Le vœu de bodhisattva

Le Vidyadhara, le très vénérable Chögyam Trungpa Rinpotché

Le vœu de bodhisattva, c’est l’engagement qui consiste à faire passer les autres avant nous-mêmes. Il consiste à déclarer qu’on est disposé à renoncer à son propre bien-être, voire même à sa propre illumination, eu égard aux autres. Un bodhisattva

C’est simplement quelqu’un qui vit dans l’esprit de ce vœu, qui cultive les qualités connues sous le nom des six paramita – la générosité, la discipline, la patience, la vigueur, la méditation et la connaissance transcendante – dans son effort pour libérer les êtres.

Prononcer le vœu de bodhisattva implique qu’au lieu de s’accrocher à son propre territoire personnel et le défendre farouchement, on s’ouvre au monde dans lequel on vit. Cela veut dire qu’on consent à assumer une plus grande responsabilité, une responsabilité immense. En réalité, cela fait courir un grand risque. Mais prendre ce risque n’est pas faux héroïse ou excentricité personnelle. Dans le passé, des millions de bodhisattvas, d’êtres éveillés et de grands maîtres ont couru ce risque. Une tradition de responsabilité et d’ouverture a ainsi été transmise de génération en génération. Ayant pris le vœu de bodhisattva, on participe aussi à l’esprit de santé et de dignité transmis par cette tradition.

Il existe une lignée ininterrompue de bodhisattvas, héritiers des grands bodhisattvas Avalokiteçvara, Vajrapani, et Manjushri. C’est une tradition lignée ininterrompue parce que personne dans cette lignée, de génération en génération à travers les siècles, ne s’est complu dans la préservation du moi ; chacun a constamment essayé de travailler pour le bien de tous les êtres sentant (1). Cet héritage d’amitié s’est transmis sans interruption jusqu’à nos jours non pas comme un mythe, mais comme une source d’inspiration vivante.

La santé transmise par cette tradition est intense. Prononcer le vœu de bodhisattva, c’est faire quelque chose de magnifique et de glorieux. C’est une tradition tellement complète et ceux qui la suivent sont tellement sincères que ceux qui ne s’y sont pas joints pourraient, par contraste, se sentir un peu misérables. Ils pourraient envier une telle richesse. Mais se joindre à cette tradition exige également beaucoup de nous. Nous ne sommes plus résolus à nous entourer de confort. Nous travaillons avec les autres, ce qui implique de travailler avec notre « autre » de même qu’avec l’autre autre. Notre « autre », ce sont nos projections et notre sentiment d’inimitié et de soif de nous rendre la vie aisée. L’autre autre, c’est le monde phénoménal qui nous entoure, plein d’enfants qui pleurent, de vaisselle sale, de pratiquants confus d’une discipline spirituelle, et de divers êtres sentant.

Prononcer le vœu de bodhisattva est donc un engagement réel fondé sur la réalisation de notre souffrance et de notre confusion et de celle des autres. La seule façon d’interrompre la réaction en chaîne de la confusion et de la souffrance, pour atteindre à un état d’esprit éveillé, c’est d’en prendre nous-même la responsabilité. Si l’on ne se confronte pas à cette situation de confusion, si l’on ne s’y met pas, rien ne se produira. Nous ne pouvons pas compter sur les autres pour le faire à notre place. C’est notre responsabilité, et nous avons l’immense pouvoir de modifier le cours du karma mondial. En prononçant le vœu de bodhisattva, on reconnaît donc qu’on ne sera pas l’instigateur de plus de chaos et de misère dans le monde, mais qu’on va être un libérateur, un bodhisattva qui travaille sur lui-m^me ainsi qu’avec les autres.

Prendre la décision de travailler avec les autres, c’est une source d’inspiration immense. On n’essaye pas de bâtir sa propre grandeur. On tente simplement de devenir un être humain qui soit vraiment capable d’aider les autres ; c’est-à-dire qu’on développe précisément cette qualité d’altruisme qui manque généralement dans le monde. Suivant l’exemple de Gautama Bouddha qui renonça à son royaume pour consacrer son temps aux êtres sentant, nous devenons enfin utiles à la société.

Peut-être avons-nous tous découvert une petite vérité (comme la vérité de la poésie ou de la photographie ou des amibes) qui peut aider les autres. Mais nous avons tendance à n’utiliser une telle vérité que pour constituer nos propres références. Travailler avec nos petites vérités, petit à petit, c’est une approche de lâche. Par contraste, le travail d’un bodhisattva est sans références. Même si l’on est battu, frappé ou simplement peu apprécié, on reste bienveillant et bien disposé à travailler avec les autres. C’est une situation qui ne rapporte aucun bonheur. C’est vraiment authentique et très puissant.

Adopter cette attitude mahayaniste de bienveillance revient à abandonner la vie privée et développer un sentiment de perspective plus large. Plutôt que de se centrer sur ses propres petits projets, on étend sa vision immensément, pour englober le travail avec le reste le monde, le reste des galaxies, le reste des univers.

Mettre une vision aussi large en pratique exige que l’on aborde les situations très clairement et parfaitement. Pour laisser tomber notre égocentrisme qui limite notre vue et ennuage nos actions, il nous faut développer un sentiment de compassion. Traditionnellement, cela se fait en devenant d’abord compatissant envers soi-même, puis envers un intime et enfin envers tous les êtres sentant, y compris nos ennemis. Finalement, nous regardons tous les êtes sentant avec autant d’émotion que s’ils étaient nos propres mères. Nous ne nous demanderons peut-être pas à nous-même d’adopter sur le champ une attitude aussi traditionnelle, mais de développer un sentiment d’ouverture et de douceur constantes. Il faut bien que quelqu’un fasse le premier geste.

En règle générale, nous nous trouvons devant cette alternative : « va-t-il s’excuser d’abord ou vais-je le faire en premier ? » Mais en devenant un bodhisattva, on brise cette barrière ; on n’attend pas que l’autre fasse le premier pas – on a décidé de s’exécuter. Les gens ont beaucoup de problèmes et ils souffrent de toute évidence, et nous n’avons qu’une goutte ou un grain de sensibilité à la souffrance qui se vit dans ce pays, sans parler du reste du monde. Des millions de gens dans le monde souffrent de leur manque de générosité, de discipline, de patience, de vigueur, de méditation et de connaissance transcendante. L’intérêt de faire le premier geste ou de prononcer le vœu de bodhisattva, ce n’est pas nécessairement de convertir les autres à notre point de vue ; c’est de contribuer ainsi au monde simplement par notre façon de l’aborder par notre propre douceur.

Lorsqu’on prononce le vœu de bodhisattva, on reconnaît que le monde peut être amélioré. Du point de vue du bodhisattva, d’un monde dur, incorrigible. On peut y travailler avec l’inspiration du Dharma-de-Bouddha en suivant l’exemple du seigneur Bouddha et des grands bodhisattvas. On peut se joindre à leur campagne visant à travailler avec les êtres sentant, correctement, pleinement et complètement, sans compassion idiote, sans confusion et sans agression. Une telle campagne découle naturellement de la pratique de la méditation parce que celle-ci apporte un sentiment croissant d’insubstantialité.

Lorsqu’on prend le vœu de bodhisattva, on se soumet à de nombreuses exigences. Si l’on nous demande de l’aide, nous ne devons pas décliner l’invitation ; si l’on nous demande de devenir père ou mère, nous ne devons pas refuser. En d’autres termes, nous devons manifester de l’intérêt pour les gens, apprécier le monde phénoménal et ses occupants. Ce n’est pas facile, cela suppose que les névroses, la merde, le vomi ou la diarrhée égocentriques des gens, ne nous épuisent complètement ni ne nous rebutent, mais que nous acceptons la situation et acceptons de nettoyer pour eux. C’est un sentiment de douceur grâce auquel nous permettons aux situations d’avoir cours en dépit de petits inconvénients ; nous acceptons que les situations nous agacent, nous submergent.

Prononcer le vœu de bodhisattva signifie que nous tenons à mettre en pratique les enseignements du bouddhisme dans notre vie quotidienne. En faisant cela, nous sommes assez mûrs pour ne rien garder pour nous. Nos talents ne sont pas rejetés, mais utilisés comme partie intégrante du processus d’apprentissage. Un bodhisattva peut enseigner le bouddhisme par le biais de l’intellect, de l’art ou même des affaires. Alors en nous engageant sur la voie du bodhisattva, nous continuons à développer nos talents de façon éveillée, sans qu’ils nous menacent ou nous rendent confus. Auparavant, nos talents étaient peut-être comme une partie de la texture de notre confusion, mais nous les ramenons à la vie, ils peuvent fleurir à l’aide des enseignements, du maître et de la pratique. Cela ne veut pas dire qu’on parfasse toute la situation sur le champ. Il y aura bien sûr de la confusion :! Mais il y a en même temps un soupçon d’ouverture et de potentialités illimitées.

Il est nécessaire, à cette étape, de faire un saut en ce qui concerne la confiance en soi. On peut vraiment corriger toute agression ou tout manque de compassion, tout ce qui est anti-bodhisattva, lorsque cela se produit ; c’est de cette façon que les erreurs deviennent des ornements plutôt que des dérobades. Il nous faut simplement reconnaître nos propres névroses et y travailler plutôt que d’essayer de la masquer ou de les rejeter. De cette façon, notre processus mental névrotique se dissout lentement. Chaque fois que nous travaillons sur nos névroses de façon aussi directe, cela devient l’action compatissante.

L’instinct humain habituel veut que l’on se nourrisse d’abord et que l’on antre en amitié avec les autres s’ils sont en mesure de nous nourrir. On pourrait appeler cela « l’instinct simiesque ». Mais dans le cas du vœu de bodhisattva, on parle d’une espèce d’instinct super-humain qui est plus profond et plus plein. Inspirés par cet instinct, nous consentons à nous sentir vides, dépossédés et confus. Mais quelque chose ressort de cette sensation de confusion et de perte : c’est que grâce à notre volonté de nous sentir ainsi, nous pouvons aider quelqu’un d’autre en même temps. Il y a alors de la place pour notre confusion, notre chaos et notre égocentrisme ; ils deviennent des tremplins. Même l’irritation qui peut survenir dans la pratique de la voie du bodhisattva devient une façon de confirmer notre engagement.

Lorsqu’on prononce le vœu de bodhisattva, on se présente réellement comme la propriété des êtes sentant : selon la situation, on consent à être une autoroute, un bateau, un plancher, une maison. Nous permettons aux autres êtes sentant de nous utiliser à leur guise. Comme la terre soutient l’atmosphère et le cosmos contient les étoiles, les galaxies et tout le reste, nous consentons à porter les fardeaux du monde, inspirés par l’exemple physique de l’univers. Nous nous offrons comme vent, feu, air, terre et eau – tous les éléments.

Mais il est nécessaire et très important d’éviter la « compassion idiote » Si l’on est gauche avec le feu, on se brûle ; si l’on monte mal un cheval, on se fait désarçonner. Il y a un sentiment de réalité de la terre. Travailler avec le monde exige une sorte d’intelligence pratique. On ne peut un bodhisattva tout feu tout flammes. Si nous ne travaillons pas intelligemment avec les êtes sentant, il est fort possible que notre aide en vienne à créer une dépendance plutôt que des bénéfices. Les gens vont s’habituer à notre aide comme ils s’adonnent aux calmants ; ils ne peuvent s’endormir sans en prendre une dose chaque soir. En essayant de recevoir plus d’aide, ils s’affaiblissent de plus en plus. Alors, pour le bien des êtes sentant, nous devons nous ouvrir avec un attitude d’intrépidité. En raison de leur tendance naturelle à la complaisance, il est parfois préférable d’être avec eux direct et tranchant. L’approche du bodhisattva consiste à aider les autres à s’aider eux-mêmes. Cela présente des analogies avec les éléments : la terre, l’eau, l’air et le feu nous rejettent toujours lorsque nous essayons de les utiliser en dépassant ce qui est approprié. Mais en même temps, ils s’offrent généreusement à être travaillés et utilisés correctement.

Un des obstacles à la discipline du bodhisattva est l’absence d’humour qui fait prendre l’affaire trop au sérieux. Aborder la bienveillance du bodhisattva de façon militante ne marche pas tellement. Les débutants sont souvent préoccupés par leur propre pratique et leur propre développement ; ils approchent le Mahayana de façon très Hinayana. Mais ce militantisme sérieux est assez différent de la bonne humeur et de la joie du sentier du bodhisattva. Au début, vous devrez peut-être feindre l’ouverture et la joie. Mais vous devriez au moins essayer d’être ouvert, enjoué et courageux en même temps. Cela exige que vous fassiez continuellement deux espèces de sauts. Vous pouvez sauter comme une mouche, une sauterelle, une grenouille et enfin comme un oiseau, mais une sorte de saut a toujours lieu sur la voie du bodhisattva.

Il y a un immense sentiment de joie dans le fait qu’on soit enfin capable de se joindre à la famille des Bouddhas. Enfin nous avons décidé de demander notre héritage : l’Eveil. Du point de vue du doute, n’importe quelle qualité d’éveil en nous peut sembler réduite. Mais du point de vue de la réalité, un être éveillé pleinement développé existe déjà en nous. L’illumination n’est plus un mythe ; elle existe, elle est réalisable et nous y sommes associés pleinement et complètement. Nous n’avons donc pas de doute sur la question de cheminer sur le sentier ou pas. Il est évident que nous nous sommes déjà engagés et que nous allons développer ce projet ambitieux de devenir des Bouddhas.

Prononcer le vœu de bodhisattva, c’est exprimer qu’on s’installe et qu’on se met à l’aise dans ce monde ; On ne craint pas d’être attaqué ou détruit par quelqu’un. On s’expose constamment pour le bien des êtes sentant. En réalité, nous renonçons même à notre ambition d’atteindre l’éveil pour la remplacer par l’intention de réduire la souffrance et les difficultés des autres. Mais néanmoins, on ne peut faire autrement que d’atteindre l’éveil de toute façon. Par le passé, les bodhisattvas et les grands tathagata ont franchi cette étape et nous pouvons faire de même. Il ne tient qu’à nous d’accepter cette richesse ou de la rejeter et d’avoir une mentalité misérabiliste.

Transplanter la bodhicitta

Le vœu de bodhisattva est un saut dans lequel nous commençons à abandonner notre approche égocentrique à l’égard du développement spirituel. Au sens absolu, le vœu de bodhisattva c’est la transplantation complète de la bodhicitta, l’esprit éveillé, dans nos cœurs, une union complète de nous-mêmes avec la douceur et la compassion de notre éveil. Mais on ne devient pas un bodhisattva achevé d’un seul coup : on se porte candidat à la « bodhisattvure ». C’est à cause de cela qu’on parle de bodhicitta relative et de bodhicitta absolue. La bodhicitta relative c’est comme l’intention de partir en voyage, d’acheter un billet ; la bodhicitta absolu, c’est être comme un vrai voyageur. Comme pour les voyages, on achète d’abord le billet et on s’envole plus tard.

La cérémonie du vœu de bodhisattva est également une reconnaissance de notre potentiel pour l’éveil. Cela nous amène à reconnaître que la bodhicitta est déjà en nous. Alors, en faisant le vœu de bodhisattva, nous étendons notre vision à l’infini, au-delà de notre petit monde vieux jeu. En un sens, c’est comme une transplantation cardiaque : on remplace le vieux cœur qui s’oriente vers le moi et l’agrandissement du moi par un nouveau cœur qui se caractérise par la compassion et une vision élargie.

Notre propre douceur est la qualité qui rend possible la transplantation. En un sens, donc, ce nouveau cœur a été présent depuis le début. Il est simplement redécouvert au sein du nouveau cœur, comme on pèle un oignon. Cette découverte de la bodhicitta est extrêmement puissante. Puisque nous avons la générosité et la compassion fondamentale en nous, nous n’avons pas à les emprunter à quiconque. Avec cette qualité d’éveil inhérente à notre nature, nous pouvons agir directement, sur le champ.

Souvent notre sentiment de vulnérabilité, la sensation d’avoir besoin de se protéger, agit comme un obstacle à tout sentiment de chaleur. Mais dans le sentier du bodhisattva, on court des risques, on s’offre aux autres sans réserves par égard pour eux. Et c’est la découverte de notre propre éveil, ou bodhicitta, qui crée la confiance nécessaire pour courir de tels risques. Un tel éveil, une fois reconnu, se développe constamment et ne peut être détruit. Aussi longtemps que cette chaleur et cette sympathie existent en nous, nous sommes comme de la nourriture pour les mouches. Les occasions d’exprimer cette chaleur nous arrivent comme des essaims de mouches qui atterrissent sur les aliments. C’est comme si nous avions attiré magnétiquement ces situations vers nous-mêmes. C’est notre chance de ne pas les rejeter mais d’y travailler.

Lorsque nous commençons à abandonner notre territoire personnel, il y a automatiquement un sentiment d’éveil ou une brèche dans la conceptualisation, dans notre cœur. Nous commençons à entrer en amitié avec le monde. A partir de ce moment là, nous ne pouvons plus blâmer la société ou la température, ou les moustiques. Nous devons assumer personnellement nos responsabilités, ne pas blâmer le monde mais nous-mêmes à juste titre ou à tort. C’est notre devoir de la faire. Cela ne rime à rien de créer des procès cosmiques interminables pour trouver qui a tort ou raison. Personne n’y gagne, et de pareils procès ne feront que dégénérer en batailles cosmiques. Quelqu’un doit donc commencer quelque part : celui qui a prononcé le vœu de bodhisattva doit faire le premier geste. Autrement la générosité ne commence jamais, et le chaos et l’agressivité n’ont pas de fin. En réalité, sur le chemin du bodhisattva, une telle non-agression devient notre vue totale du monde.

Abandonner l’intimité

On ne peut avoir de plaisir personnel une fois qu’on s’est lancé sur la voie du bodhisattva. On ne peut se réserver un petit coin juste pour soi. C’est très important n’est-ce pas ? On ne peut se réserver aucun plaisir ou privilège personnel. Bien sûr on aimerait pouvoir fermer la porte et jouer un peu de musique ou lire un roman ou le Time, ou peut-être étudier le bouddhisme. Mais c’est chose du passé. A partir du moment où on prononce le vœu de bodhisattva, il n’y a plus de vie privée. De fait, dès lors, toute référence personnelle est inutile. On a été vendu aux êtes sentant, mis sur le marché. Les êtes sentant peuvent nous labourer, chier sur nous, semer des graines sur notre dos, nous utiliser comme terre. Et c’est très très dangereux et irritant de ne plus avoir d’intimité.

C’est intéressant de penser qu’on peut être une personne totalement publique, vingt-quatre heures par jour. Même lorsqu’on dort, on peut encore faire quelque chose ; on est complètement dévoué. Avec un pareil engagement, on ne demande plus de vacances. Lorsqu’on demande des vacances ou une pause pour se retirer de la vie publique, ça a l’air un peu louche. C’est encore essayer de préserver ce petit coin sous contrôle personnel, qui est l’un de nos plus gros problèmes. En faisant le vœu de bodhisat-tva,on renonce enfin à cette intimité,à ce petit monde de commérage mental. On ne laisse pas tomber l’intimité uniquement au niveau primaire, mais on abandonne aussi l’intimité en soi-même. Nos esprits sont un peu schizophrènes : un aspect voudrait se cacher des autres aspects. Mais nous abandonnons cela aussi. Donc, dans tout ce que fait un bodhisattva, il n’y a ni vie privée, ni secret.

En d’autres termes, personne ne mène une double vie désormais. Tout le monde mène une vie unique consacrée à la pratique et aux autres. Cela ne veut pas dire qu’on devienne des gourous en miniature ou des maîtres qui dominent les autres. Plutôt que d’être de grands courants de l’océan, nous ne sommes peut-être que de petites gouttes. Si l’on devient trop ambitieux, on peut se révéler trop égoïste. On devrait alors se surveiller. La méditation assise fournit une aide précieuse à cet égard en nous montrant qu’on peut simplement être complètement ouvert et éveillé lorsqu’on réalise que le monde dans lequel on vit n’est pas le sien propre mais un monde à partager.

Réfugiés et bodhisattvas

Entrer dans la voie du bodhisattva exige beaucoup de nous, bien plus que prononcer le vœu de refuge. En tant que réfugié, on s’était préparé sur le sentier. Le Dharma-du-Bouddha nous inspirait et nous savions que nous n’allions pas nous dérober. Comme nous avons acquis une certaine compréhension de notre nature fondamentale, nous sommes devenus forts, disciplinés, et nous ne nuisons plus au reste de la société. Mais en même temps, le sentier de la libération individuelle ou de l’engagement spirituel n’est pas entièrement satisfaisant. Quelque chose manque : nous n’avons pas encore travaillé avec les autres, les autres êtres sentant. Une fois que nous avons pris le vœu de refuge, de forts messages commencent à nous parvenir sur le fait que notre engagement envers les êtres sentant n’est pas déjà rempli. Toute notre approche semble être devenue un ongle incarné : nous sommes amenés à nous dévorer nous-mêmes plutôt qu’à prendre de l’expansion et à travailler avec les autres.

Quand on a préparé le terrain avec le vœu de refuge, qu’on a tout abandonné, on commence à avoir le goût d’entrer en relation avec le monde. Pour commencer, on a mis de l’ordre dans sa propre situation. Si l’on ne développe ni la compassion ni l’ouverture envers soi-même, on ne fait pas de progrès du tout. Mais une fois qu’on a fait cela, on n’est pas encore tout à fait libre, se développer davantage, il faut être stimulé, faire un autre saut : le vœu de bodhisattva.  Mais  cela ne veut pas dire que nous soyons déjà des bodhisattvas. En réalité, nous sommes à peine prêts à prononcer le vœu. Mais puisque nous avons des responsabilités envers le monde, nous ne pouvons plus rester là à ne rien faire et à bouder à cause de nos côtés négatifs et de nos bouleversements. En même temps que ces choses se produisent en nous, il nous faut sortir et travailler avec les autres. Notre pied est peut-être blessé, mais nous pouvons quand même essayer de soutenir quelqu’un. C’est le style de la voie du bodhisattva : notre propre gêne n’est pas tellement importante. En tant que bodhisattvas, nous sommes non seulement des voyageurs sur la voie, mais aussi des porte-parole de l’attitude éveillée, ce qui exige d’abandonner tout à fait la complaisance.

L’activité du bodhisattva

La manière dont le bodhisattva entre en relation avec les autres s’exprime dans la phrase « accueillir tous les êtres sentant comme ses propres invités ». Lorsque nous traitons quelqu’un comme un invité, nous percevons notre relation avec lui comme importante. Nous lui offrons des mets bien cuisinés et une hospitalité particulière. Il y a également le sentiment que notre relation avec l’invité est impermanente, que l’invité va partir. Il y a donc appréciation constante et sentiment qu’il s’agit là moment très opportun. La vie d’un bodhisattva a  donc comme objectif d’accueillir chacun comme un invité. Cette notion d’accueil des sentant comme des invités est le point de départ de l’application de la compassion.

La compassion est le cœur de la pratique de la méditation en action, ou activité du bodhisatva. Cela se produit comme une vision fugitive, une vigilance et une chaleur simultanées. Si l’on yregarde de près, il s’agit d’un processus triple : sentiment de chaleur intérieure, vision à travers la confusion, sentiment d’ouverture. Mais tout le processus se déroule très brusquement. On n’a pas le temps d’analyser. On n’a pas le temps se sauver ou de s’accrocher. On n’a même pas le temps de regarder en arrière pour remarquer « je suis en train de faire cela ».

L’activité d’un bodhisattva est énergique et douce. Vous avez suffisamment de puissance pour déployer votre énergie, mais en même temps vous avez la douceur qui vous permet de modifier vos décisions pour les adapter à la situation. Une activité aussi douce et aussi vigoureuse se fonde sur la connaissance : vous êtes conscient de la situation qui vous entoure, mais vous êtes également conscient de votre version de la situation : ce que vous voulez faire. Chaque aspect est perçu clairement.

Une fois qu’on a pris le vœu de bodhisattva, on peut hésiter un peu à suivre son inspiration. Les situations dans lesquelles on se trouve, si l’on les examine en gros, semblent illogiques et confuses. Mais une fois qu’on observe sa vie quotidienne avec l’outil précis qu’est une pratique régulière, les actions peuvent devenir beaucoup plus nettement définies : lorsqu’il y a attraction vers le moi, on peut couper net ; lorsqu’on hésite à dépasser sa perspective égocentrique, on peut lâcher prise. On hésite peut-être parce qu’on a peur de ne pas prendre la bonne décision ou qu’on ne sait pas trop quoi faire. Mais on peut s’efforcer de se mettre en situation de sorte que les directions justes se présentent naturellement. On peut avoir légèrement peur des conséquences de son action, être un peu timide dans son approche, mais il y a en même temps confiance, inspiration pour aborder les choses correctement. Cette mentalité qui joint la confiance à la timidité englobe l’action habile.

En un sens, prononcer le vœu de bodhisattva c’est faire preuve d’une prétention énorme. On n’est pas sûr d’être capable de cheminer sur la voie du bodhisattva, mais on se décide quand même à le faire. C’est un saut nécessaire pour le développement de la confiance fondamentale. Les situations de la vie quotidienne sont à la fois solides et malléables. On n’a pas à s’en effaroucher, ni à exagérer en attaquant comme un char d’assaut. On travaille avec les situations simplement et directement comme elles se présentent.

Les six paramita

Cette sorte d’activité de bodhisattva est décrite traditionnellement en fonction des six paramita, les six vertus transcendantes : la générosité, la patience, la discipline, la vigueur, la méditation, la connaissance transcendante (prajna).

La paramita de la générosité

La paramita de la générosité est liée notamment à la notion de partage de la connaissance ou de l’enseignement. En réalité, tous ceux qui prononcent le vœu de bodhisattva sont considérés comme des maîtres en puissance. Si par paranoïa, embarras, ou sentiment que nous voulons posséder notre connaissance, nous refusons d’enseigner, nous abandonnons les êtres sentant. Même si nous trouvons que nous ne sommes pas près de devenir des maîtres, nous devons nous préparer à devenir des apprentis. Nous devons être disposés à partager notre connaissance avec les autres. Mais en même temps, il nous faut nous maîtriser pour ne pas tenter de faire partager quelque chose que nous ignorons.

Dans la cérémonie du vœu de bodhisattva, on exprime sa générosité en faisant une offrande aux trois joyaux : le Bouddha, le Dharma et la Sangha. On offre fondamentalement son propre moi : on offre son sentiment de santé au Bouddha, sa perception vive de la nature de la voie qui mène au Dharma, et son sentiment de camaraderie à l’endroit de la Sangha.

Offrir des aliments à quelqu’un, c’est une façon traditionnelle de développer la générosité. Même si l’on a faim, on tient son plat de nourriture dans ses mains et on le donne mentalement avant de manger. A ce moment précis du don, on commence réellement à pratiquer les paramita. Donner quelque chose de personnel et de significatif dans sa vie, c’est s’aider à voir un peu plus clairement ses attachements et à venir à bout de l’automatisme du matérialisme spirituel. En réalité, à ce moment-là, on abandonne également la réalisation de l’éveil.

La paramita de la discipline

La paramita de la discipline, ou moralité, se fonde sur un sentiment de confiance en soi. Par contraste, la moralité traditionnelle est souvent fondée sur le manque de confiance et la peur de nos propres impulsions agressives, nous avons tellement peu confiance en notre propre intelligence et en notre propre éveil, les personnes prétendues immorales représentent une grande menace à nos yeux. Par exemple lorsque nous taxons un meurtrier d’immoralisme, c’est peut-être à cause peur d’assassiner quelqu’un. Ou encore nous craignons peut-être de tenir un pistolet, ce qui représente la mort et le meurtre, et de peut-être nous abattre nous-mêmes sur-le-champ. En d’autres termes, nous ne nous faisons confiance, nous nous méfions de notre propre générosité. Le manque de confiance et l’obsession de sa propre incomplétude comptent parmi les plus grands obstacles sur la voie du bodhisattva,. Si l’on se sent inadéquat en tant que bodhisattva, on ne fait pas un bon bodhisattva. En réalité, cette obsession qui prend une tournure de culpabilisation, c’est une façon d’être piégé dans le Hinayana. Elle revient à tenter de confirmer par le moi. Le sentiment de confiance en soi permet au bodhisattva de travailler habilement avec tout ce qui se produit, jusqu’au point de consentir à l’immoralité par compassion pour les êtres sentant. Cela est évidemment très délicat et suppose fondamentalement un travail intelligent avec les autres.

La discipline du bodhisattva vient d’un sentiment de confiance en soi-même, mais implique également qu’on fasse s’éveiller la confiance chez les autres. C’est faire preuve d’un certain héroïsme que hisser la bannière de la santé et proclamer une voie ouverte. Si l’on est trop timide ou effacé, on ne sait ni qui l’on est ni avec qui l’on communique. Il y a encore un désir de garder les choses pour soi, de préserver son territoire. Puisque nous fondons notre confiance en nous sur le sentiment d’être quelqu’un de spécial, nous avons peur d’éveiller la confiance de notre entourage et de détruire notre petite base de pouvoir. Par contraste, le chemin du bodhisattva permet une grande expansion, une large vision d’ouverture dans laquelle il y a énormément de place pour travailler avec les autres sans arrivisme ni impatience. Comme notre vision ne dépend pas du maintien du moi, nous ne pouvons être menacés. Nous n’avons rien à perdre, et pouvons vraiment y mettre un peu du nôtre dans nos relations avec les autres

La paramita de la patience

La paramita de la patience, c’est la volonté de travailler avec ses propres émotions, au moyen de la pratique de la méditation. Cela permet d’autre part de commencer à travailler paisiblement avec les autres. En règle générale, on ne veut pas travailler avec les gens agressifs parce qu’on trouve qu’ils ne rendent pas la vie facile. Ils menacent notre mentalité anti-bodhisattva qui consiste à chercher le plaisir et la sécurité. Lorsque nous rencontrons quelqu’un qui nous traite injustement, nous nourrissons beaucoup ressentiment et refusons de lui pardonner. Notre tendance est toujours de voir les agressifs comme la cause du problème plutôt que de percevoir notre façon de nous cacher. Mais la paramita de la patience exige qu’on abandonne l’approche égocentrique qui consiste à toujours blâmer les autres. Tout simplement, la pratique de la patience signifie qu’on ne retourne pas les menaces, la colère, les attaques ou les insultes. Mais cela ne veut pas dire que l’on reste purement passif. On utilise plutôt l’énergie de l’autre comme dans le judo. Puisqu’on est entré en relation avec sa propre agressivité par la pratique de la méditation, on ne se sent pas menacé par l’agressivité de l’autre et l’on ne ressent pas le besoin de réagir agressivement. Cela permet d’utiliser l’énergie de la situation plutôt que de réagir impulsivement. Notre réaction est donc une auto-défense qui consiste à ne pas répondre par la menace ; elle prévient en même temps une escalade d’agressivité et laisse l’énergie de la personne se saper elle-même.

La paramita de la vigueur

La paramita de la vigueur nous invite à travailler dur par égard pour les autres. La conquête des complications émotives et des frivolités conceptuelles de nos esprits libère beaucoup d’énergie. Les émotions semblent fournir une excuse pour éviter l’activité du bodhisattva. Se lover dans la familiarité et le confort de ses propres complications émotives permet de se complaire dans la paresse et l’égocentrisme. Mais le bodhisattva trouve l’inspiration pour surmonter cette paresse en développant la simplicité. Une telle simplicité surgit d’une perspective d’espace dans laquelle on ne ressent nullement le besoin de manipuler ses émotions ou de s’en débarasser en les extériorisant, mais où l’on peut y faire face à mesure qu’on les vit. De cette manière, les émotions ne sont plus obstacle, mais source d’une plus grande énergie.

En plus des émotions, nos esprits ont également une faculté de conceptualisation qui semble être un amalgame de panique et de raisonnement logique. Nous vivons dans une insécurité constante et, par conséquent, nous tentons de toujours nous rassurer. Notre esprit a le don de produire des centaines de réponses, des centaines de raisons de se convaincre que ce qu’on fait est correct. Et lorsqu’on enseigne, on impose ce bavardage conceptuel aux autres. Pour nous justifier dans une telle situation, nous parlons beaucoup, nous essayons de tromper nos étudiants. Le bodhisattva est en mesure de voir cette structure extrêmement compliquée du bavardage incessant visant à confirmer le moi. Lorsqu’il a vaincu la paresse de la complaisance émotive au moyen de la simplicité, le bodhisattva est également en mesure de voir à travers la superstructure conceptuelle qui provient des émotions. Aux yeux du bodhisattva, ni les émotions ni l’esprit conceptuel ne sont perçus comme des obstacles. En réalité, rien n’est perçu comme un obstacle et rien n’est considéré comme mauvais ou mal. Tout n’est simplement que le paysage de son voyage. Le bodhisattva voit donc sa vie comme une aventure continue, la perpétuelle découverte d’une nouvelle compréhension. Comme sa notion de voie ne connaît aucune restriction, il développe une immense énergie, une énorme volonté de travailler dur. La paramita de la vigueur n’est donc pas un projet, mais l’expression naturelle et spontanée de l’immensité de la vision du bodhisattva.

La paramita de la méditation

La paramita de la méditation est liée à la méditation en tant que processus naturel, il ne s’agit ni d’un obstacle, ni d’une vertu particulière. Si, lorsque nous méditons, notre bavardage mental nous impatiente, nous fuirons peut-être la méditation : nous nous attendions à une situation pleine de confort et de récompenses, nous sommes donc réticents à travailler avec les irritations qui surgissent constamment. D’un autre côté, nous pouvons devenir très attachés au fait que nous sommes de très bons méditants. Toute expérience de félicité est regardée comme une forme de grâce divine qui prouve que ce qu’on fait est plein de sens. On trouve qu’on peut méditer mieux et plus que n’importe qui. Dans ce cas, on voit la pratique de la méditation comme un championnat. Mais qu’on essaye d’éviter de pratiquer ou qu’on s’attache à la méditation pour se confirmer soi-même, on évite encore la pratique fondamentale de la méditation qui se veut une volonté de travailler sans cesse avec ses propres névroses et son agitation.

La paramita de la connaissance transcendante

La paramita de la connaissance transcendante, c’est une marque d’intérêt pour les enseignements, un intérêt non dogmatique qui ne se fonde pas sur le développement accru du moi. Du point de vue de la connaissance transcendante, tout geste fondé sur le développement du moi ou sur la facilité est hérétique. Une pareille hérésie n’a rien à voir avec le théisme ou l’athéïsme, mais elle prêche la langue du moi, cela serait-il fait au nom du Dharma-du-Bouddha. Même si l’on pratique le Mahayana, on cherche encore peut-être un « moi » comme être fondamental, on se dit : « J’ai encore quelque espoir de développer de gros muscles. Je pourrai avoir d’énormes poumons. Je peux vous montrer que je peux maîtriser mon esprit même si je crois en la tradition Mahayana ». Mais cette approche de l’agent double est extrêmement stupide et impraticable.

Il nous est possible de devenir tellement attachés à la perspective mahayaniste que nous décidions de renoncer au Hinayana et de le décrier. Mais sans la discipline du Hinayana, il n’y a pas de fondement pour le développement du Mahayana. D’autre part, on pourrait devenir très dogmatique et attaché uniquement au Hinayana. Cela semble être une expression de lâcheté : on n’est pas disposé à s’élancer dans le chemin grand ouvert du Mahayana. Par contraste avec ces extrêmes dogmatiques, la paramita de la connaissance transcendante se caractérise par un vif intérêt dans la logique intellectuelle des trois yana : le Hinayana, le Mahayana et la Vajrayana. Cet intérêt, cette curiosité, ne sont pas purement intellectuels, mais sont fondés sur la pratique de la méditation.

Au fond, l’activité du bodhisattva consiste à acquérir de bonnes manières. Même si l’on a ses petits problèmes, on devrait être en mesure d’accueillir les autres. Cela n’a rien à voir avec l’hypocrisie. C’est plutôt une autre sphère d’éveil, un état d’esprit de travail dans lequel on devient hospitalier par-delà les irritations.

Peut-être est-il très important de ne pas pratiquer la compassion idiote lorsqu’on travaille avec les autres, c’est-à-dire essayer d’être toujours gentil. Comme elle manque de courage et d’intelligence, cette gentillesse superficielle nuit plus qu’elle n’aide. C’est comme si un médecin, par apparente bonté, refusait de traiter un patient parce que le traitement pourrait être douloureux, ou comme si une mère ne pouvait supporter la lâche ardue de discipliner son enfant. Contrairement à la compassion idiote, la véritable compassion ne se fonde pas sur la fuite simpliste de la douleur. Elle est sans compromis par son allégeance à la santé fondamentale. Ceux qui distordent la voie, c’est-à-dire ceux qui travaillent contre le développement de la santé fondamentale, devraient être, s’il le faut, remis à leur place sur-le-champ. C’est extrêmement important. Nous devrions essayer d’éliminer toute la duperie possible de façon à enseigner tant à nous-mêmes qu’aux autres. L’échec final du bodhisattva apparaît lorsque, ayant déjà accompli tout le reste, il demeure incapable de dépasser la compassion idiote.

Le vœu de bodhisattva a énormément de pouvoir pour la simple et bonne raison qu’on ne le prononce pas uniquement pour faire plaisir au moi. Il revient à planter la graine d’un arbre à croissance rapide, alors que quelque chose fait pour le moi revient à semer un grain de sable. Planter une pareille graine, ce qui va au-delà de nous-mêmes, sape le moi et mène à une vaste expansion de la perspective. Un tel héroïsme ou un esprit aussi vaste emplit tout l’espace. Dans une perspective si ouverte, rien n’engendre claustrophobie ni timidité. Il reste uniquement une idée d’envergure : aider sans cesse la progression de tous les êtres sentant, aussi nombreux que les atomes dans l’univers, sur la voie de l’illumination.

Note :

(1)       Le terme anglais était « sentient ». L’expression « sentient beings » est généralement traduite par « êtres sensibles » mais le traducteur considère que « être sensible » fait trop penser à sentimental.

Extrait d’une traduction inédite de l’article « The Bodhisattva Vow » paru dans Garuda V (Vajradhatu et Shambala Publications). Le dernier chapitre « la cérémonie elle-même » en a été omis. Nous remercions les Traductions Nalanda et madame Gimian de nous avoir aimablement autorisés à reproduiree ce texte dans ce numéro.

 

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