Siéger

Lama Denys

En guise de méditation, nous n’allons pas méditer, mais déjà et simplement siéger. Nous siégeons, d’une façon digne et pleine. Nous ne sommes pas assis n’importe où, nous siégeons sur un siège d’Eveil, nous siégeons sur le siège de vie, nous siégeons sur le saint siège. C’est ce que font les yogis lorsque, en retraite de trois ans, sous leur coussin, ils dessinent un svastika qui est le signe de l’action d’Eveil…Et on le dessine traditionnellement avec de la bouse de vache, avec les substances de la vache : la bouse, l’urine, le lait… Parce que la vache est l’animal maternel. Quoi de plus maternel qu’une vache ? Elle offre son lait à son petit veau et pas seulement. C’est une image très forte en Inde. Ainsi on se pose sur le siège d’Eveil, fait de la substance maternelle par excellence. On est sur le siège-mère, le siège terre ; c’est le siège indestructible, vajrasana. Donc, nous siégeons. C’est la posture de non-méditation, qui peut-être, suivant le contexte, un coussin ou un fauteuil.

Sur ce siège, nous sommes roi ; nous sommes le roi de notre royaume. Nous assurons une posture royale, de vie et de force, paisible. Le roi n’est pas menacé.

Le roi siège et voit son palais. Nous voyons ces murs, ce temple ; nous prenons note de ce qui est autour de nous, à droite, à gauche, derrière, devant ; dessus, le ciel, dessous, la terre. Nous vivons cette expérience. Nous entrons dans l’expérience de ce qui est à notre droite : ce mur, ces couleurs étincelantes… De même à droite, au-delà ce de mur, la vallée, la forêt, le ruisseau, la végétation… Puis pareillement, à gauche, l’expérience de ce mur : il ressemble au premier, les tentures sont légèrement différentes… Et au-delà de ce mur et de ces fresques, une cour, une montagne, des chalets, toute la montagne, la forêt. Et puis, derrière, la sortie de cette pièce, la sortie du temple, les trois grandes tentures, la bleue, la blanche, la rouge, les fenêtres, et dehors, une cour, l’esplanade, la vallée. Et puis devant, ce mur, cet autel, le Bouddha d’or, éclairé, l’orateur et derrière, encore de l’espace, un parking, le fond de la vallée, les sommets, on pourrait aller jusqu’à dire « la cime des ancêtres » ; Au-dessus de nous, un plafond bleu ciel et, au-delà, le ciel, l’espace, les constellations. En dessous, le plancher, couleur terre de Sienne, ocre sable, la terre, toute la terre, notre siège est le siège de la terre. Nous faisons corps avec cette terre dont nous sommes une excroissance et nous siégeons avec tout ce qui est autour, ce qui est ici, dans le champ visuel, dans le champ auditif, dans le champ des sens, toute l’expérience de lucidité… Et le ciel, l’espace. Nous siégeons, tout simplement, dans cette lucidité ouverte, dans le cœur des sens. Nous entrons dans tous les sens, nous nous laissons partir, nous évanouir dans les sens…

Note de marge : Vajrasana : Littéralement « posture du diamant », terme utilisé dans les bouddhisme tibétain pour désigner la posture du lotus (padmasana).

Extrait du séminaire : Confiance et non- peur , Karma Ling, octobre 1995.

 

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