Le roi de la plaine vide

La pratique de Tchènrézi la plus répandue aujourd’hui fut composée par Thang Tong Gyalpo qui fut un grand maître de la lignée changpa au XVe siècle.

Il fut un yogi errant à la conduite non-conventionnelle dont voici une courte biographie.

Thang Tong Gyalpo fut un grand maître de la lignée Changpa qui vivait au XVe siècle. Il eut des visions directes de Nigouma et il est à l’origine de la lignée de transmission dite “proche” appelée aussi “thang loug” (litt. : “lignée de Thang Tong Gyalpo”). (Les deux autres lignées sont la “lointaine” remontant à Khyoungpo Nèldjor et la “très proche” remontant à Jetsune Taranatha). Il est resté célèbre tant pour ses qualités d’ascèse exceptionnelles que pour la conduite et le mode de vie libre de convention qu’il a adopté. Son nom signifie littéralement le roi du désert, “désert” étant une analogie pour la vacuité : “le Seigneur de l’espace-vacuité”.

Il naquit en 1361, en accord avec une prophétie de Padmasambhava. Dans son enfance, on dit qu’il manifesta des signes miraculeux. Il fut très tôt appelé nyönpa (“le fou”) par les villageois, après avoir soumis par la force un esprit malin qui avait semé une épidémie dans le village. Il fut d’abord ordonné novice puis bikshu. Il reçut de nombreux enseignements du mahamudra dans la tradition de Naropa et Nigouma. On le reconnut comme une émanation du mahasiddha Kukuripa et son premier nom fut Tseunden Zangpo. Il reçut entre autres dans la transmission des enseignements Nyingmapa, Dzogchèn, la transmission des termas de Rigdzin Tchengin Tchou Tchen (1337-1408). Un jour, il eut une vision de Padmasambhava lui demandant d’utiliser n’importe quels moyens, fussent-ils non conventionnels, pour aider tous les êtres vivants.

Le lama qui lui transmit les six doctrines de Nigouma le reconnut comme un réceptacle parfait pour ces enseignements et il lui transmit la totalité des enseignements changpa kagyu. En retraite, la Dakini de sagesse Nigouma lui apparut un jour dans une vision splendide, lui donna initiations et enseignements, à la suite de quoi il écrivit un certain nombre de commentaires, avec la permission de la Dakini.

Pendant une autre retraite de 17 ans, il eut une vision des 84 Siddhas de l’Inde qui lui demandèrent de réaliser différents projets tel que celui de construire des ponts de fer. L’un des noms de Thang Tong Gyalpo est d’ailleurs Tchasampa, “le constructeur des ponts de fer”. Les ponts tibétains sont généralement composés de trois cordes, une sur laquelle on met les pieds et les deux autres servant à se tenir avec les mains. Les ponts métalliques consistent à remplacer les trois cordes par trois chaînes, ce qui permet de traverser des longueurs plus grandes avec plus de sécurité.

Thang Tong Gyalpo fut aussi un terteun. En différentes périodes de sa vie, il mit en évidence des textes révélés de Gourou Rinpoché. Pendant six années de retraite à Tharpa Ling, il eut différentes visions lui donnant des enseignements du “Lamdré” du Mahasiddha Virupa, et une pratique du Guru Yoga de Vajradhara. A la fin de cette retraite, il se rendit à Kyirong pour rendre hommage au Djowo, très célèbre statue du Bouddha. Dans sa méditation, il eut l’occasion de se rendre en Oddhyana, il y reçut directement de Vajrasattva des enseignements du Dzogchen, et de Padmasambhava une pratique de longue vie qui est devenue très célèbre. Et s’il a vécu 125 ans.

Thang Tong Gyalpo fut un grand voyageur. Il alla dans différentes parties du Tibet, en Inde, au Népal, et même jusqu’en Chine. Il est connu pour avoir énormément enseigné et diffusé les enseignements de Tchènrézi et sa pratique. Il est d’ailleurs l’auteur du texte de la méditation la plus utilisé aujourd’hui.

Plus tard dans sa vie, Thang Tong Gyalpo eut une parèdre. En 1485, comme il l’avait prédit à sa parèdre Tcheugyi Dreumé, il quitta ce monde d’une façon remarquable à l’âge de 124 ans. Au milieu de nombreux signes merveilleux, son corps se transforma en un globe de lumière qui s’éleva dans l’espace et passa par-dessus le sommet de la montagne de Riwoché. Sa mort devait être gardée secrète pendant 30 ans pour éviter l’invasion des Mongols, car ceux-ci n’oseraient pas attaquer aussi longtemps qu’ils le croiraient en vie. Ce n’est que 32 ans plus tard, en 1517, que les reliques de Thang Tong Gyalpo furent placées dans un stupa d’argent.

Une biographie détaillée de Thang Tong Gyalpo est présentée dans la thèse de C. R. Stearns (Washington, 1980), “The Life and Teachings of the Tibetan Saint Thang-stong rGyal-po, King of the Empty Plain”.

Enseignement de Lama Denys, Naro Ling, 1986. Mis en forme par Véronica Stokkink.

 

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