Le Flambeau de la voie vers la libération

Instructions sur les pratiques de la pacification de l’esprit (sanscrit : shamatha ; tibétain : chiné), et de la vision supérieure (sanscrit : vipashyana ; tibétain : lhaktong

Déchoung Rinpoché

Ce manuel de méditation sur chiné-lhaktong intitulé « Le flambeau de la voie de la libération », a été compilé en regroupant les paroles de grands maîtres d’antan, par le très simple yogi appelé Kunga Tenpé Nyima, trulkou de Déchoung Lounrig (Déchoung Rinpoché, un très grand lama et érudit sakyapa, ami et disciple de Kyabdjé Kalou Rinpoché), pour aider la pratique de ses amis du dharma de Kagyu Kunkhyab Tcheu-Ling (à Vancouver au Canada). Puissent, par cette vertu, tous les êtres obtenir rapidement la connaissance primordiale omnisciente !

Hommage au Lama et à Manjushri

Introduction

Pour réaliser l’état de bouddha, il est nécessaire d’étudier et pratiquer les six perfections

Pour obtenir l’état de parfait bouddha, le but vers lequel tendent les êtres qui ont eu le bon karma d’entrer en l’insurpassable voie spirituelle, il est nécessaire d’apprendre, par l’étude directe et indirecte, les actes de bodhisattvas que sont les six perfections (paramita) : la générosité, la discipline, la patience, l’énergie, la méditation et la connaissance transcendante.

Chiné-shamatha et lhaktong-vipashyana concernent la pratique des deux dernières vertus

Parmi celles-ci, le moment venu, il faut étudier, puis méditer l’état de pacification mentale (tibétain : chiné, écrit : zhi gnas ; sanscrit : shamatha) (1) qui constitue l’essentiel de la perfection de la méditation ; et aussi étudier et méditer la vision supérieure (tibétain : lhaktong, écrit : lhag mthong ; sanscrit : vipashyana) (2) qui est l’essentiel de la perfection de la connaissance transcendante. Je vais donc expliquer succinctement comment conduire ces pratiques.

Trois approches possibles de chiné-lhaktong conviennent aux différentes aptitudes

Pour développer ces méditations de shamatha et vipashyana, il y a trois approches qui sont :

– Méditer sur chiné puis sur lhaktong,

– Méditer sur lhaktong puis sur chiné,

– Méditer sur les deux conjointement dès le début.

Ceux qui ont un bon karma, qui ont confiance en un maître spirituel et qui sont dotés de persévérance et d’intelligence, pourront réaliser ces méditations facilement quelle que soit l’approche suivie. Pour eux, la méthode n’a donc pas d’importance. Par contre, ceux qui ont des aptitudes moindres devront d’abord et pendant longtemps développer un repos paisible (chiné) sans défaut et stable, car ils n’auraient pas, de prime abord, l’aptitude nécessaire pour méditer avec succès sur la perfection de la connaissance transcendante (c’est-à-dire lhaktong).

Une autre approche utilise une forme de lhaktong analytique et conceptuel

Une autre approche consiste à développer l’expérience d’un point de vue philosophique (c’est-à-dire une forme de lhaktong analytique et conceptuel) analytique et conceptuel, puis à développer sur cette expérience l’état de repos paisible (chiné) ; chiné et lhaktong se pratiquent alors conjointement. Cette méthode fut aussi enseignée comme ayant certains avantages pour diriger facilement des disciples et leur faire aisément découvrir l’expérience méditative.

Le Bouddha et bien des grands maîtres conseillèrent de méditer sur chiné avant lhaktong

Le Guide compatissant (le Bouddha) dans les sutra expliquant sa pensée définitive et ailleurs, ainsi que le grand Acarya Asanga (Thomé) dans le Bodhisattvabhumi (Djangsa) et le Shravakabhumi (Nyènsa), Jñanagarbha (Yéché Nyingpo) dans le Madhyamakahridayakarika (Ouma Nyingpo), Shantideva (Chiouélha) dans le Bodhicaryavatara (Tcheudjouk), Kamalashila dans ses trois traités de méditation et Atisha (Djowodjé) dans le Bodhipathapradıpa (Djangtchoub Lamdreun), ont conseillé de chercher d’abord l’état de pacification de l’esprit (chiné) puis de méditer sur la vision supérieure (lhaktong).

Chiné est la base la plus importante des yogis–du Hinayana au Paramitayana et Vajrayana

Cet état de pacification de l’esprit (chiné) est le fondement nécessaire aux yogis, bouddhistes et non bouddhistes, pour abandonner les émotions conflictuelles. C’est de plus une méditation qui doit être accomplie par n’importe quel yogi du Hinayana ou du Mahayana. Dans le Mahayana même, tous les yogis du Vajrayana comme du Paramitayana (3) doivent pratiquer chiné. Cette pratique est la base la plus importante pour tous les yogis qui parcourent la voie spirituelle.

Pacifier l’esprit (chiné) est un point très important à notre époque des cinq dégradations

En notre époque (dégénérée) des cinq dégradations (4), méditer d’abord la pacification de l’esprit (chiné) est un point très important pour ceux qui, comme moi, aspirent à orienter leur esprit vers la méditation.

Deux métaphores (de la lune et de la lampe) expriment la complémentarité chiné-lhaktong

(Ceci peut se comprendre par les analogies) du reflet de la lune qui n’est pas clair dans de l’eau agitée, ou tout comme pour dissiper l’obscurité et distinguer des fresques, il faut à la fois la clarté d’une lampe et l’immobilité de l’air, (ce sont là des exemples de la complémentarité de chiné et de lhaktong, ainsi que de la nécessité du repos de l’esprit développé dans chiné qui est illustré par l’absence d’agitation de l’eau, ou l’immobilité de l’air ; ce repos permet la réflexion claire de la lune ou la brillance de la lampe, qui permet à son tour la « vision claire » de la lune ou des fresques. Cette vision correspond à l’expérience de lhaktong).

De même, un esprit qui n’est pas un seul instant sans pensée (c’est-à-dire qui n’a pas cette expérience de chiné) ne pourra pas découvrir la connaissance primordiale de la vision supérieure (lhaktong). Et quand bien même lui arriverait-il de la saisir grossièrement, celle-ci ne pourrait pas être quelque chose de stable.

1. CHINE

A. Les circonstances favorisant le développement de la méditation

Un état d’isolement, peu de désirs, de besoins et de cogitations, une discipline juste

Les débutants ne peuvent pas d’emblée développer la méditation de chiné car des distractions sont mêlées à leur pratique. Ils ont besoin d’un état d’isolement du corps et de l’esprit. Pour cela, il leur est nécessaire d’utiliser les six facteurs favorables au repos paisible (chiné) qui sont :

– De demeurer dans un lieu propice (c’est-à-dire principalement calme),

– D’avoir peu de désirs,

– De savoir se contenter de ce que l’on a,

– D’abandonner les distractions, les activités nombreuses,

– D’avoir une discipline juste (en corps, parole, et esprit),

– D’abandonner les cogitations qui entretiennent le désir et d’autres passions.

Pour méditer l’état de chiné, il faut identifier les cinq fautes et utiliser les huit remèdes

Une fois que nous demeurons dans cet état d’isolement, pour méditer en l’état d’absorption méditatif (de chiné), il faut :

1° Identifier les cinq fautes dont il faut se débarrasser, puis

2° Utiliser les huit actions remèdes qui permettent de les abandonner.

Il y a six ‘forces’ de la pratique méditative et quatre types de positionnement du mental

C’est alors au moyen des six « forces » de la pratique que nous cherchons à développer l’état de repos paisible (chiné). Nous traversons ainsi neuf étapes de repos passager de l’esprit qui correspondent à quatre types de positionnement du mental durant la méditation.

Chiné est réalisé au terme de neuf étapes de repos et cinq degrés d’expérience méditative

De notre entraînement dans la pratique, naissent progressivement cinq degrés d’expérience méditative, et nous réalisons finalement l’état de pacification de l’esprit (chiné) extrêmement pur (6).

B. Les fautes dans la méditation

Cinq fautes en méditation : paresse-oubli-torpeur-agitation-manque/excès d’intervention

Les cinq fautes qui empêchent de réaliser la méditation (de chiné) sont :

1° La paresse

C’est-à-dire l’attitude en laquelle l’esprit n’entre pas en contact avec les vertus de la pratique.

2° L’oubli

Même si l’esprit entre en contact avec la pratique, il oublie les instructions de méditation.

3° La torpeur et l’agitation

Même s’il n’oublie pas les instructions, il ne reste pas en place, c’est l’agitation ; ou bien il est opaque et engourdi, c’est la torpeur.

4° Le manque d’intervention

Quand l’esprit est parti dans la torpeur ou l’agitation, c’est ne pas appliquer le remède qui permettrait de les éliminer.

5° L’excès d’intervention

C’est appliquer de trop nombreux remèdes. Cette intervention excessive empêche l’esprit de rester en place.

C. Les remèdes

1° Les remèdes à la paresse :

Quatre remèdes à la paresse : aspiration, effort, confiance et l’état d’extrême pureté

Les huit remèdes permettant d’abandonner les cinq fautes sont les suivants :

Il y a quatre remèdes à la paresse qui est la première chose à abandonner, ce sont :

– L’aspiration qui nous fait tendre vers la méditation,

– L’effort qui nous fait être énergique pendant celle-ci,

– La confiance qui nous fait entrevoir ses qualités,

– L’état méditatif extrêmement pur (5), qui est le résultat des efforts.

(L’aspiration fait tendre vers l’état de méditation et l’effort consiste à rester en celui-ci. La confiance est à l’origine de l’aspiration ; quant à l’état méditatif d’extrême pureté, il est le fruit des efforts).

Parmi ces remèdes à la paresse, le principal est l’effort : en fait, il s’agit d’avoir de l’énergie ! La paresse étant le premier obstacle à la méditation, il nous faut l’abandonner et développer de l’énergie en gardant présents à l’esprit le caractère insatisfaisant de l’existence conditionnée, la difficulté d’obtenir l’existence humaine libre et qualifiée (c’est-à-dire qui est dotée des libertés et des qualifications qui la rendre propre à la pratique du dharma), l’impermanence et la mort.

2° Les remèdes à l’oubli (des instructions pendant la méditation)

Deux remèdes à l’oubli : le souvenir-rappel et la clarté vive et lucide de l’esprit absorbé

Lorsque nous faisons des efforts en méditation, oublier les instructions est une faute, dont le remède est le souvenir-rappel (tibétain : drènpa, écrit : dren pa). Celui-ci ne consiste pas seulement à ne pas oublier l’objet médité : il faut, de plus, que l’esprit y reste complètement et exclusivement absorbé, qu’il soit bien vif, et en ait une connaissance précise et soutenue.

3° Les remèdes à la torpeur et à l’agitation

Le remède général à la torpeur et à l’agitation est la vigilance attentive, chéchine

Lorsque nous demeurons absorbé en la méditation, la torpeur et l’agitation sont des fautes. Leur remède est la vigilance attentive (tibétain : ché chine ; écrit : shes bzhin). Avec cette vigilance attentive, nous examinons bien si l’esprit s’engourdit, s’il s’agite, ou si ce n’est pas le cas.

Ceux qui ont d’excellentes facultés pour la méditation reconnaîtront la torpeur et l’agitation dès qu’elles commencent à apparaître et ils pourront les éliminer aussitôt. Ceux qui ont pour la méditation des facultés moyennes pourront les reconnaître et les abandonner tout de suite après leur apparition. Même ceux qui ont des facultés moindres les reconnaîtront peu de temps après leur apparition et devront alors les éliminer.

Autres remèdes : pour torpeur la présence lucide, pour agitation l’état de repos méditatif

(D’une façon générale, l’esprit), dans la méditation de chiné, doit avoir deux qualités :

– Une présence lucide,

– Un état de repos en lequel il reste complètement absorbé en son sujet de méditation.

La première qualité est interrompue par la torpeur. La seconde est interrompue par l’agitation.

Nécessité de reconnaître les formes subtiles et grossières de la torpeur et de l’agitation

Les principaux obstacles à la réalisation d’une méditation parfaite ont leurs origines dans l’apparition de la torpeur et de l’agitation. (Il faut savoir) reconnaître leurs formes grossières et subtiles, car il a été enseigné qu’il n’est pas possible de développer le repos paisible (chiné) sans savoir y mettre fin, et a fortiori, cela va sans dire, pour la vision supérieure (lhaktong) !

La méditation nécessite le souvenir-rappel (drènpa) et l’attention-vigilance (chéchine)

(Dans cette perspective), la méditation nécessite deux éléments :

– Un moyen pour que l’esprit ne soit pas distrait pas du sujet de méditation.

– Une connaissance qui reconnaisse « comment » est l’esprit : s’il est distrait ou non.

Le moyen est le souvenir-rappel (drènpa (6)). La connaissance est l’attention-vigilance (chéchine (7)).

Si le souvenir-rappel (drènpa) de la méditation se détériore, nous oublions l’objet de la méditation et aussitôt que nous sommes ainsi distraits, la méditation est détruite. De ce fait, ce souvenir-rappel (drènpa) qui permet de ne pas oublier l’objet de la méditation est la racine (de la pratique). Il est enseigné de placer l’esprit sur cet objet et de s’en souvenir (drènpa) continuellement sans la moindre distraction : quand nous sommes distrait, la simple apparition de la distraction détruit le souvenir (drènpa) (de la méditation).

OPACITE, TORPEUR ET AGITATION
Différences de degrés, plus ou moins grossiers ou subtils, de l’opacité et de la torpeur

Voyons maintenant quelles sont les différences entre opacité–torpeur et agitation.

a) L’opacité et la torpeur :

– L’opacité ou l’engourdissement est cet état en lequel l’objet de méditation n’est plus clair et en lequel le corps et l’esprit sont dans un état de lourdeur et de somnolence.

– La torpeur grossière est comme l’obscurité s’abattant sur l’esprit. (Dans cet état), même si l’esprit ne s’égare pas vers quelque chose d’autre que le support de méditation, il n’est plus ni clair ni lucide et la force du souvenir-rappel (drènpa) s’affaiblit.

– La torpeur subtile est cet état en lequel même si l’esprit reste clair et lucide, la précision de sa connaissance soutenue et alerte du support de méditation s’est un peu relâchée.

Les remèdes adjuvants

Les remèdes à cela sont :

– De considérer les qualités des Trois joyaux (cette considération est stimulante pour la confiance, la joie, l’enthousiasme… et l’esprit d’une façon générale) ;

– De produire dans l’esprit des caractéristiques lumineuses (par exemple : d’imaginer que notre esprit baigne dans une immense clarté extrêmement vive) ;

– Et (de suivre) les instructions concernant le mélange du souffle-esprit et de l’espace, (par exemple d’imaginer que l’esprit fait corps avec le souffle qui se fond lui-même en un espace ouvert à l’infini).

b) L’agitation :

L’agitation subtile et ses remèdes (adjuvants de drènpa et chéchine)

– L’agitation subtile (est cet état en lequel) l’esprit ne reste pas immobile sur le support de méditation et se disperse un petit peu.

Le remède est de méditer en utilisant le souvenir-rappel (drènpa) et l’attention vigilante (chéchine) (7).

– L’agitation grossière (est cet état en lequel), même si nous utilisons ce souvenir-rappel et cette attention vigilante, l’esprit ne reste pas en place et part vers des objets d’attachement.

Les remèdes sont alors :

– De méditer sur l’impermanence, sur les trois existences inférieures, et sur les souffrances du samsara (ce qui favorise le non-attachement aux objets, qui sont sources d’agitation) ;

– D’appliquer les instructions qui coupent court à l’agitation avec des moyens puissants, (par exemple de méditer sur un globule sombre, terne et très pesant qui, à partir de notre cœur, descend lentement par delà nos limites corporelles. L’esprit fait alors corps avec le globule et le suit en descendant doucement et progressivement).

4° Les remèdes à l’absence d’intervention

L’absence et l’excès d’intervention nécessitent un équilibrage des remèdes adaptés

Lorsque de la torpeur ou de l’agitation sont apparues, ne pas réagir est une faute. Le remède est d’en prendre connaissance dès leur apparition et d’utiliser les activités qui les éliminent (les remèdes mentionnés précédemment). Alors, si l’esprit est dans un état de prise de connaissance trop vive du support, il est lucide mais très agité et il lui sera difficile d’obtenir l’état de repos ; et (vice-versa) si sa tension n’est pas assez soutenue et s’il se détend trop, bien qu’il trouve le repos, la torpeur est grande et il lui sera difficile d’obtenir la lucidité. Pour ces raisons, nous évaluons notre état d’esprit : si nous constatons que de l’agitation se développe quand nous augmentons dans une certaine mesure l’intensité de l’attention, nous nous détendons un peu. Puis, si nous constatons que si nous laissons l’esprit à lui-même il glisse dans la torpeur, nous augmentons un peu (l’intensité de l’attention). Ayant trouvé la juste mesure entre ces deux tendances, nous cherchons l’état de repos de l’esprit en le laissant en équilibre à l’écart de toute perturbation. Quand l’état de repos est apparu, si nous craignons par moments de sombrer dans la torpeur, nous développons de nouveau la lucidité d’un esprit bien présent. Nous entretenons la pratique en alternant ces deux phases, et ainsi une méditation sans défaut se développe. Elle ne doit pas consister seulement en un état d’esprit sans trouble, car s’il manque à celui-ci la lucidité vive produite par une prise de conscience précise, cet état, à lui seul, ne conduira pas à la stabilité mentale.

5° Les remèdes à un excès d’intervention

Quand (comme il vient d’être expliqué) même les formes subtiles de torpeur et d’agitation ont cessé, intervenir alors que l’esprit entre dans une certaine continuité de méditation est une faute. Le remède est alors de ne plus agir avec les antidotes contre la torpeur et l’agitation et de laisser l’esprit détendu en un état d’équilibre équanime.

D. Les forces, les étapes, les actes mentaux et les expériences

1° Les six forces

Les six forces sont : l’écoute, la réflexion, drènpa, chéchine, l’effort, l’habitude parfaite

Quand nous accomplissons cette méditation (de shamatha) suivant ces méthodes, il faut avoir les six forces de la pratique :

– La force de l’écoute (de l’étude de l’enseignement, c’est ici sa première mise en pratique),

– La force de la réflexion (sur l’enseignement, c’est ici le début de son assimilation),

– La force du souvenir-rappel (drènpa),

– La force de la vigilance attentive (chéchine),

– La force de l’effort assidu (énergie enthousiaste),

– Et la force de l’habitude parfaite.

(Attention, dans le passage qui suit, l’ordre de certains paragraphes du texte tibétain a été légèrement modifié pour améliorer l’intelligibilité).

2° Les neuf étapes

Neuf étapes amènent l’esprit au repos par la pratique des six forces

La pratique de ces six forces fait progresser la méditation de chiné selon neuf étapes qui amènent l’esprit au repos, elles s’appellent :

– Positionnement de l’esprit,

– Positionnement de l’esprit avec une durée,

– Positionnement de l’esprit avec retour,

– Positionnement parfait de l’esprit,

– Maîtrise de l’esprit,

– Pacification de l’esprit,

– Pacification complète de l’esprit,

– Absorption unifiée de l’esprit,

– État de complète absorption équanime de l’esprit.

3° Les quatre actes mentaux

Quatre actes mentaux permettent d’entrer dans les états méditatifs de chiné : attention soutenue, attitude de ‘couper court’, sans avoir à ‘couper court’, sans aucune contrainte

(Les actes mentaux sont quatre attitudes de l’esprit par lesquelles on pénètre dans les états méditatifs des différentes étapes de la pacification de l’esprit [chiné] ; ils évoluent au fur et à mesure de la progression).

Ce sont :

– L’acte mental qui consiste à entrer en méditation avec une attention soutenue,

– L’acte mental qui permet d’entrer en méditation en « coupant court » (aux distractions),

– L’acte mental qui permet d’entrer en méditation sans même avoir à « couper court »,

– L’acte mental qui permet d’entrer en méditation sans aucune contrainte.

4° Les neuf étapes en relation aux six forces

Neuf étapes reliées aux forces : écoute-réflexion-drènpa-chéchine-effort-habitude parfaite

a) Par l’écoute (se développe la première étape), dite de « placement ou de positionnement de l’esprit » (en la méditation).

b) Par la réflexion (se développe la deuxième étape), dite de « positionnement de l’esprit avec une durée ».

c) Par le souvenir-rappel (drènpa) (se développent la troisième étape de) « positionnement de l’esprit avec retour » et (la quatrième étape) : « positionnement parfait de l’esprit ».

d) Par l’attention vigilante (chéchine) (se développent la cinquième étape de) « maîtrise de l’esprit » et (la sixième étape) de « pacification de l’esprit ».

e) Par l’effort assidu (se développe la septième étape de) « Pacification complète de l’esprit » et (la huitième) d’« absorption invariable de l’esprit ».

f) Par l’habitude parfaite de la pratique (se développe la neuvième étape) : l’«état de complète absorption équanime ».

5° Les neuf étapes en relation aux quatre actes mentaux

Neuf étapes sont en relation aux quatre actes mentaux

Les deux premières étapes sont la période du premier acte mental ; puis jusqu’à la septième, c’est le second. À la huitième correspond le troisième et à la neuvième le quatrième.

6° Les cinq expériences

Cinq types d’expériences apparaissent le long des neuf étapes de la progression de chiné

Les neuf étapes sont parcourues suivant la progression des cinq types d’expériences suivantes :

a) L’expérience « d’agitation ».

L’esprit y est comparé à la chute d’eau d’une cascade.

b) L’expérience « d’acquisition ».

L’esprit y est comparé à un cours d’eau dans une gorge étroite.

c) L’expérience « d’habitude ».

L’esprit y est comparé au tourbillon de la convergence de ruisseaux.

d) L’expérience de « stabilité ».

L’esprit y est comparé à un océan avec des vagues.

e) L’expérience « finale »,

L’esprit est comparable à un océan sans vague.

E. Les instructions pratiques correspondant à la progression

1° Au long des neuf étapes de la pacification de l’esprit (shamatha)

PREMIÈRE ÉTAPE

La première étape, celle du « positionnement de l’esprit », doit avoir quatre éléments :

– Un support de méditation immobile,

– L’immobilité du corps,

– Les yeux sans cillement (ni tension),

– Une expérience claire de l’aspect du support de méditation.

a) « Un support de méditation immobile »

Dans un lieu isolé et agréable, nous plaçons devant nous quelque chose – une représentation du Bouddha, dessinée ou autre, qui soit jolie et plaisante, ou bien nous pouvons utiliser un objet qui ne choque pas les yeux, une fleur ou une pièce d’étoffe bleue etc. Nous plaçons ainsi ce qui nous convient, immobile devant nous à une distance moyenne. Bien que de nombreux supports de méditation furent énoncés, poser l’esprit sur une représentation du Bouddha est un rappel de celui-ci et fait obtenir des bienfaits incommensurables ; c’est un support de méditation remarquable pour purifier les voiles de l’esprit et se remémorer le Bouddha au moment de la mort. Si nous méditons suivant le Vajrayana, il existe aussi dans le yoga de la divinité des méditations remarquables qui ont de nombreux avantages. Dans celles-ci, nous ne méditons pas sur le corps de la divinité (en le considérant) comme une image ou une statue, mais en apprenant à le faire apparaître comme étant l’aspect véritable du bouddha. L’esprit se pose sur celui-ci non pas en tant qu’objet de connaissance sensorielle, mais en tant qu’objet de connaissance mentale. Ainsi, l’esprit peut être posé sur des formes quelconques. Il peut aussi dénombrer les inspirations et les expirations, ce qui est une méthode enseignée comme particulièrement bienfaisante, remarquable pour purifier les voiles de l’esprit et allonger la vie (8).

b) « L’immobilité du corps »

Dans chiné, la posture corporelle et la façon de poser le regard sont importantes ; (les sept points de la posture sont 🙂

– Les jambes sont dans la posture du vajra (vajrasana),

– Les mains sont posées dans le mudra de méditation, quatre largeurs de doigts au-dessous du nombril,

– La colonne vertébrale est droite comme une flèche,

– Le buste est dégagé,

– Le menton est replié reposant sur la pomme d’Adam,

– Les lèvres ne sont ni ouvertes, ni pincées ; la langue touche le palais. Elles restent telles quelles, détendues.

– Les yeux reposent mi-ouverts, détendus, en l’espace, huit largeurs de doigts en avant du nez.

La respiration continue d’aller et de venir, mais elle n’est ni sonore, ni rauque ou agitée. Nous inspirons insensiblement, lentement, doucement, de façon naturelle et expirons de même.

Il faut rester comme il vient d’être dit sur un coussin de méditation confortable, droit et immobile, en respectant tous les points de la posture de méditation.

c) « Les yeux sans cillement »

La paupière supérieure recouvrant à peu près la moitié de l’iris, les yeux sont posés détendus, tout en douceur, sur le support de méditation. Si des larmes viennent, nous ne les essuyons pas avec la main et les laissons couler librement. Si le regard devient pénible, nous ne fixons pas l’esprit (sur cette difficulté) et le laissons fermement dirigé vers le support de méditation.

d) « Une expérience claire de l’aspect du support de méditation »

Sans concevoir ni juger l’objet de méditation comme étant bon ou mauvais, ou quoi que ce soit, nous laissons apparaître son aspect dans la clarté limpide d’un esprit sans concept.

DEUXIÈME ÉTAPE

« Positionnement avec une durée » : la méditation précédente ne dure pas longtemps, au début. Lors de la deuxième étape, l’esprit commence à rester de telle sorte que les brefs instants de méditation prennent un peu de durée.

TROISIÈME ÉTAPE

« Positionnement avec retour » : quand une distraction est apparue, elle est reconnue comme telle et l’esprit reprend contact avec le support de la méditation.

QUATRIÈME ÉTAPE

« Positionnement parfait » : le souvenir-rappel réunit alors l’esprit sur le support de méditation de sorte qu’il ne se disperse plus.

CINQUIÈME ÉTAPE

« Maîtrise » : l’esprit est heureux des bienfaits de la méditation, ce qui lui permet, si de la torpeur ou de l’agitation apparaissent, de les maîtriser par le remède approprié.

SIXIÈME ÉTAPE

« Pacification » : lorsque l’esprit est dérangé par un facteur distrayant, l’esprit reste orienté vers le support de la méditation, et le facteur distrayant se pacifie.

SEPTIÈME ÉTAPE

« Pacification complète » : lorsque des facteurs défavorables à la méditation apparaissent – convoitise ou quoi que ce soit –, l’esprit reste posé sur le support de la méditation et ils s’apaisent.

HUITIÈME ÉTAPE

« Absorption unifiée » : les moyens d’éliminer la torpeur et l’agitation (subtiles) ayant été mis en œuvre, l’esprit se place en un état sans dispersion.

NEUVIÈME ÉTAPE

« Absorption équanime complète » : par le pouvoir de l’habitude, l’état d’absorption se produit de lui-même sans effort ni contrainte. Mais aussi longtemps que la félicité de l’état d’extrême pureté n’est pas apparue, cet état d’absorption reste le repos paisible (chiné) d’un esprit du monde passionnel attentif à une seule chose (9). Cette félicité une fois apparue, se développent les états caractéristiques de la pacification de l’esprit (shamatha) qui sont inclus dans les différents degrés de méditation (du monde de la forme pure puis du monde sans forme).

Il faut donc développer correctement les neuf étapes qui viennent d’être expliquées en abandonnant à chacune d’elles les fautes rencontrées et en utilisant les huit actions-remèdes appropriées ; mais, dans tout cela, les principales choses qu’il faut abandonner sont la torpeur et l’agitation. Il s’agit d’abord de les identifier (dans l’esprit) puis :

– Pour la torpeur, nous pouvons diminuer la quantité de nourriture avant la méditation, nous installer sur une hauteur (un endroit dégagé), avoir des vêtements légers et un coussin de méditation fin, réciter refuge et prières à voix haute, méditer dans une posture physique énergique.

– L’agitation se dissipe avec des moyens qui sont les opposés des précédents.

Quand la torpeur et l’agitation se sont calmées, nous méditons, relaxé et détendu.

2° La progression au long des cinq expériences

Première expérience de chiné : les pensées comme la chute d’eau d’une cascade

a) Lorsque nous méditons ainsi (suivant les neuf étapes de chiné), les pensées se succèdent d’abord l’une après l’autre sans interruption. Il arrive que l’esprit grossier ne puisse même pas se rendre compte de ce flot de pensées. (En fait), celui-ci préexistait, mais n’était pas évident car l’esprit ne demeurait pas en méditation. Par contre, lorsque nous en prenons conscience, il nous semble que les pensées sont encore plus nombreuses qu’avant. Vient une question : « N’est-ce pas un signe que la méditation ne se développe pas ? » En fait, il s’agit de la première expérience (de chiné)! On l’appelle « la chute d’eau d’une cascade » : expérience de prise de conscience des pensées.

Deuxième expérience : les pensées calmes comme l’eau dans une gorge étroite

b) Après cela, sans remettre à plus tard le développement de la méditation, nous coupons court autant que possible aux productions de la pensée. Si (nous continuons à) méditer, des pensées viennent l’une après l’autre puis, après un certain laps de temps, il semble que leur course se calme et que l’esprit vienne au repos, et qu’aussitôt elles reprennent leur course, cela se produisant alternativement… C’est la seconde expérience qu’on appelle « l’eau dans une gorge étroite » : expérience des pensées calmes.

Troisième expérience : les pensées s’épuisent comme tourbillon de ruisseaux convergents

c) Puis, si nous continuons à méditer avec persévérance, à un moment, (vient un état semblable à celui qui se développe) lorsque les mouvements de la respiration décroissent, lorsqu’elle devient régulière et se suspend, nous entrons en un état sans pensée. Nous y méditons l’esprit vif ; par moments, un état se produit dans lequel l’esprit est transparent, et furtivement, des pensées apparaissent. C’est la troisième expérience dite « semblable au tourbillon de la convergence de ruisseaux » : expérience des pensées qui s’épuisent.

Quatrième expérience : l’esprit absorbé, au repos, est semblable à l’océan avec des vagues

d) Cette expérience continue à se produire et, pendant la méditation, il arrive que, la plupart des mouvements des pensées apaisées, l’esprit reste au repos en un état d’absorption complète. Dans cet état, une ou deux pensées continuent quelquefois d’apparaître, mais elles s’apaisent aussitôt. C’est la quatrième expérience dite « semblable à l’océan avec des vagues » : expérience de l’océan avec des vagues de pensées.

Cinquième expérience : pacification des pensées, l’esprit est comme l’océan sans vagues

e) Ensuite, alors que nous restons absorbé avec continuité dans l’expérience précédente, toutes les allées et venues des pensées s’apaisent, et l’esprit reste complètement absorbé, avec lucidité. C’est la cinquième expérience appelée « l’océan sans vagues », expérience de pacification des pensées.

S’il n’y a pas la transparence et une vive lucidité, ce chiné n’est que « brume de pensées »

À ce moment, l’intrusion des pensées est calmée et l’esprit reste régulièrement en un état d’absorption complète, mais s’il n’a pas la transparence ainsi qu’une vive lucidité, il s’agit d’un chiné qui n’est que « brume de pensées ». Restant en cet état d’absorption complète, nous méditons jusqu’à ce que la transparence lucide de l’esprit s’élève, jusqu’à ce qu’apparaisse l’état semblable à une flamme de lampe à beurre qui n’est pas agitée par le vent.

Lorsque chiné est stable, laisser l’esprit sans support, en équilibre en sa propre lucidité

Lorsqu’une clarté remarquable de l’objet de méditation s’est développée, sans plus regarder le support de méditation nous laissons l’esprit regardant en lui-même : posé en équilibre (en lequel il est au repos) en la lucidité même de sa (faculté de) connaissance. Si de la torpeur ou de l’agitation apparaissent alors, nous les dissipons avec les moyens (appropriés) et restons en l’étendue transparente, lumineuse et vive, de cette connaissance, relâchant les efforts et demeurant à l’aise.

Bien examiner comment se sont passées les sessions afin d’équilibrer tension et détente

Quand nous pratiquons ainsi cet examen, si, au début d’une session de méditation l’état d’absorption est mauvais et s’améliore par la suite, il convient d’avoir une méditation plus soutenue (au départ) et donc de méditer avec « une vigilance attentive à une unique chose ». Par contre, si après s’être concentré, l’esprit produit de nombreuses pensées, ne veut pas rester en place, et si des malaises variés du corps et de l’esprit apparaissent, c’est (signe) de trop de tension ; il convient alors de méditer relâché et détendu.

(D’une façon générale, il faut) manger la nourriture qui nous convient pour être en bonne santé, en quantité modérée ; (il ne faut) pas contrarier le cycle veille-sommeil, jour et nuit : s’il y a des désordres (et une tendance à dormir pendant la journée), il faut se reposer, et une fois reposé, méditer avec énergie.

Au terme de chiné, il semble que les apparences cessent, que l’esprit se mêle à l’espace…

Quand nous serons ainsi parvenus au terme des neuf étapes de chiné, nous aurons développé « la pacification d’un esprit qui, encore en proie aux désirs, reste absorbé en un état d’attention ponctuelle ». Quand celle-ci a été réalisée, il n’y a plus d’effort à faire pour que l’esprit s’unisse à l’objet de méditation : il y reste naturellement dans toutes nos différentes activités. Si nous restons ainsi, laissant l’esprit tel quel, sans concevoir quoi que ce soit, s’élève une expérience (vécue) comme si les apparences cessaient et si l’esprit se mêlait à l’espace.

Notre corps semble advenu accidentellement, la force des passions a grandement diminué

Au sortir de cette expérience, notre corps semble une chose survenue accidentellement, et la force du désir, de l’aversion et des autres passions, a diminué ; celles-ci ne sont plus qu’intermittentes.

On a des expériences de luminosité, félicité, de non-conception, les rêves semblent purs

Quand l’expérience de luminosité est importante, il nous semble pouvoir dénombrer les atomes d’un pilier ou de quelque autre objet. Il y a ainsi des expériences de luminosité, de félicité ou d’absence de conception qui se développent … (À un moment), il nous semble que même le sommeil se fonde dans la méditation et que la plupart des rêves soient purs. Un tel état d’absorption a un aspect de « vérité », l’aspect de pacification grossière de l’esprit.

Ces expériences peuvent être celles d’une absorption en l’ainsité ou ne pas l’être

Base commune à toutes les approches extérieures et intérieures de l’enseignement, il doit être pratiqué, mais s’il n’est pas complété par l’expérience d’extrême pureté, ce n’est pas encore l’état caractérisé du repos paisible (chiné), et la vision supérieure (lhaktong) est loin !

La félicité, la luminosité et l’absence de conception peuvent être des expériences d’une méditation absorbée en l’ainsité ou ne pas l’être. Il ne faut donc pas prendre de petites expériences imparfaites de repos de l’esprit pour (le signe d’)un degré avancé en la voie et s’en enorgueillir, mais bien connaître les points essentiels du cheminement.

L’expérience d’extrême pureté est d’abord grossière puis subtile et finalement parfaite…

Habitués à être en cet état « d’un esprit qui, encore sous l’emprise des attachements, est ponctuellement attentif », le corps et l’esprit viennent à l’état adéquat, ce qu’on appelle l’expérience d’extrême pureté. L’esprit peut être maîtrisé à volonté pour rester sur son support de méditation de même que peut l’être un cheval parfaitement dressé. Il est heureux, complètement débarrassé des éléments négatifs, désagréments et gênes. Grâce à cela, les souffles peuvent se mouvoir correctement dans le corps, et celui-ci peut alors être débarrassé des facteurs négatifs que nous ne pouvions (jusqu’alors) maîtriser, tels que la pesanteur corporelle etc. La colonne vertébrale est comme une pile de pièces d’or et le corps est léger comme un flocon de coton. Certains aspects heureux – le corps comme instantanément pénétré par un flot de lait chaud, la capacité de soumettre tous les désirs à (la pratique de) la vertu – apparaissent : c’est l’expérience d’extrême pureté du corps. Cette expérience d’extrême pureté est d’abord grossière puis, progressivement, son aspect subtil se développe et en fin de compte, après avoir été grossière et subtile, l’expérience parfaite apparaît clairement.

… C’est l’état « d’absorption immobile », le repos paisible de chiné inclus dans les dhyana

Durant (l’expérience) grossière, l’esprit vibre (c’est-à-dire a des oscillations de faible amplitude), puis petit à petit l’intensité de ceci diminue, ce de même que lorsque des voiles s’affinent de plus en plus, (et finalement) nous arrivons à l’expérience d’extrême pureté subtile qui correspond à un état « d’absorption immobile ». C’est alors ce qu’on appelle le repos paisible (chiné) inclus dans les différents degrés de méditation (les dhyana ou degrés de méditation du monde de la forme subtile et du monde sans forme). (7)

Cette progression s’applique aussi, que l’on pratique kyérim ou dzorim

Cette progression (correspondant aux neuf étapes de shamatha, avec les expériences qui s’y rapportent) s’applique aussi, que l’on pratique kyérim ou dzorim.

(Les impératifs rédactionnels nous ont obligés à couper une partie du texte, principalement la partie qui traite de lhaktong. Nous donnons seulement son plan qui comprend :

– La méditation sur l’absence d’entité intègre dans la personne,

– La méditation sur l’absence d’entité intègre dans les phénomènes,

– La méditation sur la vacuité ayant pour cœur la compassion,

– La méditation combinée sur shamatha et vipashyana.

Dans la pratique de lhaktong, il s’agit de développer l’expérience même de cette connaissance au-delà de sa théorie et de ses concepts. Tous ces chapitres proposent une approche pratique et expérimentale de la connaissance transcendante. Nous renvoyons les lecteurs qui désireraient des éléments d’information sur ce sujet au numéro 3 de Dharma, qui développe ce sujet.

Nous ne retiendrons en guise de conclusion qu’un extrait de la partie finale du texte.)

F. Méditation combinée sur chiné et lhaktong

La méditation combinée sur chiné et lhaktong est le yoga de la non-méditation

Pendant le repos paisible, toute intrusion des pensées s’apaise : c’est la pratique du non-agir du mental. Pendant la vision supérieure, la connaissance transcendante parfaite coupe court à toutes les conceptions superflues : c’est la découverte que le mental n’a aucunement à agir. Ces deux (aspects) sont pratiqués conjointement et confondus en une unique expérience qui est le yoga de la non-méditation.

(…)

La façon de la pratiquer est globalement la même que celle déjà expliquée

La façon de pratiquer cette (conjonction) est globalement celle qui fut expliquée précédemment : nous demeurons dans une lucide clarté ouverte et dégagée en laquelle sont essentiellement indifférenciés :

– Chiné, en tant que repos unique (de l’esprit faisant l’expérience des) apparences avec une intelligence lucide et sans entrave qui ne quitte pas la compréhension que ce qui est à méditer, la méthode de méditation et le méditant sont par nature dépourvus d’existence propre ;

– Lhaktong, qui est l’expérience immédiate de la non-production de ces simples apparences.

La conjonction de l’intelligence discernante et de l’expérience de connaissance immédiate

(Pratiquement), quand le repos (de chiné) est grand, nous intensifions l’intelligence discernante, mais si, recherchant intensément (l’expérience) de connaissance transcendante, l’esprit ne reste pas au repos, nous nous détendons et restons ainsi. En alternant ceci, nous intégrons (chiné et lhaktong) en éliminant toutes les possibilités d’erreur et de déviation. Si nous ne comprenons pas les points essentiels (de ces pratiques conjointes), aussi stable que soit (seul) le repos de chiné, (nous ne dépasserons pas) l’un ou l’autre des degrés de méditation du monde de la forme pure et quelqu’excellent que puisse être (seul) l’examen objectif de lhaktong (nous ne dépasserons pas) l’un ou l’autre des domaines de méditation du monde sans forme. Il est donc fondamental de les pratiquer (simultanément) en éliminant toutes les erreurs et les déviations dans ces méditations.

MÉDITATION DANS L’ACTION

Entre les sessions, nous oeuvrons en reconnaissant la vacuité de toutes les apparences

Entre les sessions de méditation, nos facultés cognitives ne divaguent pas négligemment au gré des objets sensoriels mais, quoi qu’il se présente, toutes les apparences étant reconnues comme de simples émergences de l’esprit qui ne quitte pas l’espace (de la vacuité), nous œuvrons en cet état autant que nous le pouvons pour le bien des êtres.

Pour le moins, nous agissons en pensant que toutes les apparences sont comme un rêve

Ou, pour le moins, lorsque, nous nous appliquons à la vertu, nous nous engageons dans diverses activités, nous utilisons encore et encore le souvenir de la pensée de toutes les apparences comme étant semblables à une projection illusoire ou à un rêve. Il fut enseigné qu’il est important de le faire pour faire naître et installer en soi l’habitude d’une compréhension et d’un point de vue justes. Ce profond point de vue madhyamaka (sur lequel s’appuient ces pratiques) est le principe vital du cheminement spirituel tant des sutra que des tantra. De plus, dans l’insurpassable vajrayana, l’absence de ce point de vue empêcherait une progression authentique sur la voie tantrique.

L’accès à la profondeur du madhyamaka nécessite de purifier méthodiquement son karma

Pour découvrir cette perspective madhyamaka, il convient que nous purifions nos activités négatives antérieures par les quatre forces de purification et, considérant le lama comme étant indifférencié de Manjushri (ou de son yidam quel qu’il soit), de faire des efforts pour réunir les deux développements, en lui adressant avec une prière intense la pratique du service à sept branches et l’offrande de mandala. Il est aussi extrêmement important de garder parfaitement purs les engagements d’éthique que l’on a pris.

Notes au texte français

(1) Voir le Vocabulaire du dharma, p. 131.

(2) Voir le Vocabulaire du dharma, p. 131.

(3) Le mahayana se subdivise en deux branches : le paramitayana ou voie des sutras, fondé sur la pratique des paramita, et le vajrayana fondé sur les tantras. Leurs deux approches sont complémentaires, la première étant la base de la seconde.

(4) Ces cinq dégradations sont celles de la vie (qui diminue), des passions (qui augmentent), des personnes (qui s’avilissent), de l’époque (qui dégénère) et de la compréhension des enseignements (qui se dégrade).

(5) Cet état méditatif extrêmement pur (tibétain : chine-djang, écrit : shin sbyang) est une expérience physique et spirituelle intense. Le corps et l’esprit y sont libres des impuretés qui les souillaient au préalable. Cette expérience est source d’une profonde inspiration pour la pratique. Le terme chine-djang signifie littéralement « extrême entraînement » ou « extrême purification », l’expérience évoquée dans le texte ainsi qu’une extrême souplesse et maniabilité de l’esprit lui correspondent. Cette expression est susceptible d’être traduite différemment suivant les cas. Le contexte pratique et expérimental nous a fait choisir ici « extrême pureté » qui rend le mieux – nous semble-t-il – la nature de l’expérience évoquée.

(6) Drènpa (écrit : dren pa) signifie littéralement « garder présent à l’esprit » et « se rappeler », « se souvenir de ». Drènpa permet de garder la méditation présente à l’esprit. C’est la présence de l’esprit à la méditation et le souvenir de celle-ci. Nous traduisons drènpa par l’une ou l’autre de ces expressions en gardant le plus souvent possible le terme tibétain entre parenthèses. Drènpa comme souvenir assure la continuité de la méditation.

(7) Chéchine (écrit : she bzhin) signifie littéralement « être connaissant ». Ché : connaître, et chine est une particule caractéristique du présent. Chéchine est la connaissance du présent, une qualité d’attention vigilante à l’instant présent, attention vigilante au sujet de méditation et à l’état présent de l’esprit en celle-ci. Elle permet de reconnaître si l’esprit est, dans l’instant présent, distrait ou non ; le souvenir-rappel permet de maintenir ou de rétablir le contact avec la méditation.

(8) La maîtrise des souffles, c’est-à-dire de la respiration et des souffles subtils, a pour conséquence d’accroître la longévité.

(9) La métaphysique bouddhique enseigne une hiérarchie de différents états d’existences qui se résument en trois mondes ou états :

– Le premier est le monde des désirs : il est gouverné par les passions. C’est notre état d’existence habituel. Aussi longtemps que l’expérience spirituelle d’extrême pureté (5) n’est pas apparue, la méditation de shamatha demeure sur ce plan d’existence.

– Lorsque chine-djang (5) est apparu, la pratique de shamatha s’ouvre sur les plans du monde de la forme pure, puis du monde sans forme. Ils correspondent à différents degrés de réalisation en la pratique de la méditation. Dans le premier de ceux-ci, l’esprit n’est plus associé à une forme grossière mais à une forme subtile et lumineuse. Dans le second, il n’y a plus même de forme, mais il reste encore l’expérience de notions telles que « l’espace illimité » ou « la conscience illimitée »… Ce sont les plus subtiles expériences de la conscience mais ce sont encore des expériences conditionnées et du samsara.

Ce texte est traduit par le comité Lotsawa à partir de l’original tibétain compilé par le Très vénérable Déchoung Rinpoché. Tout ce qui est écrit entre parenthèses au fil du texte est ajouté par les traducteurs pour faciliter la compréhension et l’intelligibilité du texte français. Les notes sont aussi le fait des traducteurs.

 

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