La prière de vœux de Samantabhadra

La prière de vœux de Samantabhadra

Ho ! Le monde phénoménal et la totalité du samsara-nirvana
Sont des illusions magiques de la recognition et de la non-recognition
D’un Fond unique où sont deux voies qui mènent à deux résultats.
Que la prière de Samantabhadra
Nous fasse tous atteindre, dans le palais de l’Espace réel,
En acte et complètement notre Bouddhéité !

Le fond de toutes choses ne se compose pas de parties,
C’est une immensité surgie d’elle-même, inexprimable,
Où samsara et Nirvana n’ont même pas de nom.
En être absolument conscient, c’est la Bouddhéité ;
Sinon c’est l’errance des êtres ordinaires qui tournent en rond.
Que tous les êtres qui vivent dans les trois sphères
Prennent conscience du sens inexprimable de ce fond !

Moi aussi, qui suis Samantabhadra,
J’ai compris par moi-même et au sein même du Fond
Le sens de ce Fond sans causes ni conditions.
Du dedans et du dehors,
Je n’ai pas le défaut d’estimer l’un plus que l’autre,
Et les ténèbres de l’inconscience ne m’ont jamais gagné,
Si bien que nulle imperfection ne souille ce que je perçois.
Je ne suis rien d’autre qu’une conscience simple et fraîche :
Les trois mondes seraient-ils détruits, rien ne me fait peur,
Et je ne suis pas attaché à ce qui attire les cinq sens.
La sagesse sans pensées s’instaure d’elle-même
Et les formes solides et les cinq poisons n’existent plus.

L’aspect lumineux de la conscience simple est inépuisable :
En essence, elle est une, et en sagesse, quintuple.
Quand les cinq sagesses ont atteint leur maturité,
Emergent les cinq premiers Bouddhas
Dont la sagesse se développe
Jusqu’à engendrer les Quarante-deux Bouddhas.
Le dynamisme des cinq sagesses
S’exprime dans les Soixante buveurs de sang.

Ainsi, conscient du Fond, je ne me suis jamais égaré,
Et comme je suis le premier Bouddha,
Je puis formuler ce souhait :
Que tous les êtres animés qui tournent dans les trois sphères
Reconnaissent leur Conscience Simple spontanée
Pour que la Sagesse Suprême soit en eux infinie !

De manière ininterrompue, et par inconcevables milliards,
Jaillissent mes émanations
Qui déploient de multiples méthodes
Propres à la conversion de chacun.
Que grâce à ma prière compatissante,
Les êtres animés qui tournent dans les trois sphères
Sortent tous des six lieux de leurs existences !
Comme ils n’avaient pas la conscience du Fond,
Les premiers êtres à s’égarer
Sombrèrent dans une inconscience totale
Qui est précisément la cause de l’ignorance et de l’égarement.
Ils s’en éveillèrent soudain, comme d’un évanouissement,
Et des éclairs de peur zébraient leur esprit.
Ils crurent alors qu’une hostilité séparait « moi » des « autres ».
Cette propension gagna peu à peu en intensité
Jusqu’à la plongée dans le mode samsarique.
Alors se répandirent les cinq poisons des affects négatifs,
Et depuis leur activité n’a jamais cessé.
Donc, puisque le fond de l’égarement des êtres animés
Est une ignorance issue de leur inconscience,
Je formule ce vœu de Bouddha :
Que tous reconnaissent d’eux-mêmes la Conscience Simple !

L’ignorance innée
Est une cognition que trouble l’inconscience ;
L’ignorance imaginaire
Est la croyance en la dualité moi-autrui.
Les ignorances innées et imaginaires
Sont le fond de l’égarement de chaque être vivant.
Que grâce à ma prière de Bouddha,
Tous les êtres qu’anime le samsara
Soient soulagés des ténèbres de l’inconscience,
Que leur esprit soit libre des croyances dualistes,
Qu’ils reconnaissent le vrai visage de leur Conscience Simple !

Un esprit dualiste doute, et à ce doute
Il s’accroche de manière subtile
Jusqu’à ce que cette propension se soit peu à peu « épaissie »
Et « durcie » en aliments, vêtements, argent, endroits, amis,
Tout ce qui plaît aux sens, en bien-aimés,
Et tout ce qui charme et dont on peut alanguir :
Telles sont les illusions du monde
Où les œuvres de la scission sujet-objet ne s’épuisent jamais !
Or quand il faut cueillir le fruit de l’attachement,
C’est pour renaître comme un preta que torturent la convoitise
Et les angoisses de la faim et de la soif.
Que grâce à ma prière de Bouddha,
Les êtres que passionne le désir-attachement
Ne rejettent pas l’ardeur de leur désir,
Ne cherchent pas à contrôler leur passion,
Mais laissent leur esprit se détendre en soi-même :
Leur Conscience Simple regagnera son domaine
Et ils connaîtront la sagesse qui discerne tout !

Une onde de peur très subtile se propage
Dans la conscience qui perçoit les objets extérieurs
Et une tendance agressive se solidifie jusqu’à la grossièreté
De se croire ennemis au point de se battre et de s’entretuer.
Quand il faut cueillir le fruit de la haine,
C’est pour souffrir d’être cuit et brûlé dans les enfers.
Que grâce à ma prière de Bouddha,
Lorsqu’une violente bouffée de haine envahit
L’un de ceux qui vivent dans les six mondes,
Il ne cherche pas à s’en défaire ou l’entretenir,
Et la laisse se détendre en soi-même :
Sa Conscience Simple regagnera son propre domaine
Et il connaîtra la Claire Sagesse !

L’esprit gonflé d’orgueil,
L’émulation, le mépris
Et l’arrogance démente
Mènent à une violence douloureuse,
Et quand il faut cueillir le fruit d’un tel karma,
C’est pour renaître comme un dieu qui chute à la mort.
Que grâce à ma prière de Bouddha,
Ceux qui sont sous l’emprise de l’orgueil
Laissent leur esprit se détendre en soi-même :
Leur Conscience Simple regagnera son domaine,
Et ils connaîtront la Sagesse de l’Égalité !

Le dualisme se solidifie en tendance
A se louer et à déprécier les autres : cet inconfort
Se solidifie à son tour en violence et en esprit de compétition
Et l’on finit par renaître comme un anti-dieu meurtrier,
Ce qui a pour effet une chute dans les zones infernales.
Que grâce à ma prière de Bouddha,
Les êtres qu’animent la violence et l’esprit de compétition
Ne croient pas en des « ennemis »
Et laissent leur esprit se détendre en soi-même :
Leur Conscience Simple regagnera son domaine,
Et ils connaîtront la Sagesse aux œuvres Imcomparables !

L’inconscience, l’indifférence et l’inattention,
La somnolence, l’obscurité, l’oubli,
Les évanouissements, la paresse et la bêtise
Ont pour effet l’errance des animaux sans refuges.
Que grâce à ma prière de Bouddha,
L’éclat d’une claire attention rejaillisse
Dans les ténèbres de l’apathie et de la bêtise,
Pour que tous conquièrent la Sagesse Sans Pensées !

Les êtres qui vivent dans les trois sphères
Sont tous mes égaux, à moi qui suis Bouddha et Fond Universel,
Mais, partis sur la base égarée de l’inconscience,
Les voici qui se livrent à des œuvres absurdes
En six karmas pareils aux illusions du rêve.
Or moi qui suis le premier Bouddha,
J’émets ce souhait de Samantabhadra
Pour convertir les six mondes avec des émanations :
Que sans la moindre exception, tous les êtres animés
Atteignent la Bouddhéité dans l’Espace Réel !

Aho ! Désormais, quand, dans la clarté naturelle
De sa conscience désillusionnée
Un puissant yogi récitera cette puissante prière,
Tous les êtres vivants qui l’entendront
Actualiseront leur Bouddhéité en trois vies.
Lors d’une éclipse de soleil ou de lune,
Quand il entendra des « sons », que la terre tremblera,
Aux solstices et à la nouvelle année,
Il se visualisera comme Samantabhadra
Et récitera pour que tous l’entendent.
Alors grâce à la prière de ce yogi,
Tous les êtres qui vivent dans les trois sphères
se libéreront peu à peu de leurs souffrances
Et finiront par atteindre la bouddhéité.

© 1985 – Rigpa et Patrick Carré

 

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