La relation au lama

Kyabdjé Kalou Rinpoché

Le lama-source est la personne qui permet la transmission de l’influence spirituelle de la lignée. Un pratiquant du Vajrayana se doit de toujours le considérer comme le Bouddha Vajradhara. Au-delà des conventions, l’essentiel est pur le disciple de bien comprendre le sens de l’enseignement.

Les niveaux de relation au guide

D’une façon générale, il y a trois niveaux graduels dans la relation à un guide, souvent décrits en rapport avec les trois yanas.

Au niveau du Hinayana, nous respectons le guide et nous éprouvons une grande reconnaissance pour la bonté qu’il a de nous donner le Dharma ; il est aussi appelé « lopeun », un « professeur », ou un « khempo », un maître en enseignements. Il est un instructeur et enseigne, donne des préceptes ou dirige un monastère.

Dans le Mahayana, la relation avec le guide acquiert une dimension plus importante, il devient un « ami spirituel » : c’est un conseiller au niveau intérieur.

Le Vajrayana donne au guide encore plus d’importance : à ce niveau, c’est un lama. Le « lama-racine », c’est-à-dire le lama qui guide personnellement un pratiquant du Vajrayana, est considéré comme le Bouddha Vajradhara, l’essence et l’union de tous les bouddhas des trois temps et des dix directions. Il est l’essence de leurs corps, parole et esprit, de leurs vertus, de leurs qualités spéciales et de leur activité. Pour un pratiquant du Vajrayana, le lama est ainsi de la plus haute importance. Il est l’égal du Bouddha par les qualités et plus estimable encore que tout autre aspect du Bouddha par la bonté qu’il a de nous transmettre les enseignements. C’est cette relation essentielle qui permet au niveau le plus profond, au niveau du Vajrayana, la transmission de l’inspiration et la direction spirituelle.

La continuité de la lignée

Le Vajrayana se transmet depuis le Bouddha Vajradhara par le canal d’une lignée ininterrompue de maître à disciple. Cette lignée véhicule la lettre et l’esprit des enseignements avec une inspiration, une influence spirituelle transmise par les habilitations ou initiations –« abhiseka » en sanscrit-, les autorisations scripturaires et les instructions.

Un exemple facilite la compréhension de cette notion de transmission, de lignée,et la raison pour laquelle elle doit être ininterrompue : dans cette pièce, des ampoules donnent de la lumière, l’électricité vient d’une centrale qui la transmet jusqu’ici par l’intermédiaire d’un fil. La centrale électrique pourrait être comparée à l’état de bouddha, le fil qui véhicule l’électricité à la lignée de transmission, et le courant électrique à l’influence spirituelle dont l’énergie éclaire notre pratique et apporte la lumière à notre esprit. Si le fil est coupé, le courant ne passe plus et l’ampoule ne peut pas éclairer.

L’approche du Vajrayana et Mahamudra accorde une importance particulière à l’influence spirituelle. L’inspiration du lama et de la lignée y sont le contexte de l’élément actif permettant de reconnaître la nature de l’esprit beaucoup plus rapidement que dans les autres voies. Une parole très connue d’un ancien maître kagyupa dit :

Si le soleil de la confiance et de la dévotion du disciple ne frappe pas la montagne neigeuse de l’influence spirituelle du lama, il ne s’en écoulera pas les flots d’inspiration qui purifient les impuretés.

Une grande confiance en notre lama et une profonde dévotion permettent de recevoir son influence spirituelle et, au moyen de celle-ci, de purifier rapidement les tendances négatives et de développer celles qui sont positives.

Le rôle du Lama-racine

Le lama que nous choisissons pour être notre guide personnel et avec qui nous établissons une relation essentielle s’appelle notre lama « source ».

N’importe quel lama qualifié, celui que nous connaissons dans un centre du Dharma ou un autre, peut être notre « Lama-racine » si nous avons avec lui une affinité et une connexion avec le Vajrayana par une initiation.

Certains critères peuvent aider le disciple dans le choix de son lama-racine. Ce lama doit tout d’abord avoir un rattachement traditionnel authentique, garantissant la régularité de sa transmission ; sa compréhension du Dharma doit être profonde et sa réalisation effective ; ses paroles et ses actes doivent être en conformité ; il doit être désintéressé, c’est-à-dire ne pas être motive par un intérêt matériel ou une satisfaction personnelle. Sa motivation pour aider des disciples et tous les êtres doit être sincère, reposant sur bodhisattva, une compassion et un amour profonds. Il faut encore que lama et disciple puissent bien communiquer en toute confiance. Celui qui a ces qualités et compétences peut être notre Lama-racine. Si avec confiance, nous nous en remettons à lui comme disciple, il deviendra le transmetteur de la lignée de tous les bouddhas et la source de leur influence spirituelle.

Le disciple, de son côté, doit avoir grande confiance et beaucoup d’énergie pour mettre les enseignements du lama pleinement en pratique. Les bienfaits découlant de cette relation dépendent fondamentalement de deux éléments qui sont, d’une part, la réalisation, la compassion et l’amour du lama pour ses disciples, et, d’autre part, la confiance que les disciples ont en lui. Suivant une image traditionnelle, la compassion eu lama est comme un crochet et la confiance du disciple, comme un anneau ; la rencontre de l’anneau et du crochet illustre la très forte connexion qui libère du samsara.

Dans tous les cas, si nous avons établi avec un lama une relation au niveau du Vajrayana, ayant reçu de lui une initiation, il est fondamental que notre relation soit positive ; quel que soit le comportement de ce lama, il est important de garder « la vision sacrée » ; Quoi qu’il fasse, il nous faut considérer ses actions comme d’adroits moyens de nous aider. Si nous savons développer une telle attitude, elle pourra nous ouvrir à une authentique influence spirituelle et progresser vers l’Eveil. Il est possible de recevoir une aide véritable même de quelqu’un qui n’est pas parfaitement pur. Même si le lama n’est pas lui-même complètement éveillé, il peut donner des conseils et aider. Pour prendre un exemple, lorsque quelqu’un connaît une région, il peut nous indiquer la route, même s’il n’a pas de grandes qualités ou si c’est une mauvaise personne. On ne peut pas toujours, d’après ses actions, juger qui est un grand lama ou un grand accompli et qui n’a que la prétention de l’être. A un certain stade, les grands accomplis agissent souvent d’une manière étrange, voire extravagante, comme par exemple en buvant beaucoup de vin, ou en ayant plusieurs femmes, etc. Néanmoins, quelqu’un qui prétendrait indûment être un accompli se retrouverait dans un état infernal ou deviendrait quelque animal monstrueux. En ce qui concerne le disciple, il peut être aidé par n’importe quel lama authentique en qui il a confiance.

Il y a une parole célèbre d’un précédent Karmapa, le grand maître de la lignée kagyu qui dit :

De ceux qui m’ont vu, nul n’ira dans les existences inférieures, mais de
Ceux qui vivent avec moi, nul n’ira dans les existences supérieures.

Pourquoi ? Parce que ceux qui rencontrent le Karmapa avec confiance, profonde aspiration et un état d’esprit positif, établissent avec lui une relation spirituelle qui les libère, tandis que ceux qui vivent avec lui dans les aléas quotidiens ont tendance à adopter à son égard des vues et attitudes négatives qui sont source d’un karma extrêmement mauvais. On peut comparer le lama à un feu dont la présence et l’influence spirituelle réchauffent et éclairent ; Si l’on est trop loin du feu, on n’en reçoit ni lumière ni chaleur : par contre, trop près de celui-ci, il y a danger de se brûler.

L’essentiel est, de par la relation établie avec le lama, de bien comprendre le sens de l’enseignement et de l’appliquer vraiment. Il ne faut pas s’inquiéter des doutes et des hésitations que nous pouvons avoir : notre esprit étant dans la confusion, nous avons nécessairement des doutes concernant ce qui est vrai, faux, réel, irréel, juste, erroné, etc. Par contre, il est important que nous acceptions nos doutes et nos hésitations et que nous travaillions avec eux dans la relation au lama, les lui exprimant honnêtement et cherchant, dans ses réponses, le moyen de les clarifier, de les dissiper. C’est par une relation juste au lama que nous nous ouvrons progressivement à une attitude de dévotion authentique, c’est-à-dire de confiance et d’aspiration permettant la transmission spirituelle qui conduit à la réalisation.

Exergue 1 : L’approche du Vajrayana et de Mahamudra accorde une importance particulière à l’influence spirituelle.

Exergue 2 : Il est important que nous acceptions nos doutes et nos hésitations et que nous travaillions avec eux dans la relation au lama.

Extrait de « La Voie du Bouddha », Ed. Le Seuil

 

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