent le corps d’arc-en-ciel. Ces guides qui réalisèrent complètement l’état de Bouddha dans le dharmakaya de leur esprit chantèrent une variété infinie de chants vajra qui apportent la libération à tous les disciples fortunés qui les entendent. Ici on énonce succinctement, dans le but de faire accroître les bonnes qualités de l’expérience et de la réalisation, des prières de dévotion, l’apparition de la confiance dans l’exemple de leur vie et le renoncement au samsara.

Cette partie expose l’explication, la procédure liturgique et les grandes lignes du Kagyu Gourtso.

Par la vertu produite par ces écrits puissent les enseignements de la lignée et la pratique être menés à maturité et libérer tous les êtres de ce monde.

Puisse-t-il y avoir toujours bonheur et bons auspices.

1Siddhi : accomplissements, résultats effectifs de la pratique, plus particulièrement dans le vajrayana. On distingue les accomplissements ordinaires correspondant à l’obtention de certains pouvoirs (clairvoyance, claire-audience…) et l’accomplissement sublime équivalant à la réalisation de la nature de l’esprit. (Petit lexique Claire lumière du bouddhisme tibétain.}

2Dakas. Dakinix, Dharmapalas : Etres célestes et protecteurs du Dharma.

3Dharmata : C’est la nature de ce que l’on expérimente, la nature de la réalité.

4Ganachakra : fête Vajra (tib. : tsok) Partie d’un rituel du vajrayana au cours de laquelle notamment de nombreuses offrandes sont présentées et partagées.(Petit lexique Claire lumière du bouddhisme tibétain.)

 

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