Les engagements pour la transformation de la pensée (Guéshé Rabten)

Guéshé Rabten

Le sixième point de l’apprentissage spirituel présente des préceptes qui indiquent les comportements à adopter ou à rejeter pour progresser sûrement dans la voie vers l’éveil. En voici quelques-uns présentés par un grand maître guélougpa.

Observe toujours les trois consignes générales

La première consigne commande de ne pas violer vos vœux. La transformation de la pensée comporte de nombreuses obligations, principales et secondaires, et si vous pensez qu’une seule infraction a peu de conséquences, vous contredisez votre engagement. Par exemple, vous écrasez une fourmi par inadvertance et, alors que vous avez appris à chérir les êtres, vous vous dites qu’après tout cet incident n’a aucune importance : vous enfreignez ainsi une des règles de la pratique. Ces préceptes profitent à tous et, comme les indications figurant sur un flacon et qui décrivent la posologie et le mode d’emploi de tel médicament, ils cIarifient les facteurs assistant et ceux nuisant à notre travail. Connaissez-les bien, observez-les et appliquez-les sans faillir.

La deuxième consigne enjoint de ne jamais laisser la transformation de la pensée devenir une cause d’arrogance. Le texte use de l’expression “ne pas devenir une force surnaturelle” (thocho), ce que nous allons expliquer. À proximité des arbres et des points d’eau vivent souvent des esprits qui peuvent s’avérer dangereux quand ils sont dérangés. Les gens avertis s’efforcent donc d’éviter tout bouleversement des lieux en abattant des arbres, par exemple, ou en creusant la terre. Peut-être considérez-vous que ces précautions sont réservées aux superstitieux et non aux grands pratiquants comme vous ? Dans ce cas, vous pourriez couper des arbres qui ne devraient pas l’être, agiter et polluer des eaux qu’il vaudrait mieux de pas troubler, pénétrer un foyer d’infection ou même ingérer une nourriture contaminée. Ce serait de graves erreurs. Tout comportement empreint de la suffisance qui nous porterait à croire que la force de notre pratique nous met à l’abri de leurs conséquences est contraire aux préceptes. Ne soyez pas non plus comme celui qui rend visite à un malade contagieux par vanité, et non dans un mouvement de compassion, en pensant : “La force de mon développement intérieur m’immunise contre ce mal !” Des réactions de cette nature sont une négation de l’entraînement de l’esprit.

La dernière des trois consignes générales conseille de ne pas tomber dans la partialité. N’incluez pas certains êtres dans votre pratique au détriment des autres. Ne discriminez pas entre un chien et un homme menaçants, vous montrant patients avec le second et vindicatifs envers le premier. Ne soyez pas partiaux vis-à-vis des humains, favorisant vos adversaires riches et socialement influents par rapport aux pauvres privés de toute forme d’expression. En bref, soyez équanimes envers tous les êtres des six mondes d’existence.

Change ton comportement en restant naturel

Cultiver l’esprit sur le plan spirituel signifie travailler constamment à la transformation des attitudes incorrectes. Jusqu’à la complète réalisation, nous devons nourrir des pensées accélérant le développement des bonnes qualités. Tandis que nous modifions progressivement notre motivation, fondons notre comportement dans celui des autres ; il est inutile de nous faire remarquer. N’altérons pas exagérément nos habitudes pour bien montrer qu’un grand bouleversement s’est produit en nous alors qu’il ne s’agit en réalité que d’un léger changement apporté à nos pensées.

Ne parle pas des défauts d’autrui

N’accusez jamais, gardez-vous de critiquer ou de rechercher et d’exagérer les erreurs d’autrui. Mais que ceci ne vous empêche pas de conseiller les gens afin qu’ils comprennent les avantages d’un comportement avisé. Encore une fois, si vous parlez avec l’intention de chanter vos propres louanges et d’accuser, de railler ou de dénigrer vos semblables, ceci va à l’encontre de la pratique. Puisque ce sont là choses facilement compréhensibles, ne les ignorez pas et appliquez-les dans votre vie quotidienne.

Garde-toi d’épier les autres

Cessez d’épier les autres, d’attendre leurs fautes, soyez plutôt vigilants et prêts à juger vos propres actions. En marchant au bord d’un précipice, ce qui se passe autour de vous vous indiffère, vous tâchez surtout d’éviter la chute ; de même, votre attention devrait se porter vers l’intérieur, et si par hasard vous remarquiez quelque faiblesse chez certains, pensez immédiatement que ce jugement se base sur une perception visuelle ou auditive erronée.

Purifie d’abord la plus forte perturbation

Tous les êtres du cycle des renaissances souffrent plus ou moins des perturbations mentales, mais chaque individu connaît des passions prédominantes. Les principales sont le désir, l’agressivité, la fierté, la jalousie et l’ignorance. Regardez en vous-même afin de déceler la plus grave, appliquez ensuite en priorité les antidotes nécessaires à sa purification. S’il s’agit de l’attachement, méditez tout particulièrement sur l’impermanence et l’impureté du corps ; pour la haine, cultivez l’amour ; pour l’ignorance ou indifférence stupide, méditez sur la vacuité, affinez votre discrimination. Fierté et suffisance sont contrées par les réflexions sur l’impermanence, la souffrance de notre propre vie, l’existence cyclique dans son ensemble, et spécialement, la misère des trois mauvaises destinées. Contre la jalousie, réjouissez-vous des vertus d’autrui. Les perturbations sont sans nombre, et puisque leur lieu d’activité ne se trouve pas ailleurs qu’en vous-même, leur destruction ne peut être qu’intérieure.

Abandonne tout espoir de récompense

Travailler au développement de l’esprit d’Eveil implique de consacrer tous ses efforts au bien de tous. Mais la pratique reste impure dès lors que l’on attend une gratification, une récompense. Un tel espoir n’est pas seulement égoïste mais inutile, et doit être abandonné. Les avantages personnels ne sont que des effets secondaires naturels découlant d’un engagement sincère accompli pour le bien du monde.

Extrait de « Conseil d’un ami spirituel » ©Ed.Vajra Yogini, 1990.

 

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