Reconnaître les attitudes perturbatrices

Thubten Chödron

Pour reconnaître les facteurs perturbateurs qui se manifestent en nous, nous avons besoin d’attention et de vigilance. À partir du moment où nous sommes déterminés à agir, à parler et à penser de manière bénéfique, l’attention nous empêche d’être distraits. La vigilance nous fait prendre conscience de nos actes, de nos paroles et de nos pensées. Lorsqu’elle repère une attitude perturbatrice, elle nous avertit du danger.

La tradition kadampa du bouddhisme tibétain recommande :

Quand vous êtes assis seul, observez votre esprit.
Quand vous êtes en public, observez vos paroles.

Nous avons tant d’occupations que nous ne sommes, bien souvent, pas conscients de ce qui se passe en nous. Nous pensons à tout ce que nous voulons faire et devons organiser, jusqu’à ne plus très bien savoir qui nous sommes du fait que notre attention est toujours dirigée vers l’extérieur. Pour remédier à cela, il est important de se prévoir chaque jour un « moment de calme », pour se détendre et être seul, pour lire des livres intéressants ou simplement s’asseoir et penser. Il est bon de passer en revue tout ce qui s’est passé dans la journée : ce que nous avons fait et pourquoi, ce que les autres ont dit et fait, comment nous avons réagi, ce qui d’après nous a été exprimé et ne l’a pas été.

Ce moment de calme nous donne l’occasion de « digérer » ce que nous avons vécu, d’être conscients de nos pensées et de nos sentiments. Peut-être verrons-nous que nous avons éprouvé de la sympathie pour telle ou telle personne en difficulté, ou que nous ne nous sommes pas sentis blessés dans une situation qui nous aurait autrefois mis mal à l’aise. Nous nous félicitons des progrès que nous avons accomplis pour cultiver des états d’esprit positifs, sans tomber dans la fierté pour autant !

Peut-être découvrirons-nous aussi un sentiment désagréable qui nous poussera à nous demander : « Est-ce que j’étais en colère à ce moment-là ? Est-ce que j’ai fait preuve de jalousie ? d’attachement ? d’orgueil ? d’étroitesse d’esprit ? » En étant honnête envers soi-même, on pourra admettre que l’on a pu avoir des attitudes non objectives et négatives. Inutile de se juger pour autant. Elles sont simplement là. Dans la mesure où nous sommes des êtres ordinaires, il est naturel que des émotions négatives apparaissent de temps en temps. Il n’y a là aucune raison de se sentir coupable ni de les ignorer.

Les émotions désagréables peuvent être dissipées en pratiquant les méthodes expliquées dans ce chapitre. Par exemple, nous remarquons que c’est une mauvaise interprétation de la situation qui a déclenché notre colère. Un examen attentif des choses nous montre bien nos fausses projections. Nous essayons alors de considérer la situation dans une perspective plus réaliste et bienveillante. C’est ainsi que nous ferons disparaître l’émotion désagréable. Ensuite nous pourrons décider d’en être plus conscients à l’avenir, de façon à ne plus donner libre cours, verbalement ou physiquement, à ces attitudes perturbatrices.

Au bout d’un moment, nous verrons que nous sommes plus enclins que d’autres à certaines négativités, ce qui nous incitera à faire preuve d’encore plus de vigilance dans notre vie de tous les jours. Durant notre temps de calme quotidien, nous pouvons nous entraîner à une perspective plus ouverte et emplie de compassion. Cela nous aidera à voir les choses de manière plus positive, et les situations commenceront a nous apparaître autrement. Par la suite, quand des événements de même nature se produiront dans la journée, nous serons plus à même de repérer nos fausses projections et nos attitudes perturbatrices avant même qu’elles ne s’emparent de nous.

En nous libérant des conceptions erronées et en transformant notre état d’esprit, nous apprécierons encore plus la vie tout en œuvrant pour le bien des autres. C’est ainsi que notre vie prendra tout son sens.

Notre personnalité est constituée de multiples aspects qui sont parfois contradictoires entre eux. Nous pouvons être adorables à certains moments, et détestables à d’autres. Parfois notre orgueil nous fera refuser tout conseil, d’autres fois nous serons curieux de connaître l’avis des autres et avides d’apprendre. Notre personnalité n’est pas fixe, en raison de notre nature fluctuante, mais nous pouvons améliorer notre caractère en nous habituant à des attitudes bénéfiques et en perdant nos attitudes néfastes.

Les attitudes perturbatrices ne sont pas inhérentes à ce que nous sommes. Semblables à des nuages voilant l’immensité et la clarté du ciel, elles peuvent changer et disparaître. Et comme elles sont fondées sur des interprétations et des projections erronées, elles ne peuvent se maintenir dès l’instant où nous en prenons conscience. De sorte que plus notre sagesse et notre compassion gagneront du terrain plus les attitudes perturbatrices en perdront.

Extrait de « Cœur ouvert, esprit clair », Thubten Chödron, © Ed. Dangles, 1999.

Thubten Chödron

Nonne américaine ordonnée depuis plus de vingt ans dans la tradition Gélougpa du bouddhisme tibétain, Thubten Chödron est une enseignante très appréciée en Occident et en Orient.

 

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