Définition de l’esprit d’éveil

Gampopa

L’esprit d’éveil est le désir d’atteindre l’éveil authentique et parfait pour le bien des autres. Comme le dit l’Ornement de la réalisation parfaite :
Engendrer l’esprit d’éveil, c’est aspirer à l’éveil authentique et parfait pour le bien des autres.

Les différents niveaux de l’esprit d’éveil

On expose les différents niveaux de l’esprit d’éveil de trois façons : à l’aide de comparaisons, selon les terres des bodhisattvas et selon la nature même de cet esprit d’éveil.

Classification à l’aide de comparaisons

Le sublime Maitreya propose un certain nombre de comparaisons pour illustrer les étapes du développement de l’esprit d’éveil, depuis le niveau des êtres ordinaires jusqu’à celui de bouddha. L’Ornement de la réalisation parfaite les énumère ainsi :

La terre, l’or, la lune, le feu,
Le trésor, la mine de joyaux, l’océan,
Le diamant, la montagne, le remède, l’ami de bien,
Le joyau magique, le soleil, le chant,
Le roi, le coffre à trésor, la grande route,
La monture, la fontaine,
La musique, le fleuve et les nuages
En symbolisent les vingt-deux étapes.

Ces vingt-deux images représentent l’esprit d’éveil, depuis le stade de l’aspiration jusqu’au moment où l’on atteint le corps absolu. Voici comment elles se rapportent aux cinq voies.

L’aspiration est comparable à la terre : elle forme la base de tout ce qu’on peut réaliser de positif. L’intention est comparable à l’or : elle ne s’altérera pas jusqu’à l’éveil. L’intention supérieure est comparable à la lune montante. Avec elle toutes les qualités positives s’accroissent parfaitement. Ces trois stades correspondent aux trois niveaux – petit, moyen et grand – de la voie de l’accumulation des débutants. L’application est comparable au feu : elle consume les voiles qui recouvrent la triple omniscience. Elle correspond à la voie de la jonction. La générosité transcendante est pareille à un grand trésor qui comble les désirs de tous les êtres. La discipline est comme une mine de joyaux : elle sert de support aux précieuses qualités. La patience ressemble au grand océan : nul événement désagréable ne peut la troubler. Le courage est comme le diamant, si dur que rien ne peut le détruire. La concentration est comparable à la reine des montagnes : elle est inébranlable car rien ne la distrait de son objet. La connaissance est le remède qui dissout les voiles émotionnels et les voiles cognitifs. La méthode est comparable à un ami de bien : rien ne peut la détourner du bien des êtres. La prière est comme le joyau magique : elle exauce tous les souhaits. La force ressemble au soleil : elle fait parfaitement mûrir tous les êtres à secourir. La sagesse transcendante est comme la mélodie du Dharma ; elle prodigue des enseignements qui inspirent les êtres.

Ces dix vertus transcendantes correspondent respectivement à joie Suprême et aux neuf autres terres des bodhisattvas. Elles constituent le champ de pratique des voies de la vision et de la méditation.

La clairvoyance est comparable à un grand roi : grâce à son pouvoir sans entrave elle accomplit le bien d’autrui. Les mérites et la sagesse sont comme des coffres à trésor : ils recèlent de nombreuses richesses accumulées.

Les auxiliaires de l’éveil évoquent une grande route que les êtres sublimes ont empruntée ou emprunteront. La compassion et la vision profonde sont comparables à un coursier : elles permettent de progresser facilement sans tomber dans le samsara ni dans le nirvana. Le pouvoir de garder en mémoire et l’assurance sont comme une fontaine : renfermant le Dharma entendu ou non entendu, ils sont inépuisables.

Ces cinq qualités correspondent à la voie spéciale des bodhisattvas.

Le jardin du Dharma est comme une musique agréable qui résonne mélodieusement aux oreilles de ceux qui aspirent à la libération.

La voie unique est comparable à un fleuve : elle œuvre au bien des autres sans interruption.

Le corps absolu est comparable aux nuages : les activités destinées au bien des êtres, tel le fait de résider dans le paradis de Tushita et les autres actes du Bouddha, en découlent toutes.

Ces trois dernières images correspondent au niveau de bouddha.

Ces vingt-deux comparaisons représentent donc bien toutes les étapes de l’esprit d’éveil, du niveau de débutant à celui de bouddha.

Classification de l’esprit d’éveil selon les terres des bodhisattvas

On distingue quatre étapes dans la production de l’esprit d’éveil – au niveau de la pratique en aspiration, l’esprit d’éveil est une “aspiration” ; de la première à la septième terre, c’est une “intention supérieure” ; aux huitième, neuvième et dixième terres, il est “parvenu à maturité parfaite” ; au niveau de bouddha, il est “affranchi de tout voile”.

L’Ornement des soutras :

L’esprit d’éveil se divise aussi
En aspiration, intention supérieure,
Maturité parfaite
Et affranchissement de tout voile.

Classification de l’esprit d’éveil selon sa nature

L’esprit d’éveil peut être absolu ou relatif, ainsi qu’on lit dans le Soutra qui élucide la pensée du Bouddha avec certitude : Il y a deux formes d’esprit d’éveil : l’esprit d’éveil absolu et l’esprit d’éveil relatif. Qu’est-ce que l’esprit d’éveil absolu ? C’est la vacuité qui a pour cœur la compassion : lumineuse, immuable et libre de toute élaboration conceptuelle. Le même soutra l’explique :

L’esprit d’éveil absolu transcende le monde ; il est libre de toute élaboration conceptuelle et parfaitement lumineux ; ayant pour objet la vérité absolue, il est immaculé, immuable, extrêmement clair, telle la flamme continue d’une lampe dans un lieu sans vent.

Qu’est-ce que l’esprit d’éveil relatif ? Le même soutra le décrit ainsi :

L’esprit d’éveil relatif est le serment que l’on prête par compassion, de libérer du samsara tous les êtres.

L’esprit d’éveil absolu s’atteint naturellement alors que l’esprit d’éveil relatif, selon l’Ornement des soutras, doit être adopté de façon correcte et se transmet à l’aide de signes. A quel stade connaît-on l’esprit d’éveil absolu ? À partir de la première terre des bodhisattvas, joie Suprême. C’est ce qui apparaît dans le commentaire de l’Ornement des soutras :

Puisque la production de l’esprit d’éveil absolu a lieu à partir de la première terre de bodhisattva, joie Suprême ( … )

L’esprit d’éveil relatif présente deux aspects : l’aspiration et l’engagement. La Marche vers l’éveil déclare :

Pour être bref, sachez
Que l’esprit d’éveil a deux aspects
L’aspiration et l’engagement.

La différence entre ces deux aspects a donné lieu à de nombreuses interprétations divergentes. Selon maître Shantideva, qui appartient à la lignée transmise par le sublime Manjushri à maître Nagarjuna, l’aspiration n’est autre que l’intention d’atteindre la parfaite bouddhéité. Elle est comparable au désir de partir en voyage. L’engagement, qui est la mise en œuvre des moyens d’atteindre la bouddhéité, correspond au voyage lui-même. On lit dans la Marche vers l’éveil :

De même qu’il connaît la différence
Entre vouloir partir et partir pour de bon,
Le sage se devra de connaître dans l’ordre
La différence entre ces deux esprits d’éveil.

Selon le vénéré Dharmakirti, qui appartient à la lignée transmise par le sublime Maitreya à maître Asanga, l’aspiration consiste à penser : “Pour le bien de tous les êtres, j’atteindrai la parfaite bouddhéité.” C’est le serment d’atteindre le fruit. L’engagement consiste à penser : “je m’entraînerai aux six vertus transcendantes qui conduisent à la bouddhéité”. C’est la promesse de pratiquer la cause. Le Condensé de l’Abhidharma exprime un point de vue similaire :

Il y a deux façons d’engendrer l’esprit d’éveil, l’une ordinaire et l’autre éminemment noble. La façon ordinaire de l’engendrer consiste à penser : Puissé-je atteindre la bouddhéité absolument parfaite dans l’insurpassable éveil authentique et parfait ! La façon éminemment noble consiste à penser : Puissé-je totalement parfaire les vertus transcendantes, de la générosité à la connaissance.

Extrait de « Le précieux ornement de la libération » © Padmakara

 

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