Ce Précieux corps humain : bien l’utiliser

Kyabdjé Kalou Rinpoché

Maintenant que j’ai obtenu ce précieux vaisseau
qu’est l’existence humaine,
pour le bien de tous les êtres et le mien,
jour et nuit, sans distraction, je pratiquerai l’étude,
la réflexion et la méditation des enseignements.
Telle est la pratique des bodhisattvas.
(Togme Sangpo – LesTrente-sept Pratiques des bodhisattvas.)

Dans l’ensemble des possibilités d’existence, la condition humaine est pratiquement la seule à disposer des facultés permettant de comprendre et de pratiquer le Dharma. L’existence humaine ne constitue toutefois pas, à elle seule, une condition suffisante pour la progression spirituelle ; en effet, sa valeur peut être très variable. Sommairement il y a trois types d’existence humaine :

– La mauvaise existence humaine ;

– L’existence humaine banale ;

– La précieuse existence humaine.

La mauvaise existence humaine est celle au cours de laquelle, en proie aux passions de l’esprit, sont commis des actes négatifs et par là est préparé un avenir douloureux.

L’existence humaine banale ou vulgaire, sans être utilisée à de mauvaises fins, ne comporte rien non plus de particulièrement bon. C’est l’existence banale de la plupart des gens ordinaires qui passent leur vie à ne rien faire de très bon ni rien de particulièrement mauvais.

Enfin il y a la précieuse existence humaine ; c’est la condition humaine dans laquelle une connexion avec la voie spirituelle et un guide ont été établis dans laquelle, ayant confiance en la voie, il est possible de pratiquer, en disposant de toutes les circonstances favorables. Cette existence est dite précieuse parce qu’elle est la base de la réalisation spirituelle. A partir d’elle, il est possible d’arriver à l’éveil, à l’état de Bouddha. Précieuse est-elle encore par son extrême rareté, comparable à celle des étoiles en plein jour. Il est aisé de constater sa rareté parmi les nombreux pays de notre planète : les civilisations d’un grand nombre de pays ne font aucune référence au cheminement spirituel, des centaines de millions de personnes vivent dans un environnement dépourvu de tout dharma. Même dans les pays où un dharma est accessible, regardez combien sont peu nombreux ceux qui l’étudient et le pratiquent !

Voyons dans notre ville, dans notre village, dans notre environnement combien peu nombreux sont ceux qui ont les circonstances favorables : liberté, motivation, rattachement spirituel… pour se consacrer vraiment au cheminement.

Donc cette précieuse existence humaine est rare, d’autant plus qu’elle est difficile à obtenir. Que nous l’ayons obtenue aujourd’hui n’est pas dû au hasard ; c’est le résultat d’actes positifs que nous avons accomplis antérieurement, par une discipline juste, par l’amour et par la compassion. Tous ces actes ont laissé des empreintes karmiques qui nous ont mis dans la situation présente en laquelle nous sommes nés dotés de la précieuse existence humaine.

Parmi vous, certains ont confiance en le Dharma, d’autres lui accordent au moins un certain intérêt ou une attention sympathisante. En cela vous possédez la précieuse existence humaine.

Dans le passé, nous avons pris naissances et renaissances dans le cycle des existences un nombre de fois incalculable. Aujourd’hui nous avons la précieuse existence humaine. Si nous ne la consacrons pas à la pratique du Dharma, notre comportement sera une perte pire que celle de l’homme nécessiteux qui négligerait de tirer profit d’un trésor qu’il vient de découvrir ! Et, ultérieurement, nous continuerons à errer indéfiniment dans le cycle des existences. Si nous savons l’utiliser, c’est le point de départ de notre libération.

Nous sommes à la croisée de deux chemins : l’un monte vers les états d’existence supérieurs et la libération, l’autre descend vers les états d’existence inférieurs et nous avons la liberté de prendre celui du haut ou celui du bas.

Utiliser cette précieuse existence humaine comme support de la pratique du Dharma et de la délivrance, c’est lui donner son vrai sens.

Ce corps humain pourvu des huit libertés et des dix qualifications
Est supérieur même à une existence divine.
Il est comme le joyau découvert par un mendiant.
Considérant sa cause, son nombre et des exemples, on comprendra de maintes façons qu’il est difficile à obtenir
En dehors de la circonstance présente.
Il est, de plus, impermanent comme une bulle d’eau, et sera de toute évidence rapidement détruit.
A ce moment, hormis le dharma, rien n’aura la moindre utilité.
C’est pourquoi je vais méditer la profonde voie,
Essence de tous les sublimes enseignements.

De l’urgence de la pratique

D’une façon générale tout ce qui est composé est impermanent ; aussi notre corps, résultant de l’assemblage de divers éléments – du bon et du mauvais karma, de la semence paternelle et de l’ovule de la mère, des éléments et du principe conscient – l’est évidemment.

Tous les êtres de l’univers sont mortels : ceux du passé sont morts, ceux du présent vont mourir et ceux de l’avenir mourront aussi.

Nous-mêmes, d’année en année, de jour en jour, d’heure en heure, de minute en minute, nous nous rapprochons de l’instant de notre mort et, si braves et forts que nous soyons, nous ne la dissuaderons pas ! Si rapides que nous soyons à la course, fuir ne nous en délivrera pas ; si vaste soit notre érudition, nos paroles adroites et notre éloquence n‘y changeront rien. Ni l’héroïsme d’une armée, ni l’influence des gens puissants, ni une armée perfectionnée, ni les ruses des gens adroits, rien ne saurait l’arrêter de même que rien ne peut arrêter le soleil lorsqu’il décline et disparaît derrière les montagnes.

Personne ne sait combien de temps il vivra. Certains meurent dans le ventre de leur mère, d’autres à la naissance ou avant de tenir sur leurs jambes, certains dans leur jeunesse, d’autres dans leur vieillesse. Incertain aussi est ce qui produira notre mort et nul ne sait ce qui l’emportera : ce pourra être le feu, l’eau, le vent, la foudre, une chute, un éboulement, l’effondrement d’une maison, une arme, un poison, une attaque soudaine, une maladie… Cette vie est aussi fragile que la flamme d’une bougie dans le vent, une bulle d’air dans l’eau ou une goutte de rosée sur un brin d’herbe. (…)

C’est au moment de murmurer nos dernières paroles que nous réalisons enfin que nous non plus n’échappons pas à cette nature mortelle.

Notre vie est comme un sablier qui ne s’arrête jamais. Chaque instant suit l’autre sans répit. D’instant en instant, la vie s’épuise : nous sommes bébés, puis adultes, puis vieux, puis morts. Notre vie est comme une bulle d’eau ou une chandelle ; l’impermanence et la mort sont comme le vent.

Prenant conscience que cela arrivera à chacun de nous, ne devrions-nous pas dès maintenant nous appliquer à pratiquer le Dharma ?

Ce précieux corps humain que nous avons maintenant sait communiquer, peut comprendre les enseignements, est doté de toutes les facultés et a rencontré le Dharma. Si nous le gaspillons, non seulement nous aurons à endurer encore longtemps la souffrance régnant dans le sas›ra, mais nous n’aurons plus ultérieurement la possibilité d’en retrouver un semblable. C’est pourquoi il nous faut prendre la ferme résolution de bien l’utiliser en pratiquant le Dharma avec énergie pendant le temps qu’il nous reste en cette vie,

Extrait de La Voie du Bouddha © Ed. du Seuil

 

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