L’appréciation du guide

Kyabdjé Kalou Rinpoché

« Sur le chemin spirituel, nous avons besoin de quelqu’un qui puisse nous guider, qui puisse nous enseigner, nous montrer ce qu’est la voie, quels sont ses écueils, quel est le cheminement juste. »

Un lama n’est pas un directeur au sens ordinaire, une personne qui exerce sur nous son influence, c’est quelqu’un qu’il est peut-être difficile de définir, mais, pour prendre un exemple de la vie courante, on peut dire qu’un lama est comme un père et une mère à la fois. C’est quelqu’un qui nous aide et qui nous guide spirituellement, de même que nos parents nous ont éduqués. Nos parents nous ont appris ce qu’il était dangereux de faire, ce qu’il était bon de faire ; de même, un lama nous apprend au niveau spi rituel ce qui est positif et ce qui est négatif : il nous montre que telle action a des conséquences néfastes, que telle pratique a des résultats favorables. C’est quelqu’un qui peut nous éduquer et nous amener à une maturité spirituelle.

En suivant les conseils de ses parents, il est possible d’apprendre à vivre et à créer des situations favorables. De la même façon, il est important que nous sachions écouter les conseils de notre lama, de notre père-mère spirituel et, si nous sommes capable de les entendre et des les appliquer, nous pouvons progressivement développer ce qui est positif, abandonner ce qui est négatif, acquérir une maturité intérieure de plus en plus profonde et ouvrir notre esprit à la réalisation. De même que nous considérons et apprécions la bonté de notre père, de notre mère, que nous leur sommes reconnaissants, il est important d’apprécier la bonté du lama et d’avoir envers lui une même reconnaissance.

Néanmoins, il y a entre les deux relations une certaine différence : nos parents nous ont éduqués, nous ont donné et appris ce qui est bon pour cette vie ; alors que celui qui est notre père et notre mère spirituels nous enseigne ce qui est bon à la fois pour maintenant et pour les existences futures jusqu’à ce que nous arrivions à l’éveil. Nous devrions donc étendre cette reconnaissance que nous avons envers nos parents à notre père-mère spirituel.

Il y a aussi une différence quant à la force de la motivation et l’intensité de l’amour. Si des parents ont de l’amour pour leurs enfants, il est généralement restreint à ceux-ci. Un lama a une attitude d’amour et de compassion envers tous les êtres.

Il y a encore une différence importante en terme d’influence spirituelle. Nos parents nous ont aidés, ont fait tout ce qui était bon pour nous, mais cette aide qu’ils nous ont apportée est en dehors de toute dimension spirituelle, de toute grâce. Le lama qui nous aide est à l’origine d’une influence spirituelle rattachée à Vajradhara, à l’ultime réalisation au travers d’une lignée ininterrompue, il est le porte-parole et l’expression de cette transmission, celui qui nous transmet ce qui peut nous être utile spirituellement. Par son entremise, on peut recevoir la grâce, l’influence spirituelle de tous les bouddhas.

L’activité d’un lama est pourvue de « pouvoirs d’accomplissements » ; il est le canal, le transmetteur, il est celui par qui ce pouvoir, cette réalisation, peuvent nous parvenir et nous aider au niveau le plus profond.

Le lama que nous choisissons pour être notre guide personnel, et avec lequel nous établissons une relation essentielle s’appelle notre lama-racine. N’importe quel lama qualifié peut être notre lama-racine, si nous avons une affinité avec lui, que ce soit celui que nous connaissons dans un centre du dharma ou un autre. Si un maître et un disciple ont eu, durant des existences antérieures, une bonne connexion karmique, quand ils se rencontrent durant cette vie, ils peuvent immédiatement avoir une bonne relation : le disciple peut éprouver de la confiance envers son maître et, de plus, il peut être heureux de rencontrer celui-ci. Cette confiance en son maître et cette joie que le disciple peut alors éprouver sont des signes susceptibles de déterminer le disciple à s’engager auprès de ce maître.

Certains critères sont traditionnellement reconnus pour guider le disciple dans le choix de son lama-racine. Un tel lama doit avoir tout d’abord un rattachement traditionnel authentique, ce qui garantit la régularité de la transmission. Ensuite, sa compréhension des enseignements du dharma doit être profonde, et sa réalisation effective. Ses paroles et ses actes doivent être en conformité, il doit être désintéressé, c’est-à-dire ne pas être motivé par un intérêt matériel ou une gratification personnelle. Ensuite, sa motivation pour aider les autres doit être sincère, reposant sur une compassion et un amour profonds, sur une réelle bodhicitta. Il faut aussi que lama et disciple puissent communiquer en toute confiance. Celui qui a ces qualités et compétences peut être un guide authentique. Si le disciple s’en remet sincèrement à lui avec con fiance, ce guide devient le transmetteur de la lignée de tous les bouddhas.

Le disciple doit avoir aussi une grande énergie afin de pouvoir mettre en pratique les enseignements du lama.

Lorsque ces qualités sont réunies, le lama devient la source de l’influence spirituelle de tous les bouddhas. Une image traditionnelle le compare alors à une loupe qui focalise la lumière de l’influence spirituelle de tous les bouddhas et enflamme alors l’amadou des voiles de notre esprit.

Cette relation que nous évoquons et les bienfaits qui en découlent dépendent fondamentalement de deux éléments qui sont, d’une part, la réalisation, la compassion, l’amour du lama pour tous ceux qui l’entourent, l’ouverture, la disponibilité de celui-ci, et d’autre part, la confiance que chacun peut avoir en le lama. Suivant une image traditionnelle, la compassion du lama est comme un crochet, la confiance que l’on peut avoir, comme un anneau ; c’est la relation de l’anneau et du crochet qui permet cette connexion fondamentale, source de tous les bienfaits dont nous parlions.

De nombreux lamas ont des qualités sublimes, mais quand bien même ils ne les auraient pas, si leur rattachement, leur motivation et leur intention d’aider véritablement les êtres sont justes, la relation avec eux peut néanmoins être positive.

Dans sa relation à un lama, il est important d’examiner son propre esprit. Nous sommes des êtres ordinaires, animés par de nombreuses émotions conflictuelles et passions : nous avons tendance à percevoir toujours les fautes chez les autres. Quand nous sommes en relation avec le lama, nous percevons en lui différents défauts mais, si nous savons examiner notre esprit, nous serons capables de voir que tous ces défauts sont des projections de notre propre négativité sur l’autre. Et si nous ne pouvons pas faire cela, nous devons tout simplement accepter de nous dire : « C’est son problème, et, quant à moi, puissé-je bien pratiquer, bien comprendre le dharma à l’occasion de cette relation ». Mais s’il y a un problème insurmontable dans la relation avec le lama, en aucun cas il n’est juste d’adopter une attitude négative de rejet. En dernier recours, il convient d’interrompre la relation, de rester dans l’indifférence sans prise de position conflictuelle.

Il y a aussi de nombreuses différences suivant la nature de la relation établie. Si nous avons une relation au niveau du vajrayana, si nous avons reçu des initiations de ce lama, il est important de toujours garder une relation positive. Quel que soit le comportement de ce lama, il est important de le voir d’une façon pure. Quoi qu’il fasse, il faut considérer ses actions comme un moyen adroit pour nous aider. Si nous pouvons adopter une telle attitude, nous pouvons nous ouvrir à une authentique influence spirituelle et progresser vers l’éveil.

Il est, en effet, possible de recevoir une aide véritable même de quelqu’un qui ne soit pas parfaitement pur. Même si l’ami spirituel n’est pas lui-même complètement purifié, il peut donner des conseils et aider. De manière analogue, si vous cherchez votre route et si vous la demandez à un passant, même si celui-ci est quelqu’un de très mauvais, il peut vous donner une indication juste.

D’autre part, nous n’avons pas discipliné notre propre esprit et si nous voyons continuellement des fautes chez l’autre, ce que nous voyons est notre propre obscurité. Si nous avons de la saleté sur notre visage et si nous nous regardons dans un miroir, nous voyons cette saleté en face de nous.

Je vous rappelle une parole célèbre de Sa Sainteté le Karmapa :

« De ceux qui m’ont vu, nul n’ira dans les existences inférieures. De ceux qui vivent avec moi, nul n’ira dans les existences supérieures »

Pourquoi dit-il cela ? Ceux qui voient le Karmapa, qui le rencontrent, avec confiance, profonde inspiration et un état d’esprit positif, établissent ainsi une relation qui les libère, tandis que ceux qui vivent avec lui dans les relations quotidiennes ont tendance à développer une attitude négative qui est source de karma négatif.

L’essentiel est de bien comprendre le sens de l’enseignement qui s’exprime par la relation que l’on a établie avec le lama et de bien l’appliquer. Il ne faut pas s’inquiéter des doutes que nous pouvons avoir : notre esprit est dans la confusion, et nous avons nécessairement des doutes, des doutes quant à ce qui est vrai, réel, irréel, juste, erroné, etc.

Ce qui est important c’est d’accepter ses doutes et de les utiliser dans la relation avec le lama ; c’est, en lui exprimant ses interrogations, de chercher en ses réponses le moyen de les clarifier et de les dissoudre.

C’est ainsi qu’on s’ouvre à une attitude de dévotion.

 

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