Le rôle d’une femme dans le Dharma

Milarépa

Instructions de méditation de Milarépa à la jeune Pèldarboum qui lui en fait la requête

Milarépa se rend pour méditer au Nord du Tibet. Arrivant dans un village, il rencontre un groupe de paysans qui moissonnent, dirigés par une jeune fille. Il leur mendie un peu de nourriture, et la jeune fille l’invite à se rendre chez elle. Il y rencontre la mère, acariâtre et grincheuse, qui ne veut pas le recevoir. Milarépa, plein de bonté pour elle, lui montre la situation dans laquelle elle se trouve, et lui donne des conseils pour pratiquer le Dharma, comme remède. La vieille femme s’adoucit. Milarépa reçoit de nombreuses offrandes, dit qui il est. La jeune fille, se réjouissant de recevoir le grand yogi, lui demande de parler de la lignée de transmission des enseignements et de sa propre pratique. Il explique donc son ascendance spirituelle, la façon de s’en remettre à un maître, et les premières instructions pour entrer dans la voie. A chacun de ses chants, la confiance de la jeune fille grandit. Elle lui fait part à son tour de ses occupations habituelles, de ses propres fautes, et de son aspiration à le suivre et à pratiquer le Dharma en le servant. Milarépa, sentant sa loyauté, l’exhorte d’une façon générale à renoncer aux activités vulgaires qui lui dérobent le loisir de pratiquer, et à développer les qualités indispensables pour suivre la voie spirituelle. Finalement, elle le prie de lui donner une instruction à méditer.

La requête lui ayant été présentée avec sincérité, Milarépa en fut grandement réjoui.

– Pourvu que vous pratiquiez loyalement, vous n’avez pas besoin de changer de nom dans notre tradition, dit-il. Et puisque l’on peut se purifier sous une belle tignasse, vous n’avez pas besoin non plus de couper vos cheveux ni de transformer votre habit.

 

Comme instruction à méditer, il chanta le but et les quatre exemples à garder en l’esprit :

Méditez l’espace, le soleil et la lune, la montagne, l’océan et votre esprit

O précieuse Pèldarboum

Riche de la foi que vous possédez !

 

Prenez en exemple l’espace,

Méditez l’absence de centre et de limite !

 

Prenez l’exemple de soleil et lune,

Méditez sur la clarté sans ombre !

 

Prenez la montagne en exemple,

Méditez ce qui ne bouge ni ne s’altère !

 

Prenez en exemple l’océan,

Méditez les profondeurs insondables !

 

Avec le but en l’esprit,

Méditez sans avidité ni mépris !

 

Ayant ainsi chanté, le Jetsun montra à la jeune fille les attitudes essentielles du corps et de l’esprit. Elle s’installa en méditation. En elle apparurent des expériences et des réalisations sages. Afin de révéler ses doutes, afin de mettre à jour les obstacles, elle offrit au Maître cette prière :

 

O Seigneur Vénérable,

Corps d’émanation parfaitement né !

 

Je suis heureuse de contempler l’espace,

Mais un peu déconcertée

par les nuages sombres.

Instruisez-moi sur eux !

 

Je suis heureuse de contempler lune et soleil,

Mais un peu déconcertée

par étoiles et planètes.

Instruisez-moi sur elles !

 

Je suis heureuse de contempler la montagne,

Mais un peu déconcertée par la végétation.

Instruisez-moi sur elle !

 

Je suis heureuse de contempler l’océan,

Mais un peu déconcertée par ses vagues.

Instruisez-moi sur elles !

 

Je suis heureuse de contempler mon esprit,

Mais un peu déconcertée

par son imagination.

Instruisez-moi sur elle !

 

Milarépa, pensant qu’elle avait expérimenté la méditation, fut vraiment joyeux. Pour lui répondre et afin de tirer profit des obstacles, de les dissiper, il chanta :

 

Les nuages sont une merveille de l’espace, restez dans l’ouverture du Dharmakaya !

O précieuse Pèldarboum

Vous qui êtes riche de foi, écoutez !

Heureuse, vous méditer le ciel,

Les nuages pourpres en sont une merveille.

Restez dans le monde propre à l’espace !

Etoiles et planètes sont le mystère des astres, restez dans la luminosité du Samboghakaya !

Heureuse, vous méditez lune et soleil,

Etoiles et planètes en sont le mystère.

Restez dans le monde propre des astres !

La flore est le prodige de la montagne, restez dans l’infinitude du Nirmanakaya !

Heureuse, vous méditez la montagne,

La flore en est le prodige.

Restez dans le monde propre de l’altitude !

Les vagues sont le charme de l’océan, restez dans l’esprit sans fondement !

Heureuse, vous méditez l’océan,

Les vagues en sont le charme.

Restez dans le monde propre des flots !

L’imagination est le signe de votre esprit, restez dans le Mahamudra !

Heureuse, vous méditez votre esprit,

L’imagination en est le signe.

Restez dans le monde propre à l’esprit lui-même !

Après qu’il eut parlé, Pèldarboum médita et établit solidement la nature de la vraie réalité de l’esprit. Plus tard, elle mourut, et avec ce corps même, accompagnée de musique, elle partit pour la sphère de la béatitude.

 

* Extrait des « Cent mille chants » © Librairie Arthème Fayard, (Paris, 1986). Une présentation de cet ouvrage se trouve dans la bibliographie.

 

<<Retour à la revue