La vraie foi est vivante

Thich Nhat Hanh

Ne pas croire ce qu’on n’a pas auparavant expérimenté, ne pas figer son expérience et sa compréhension, se libérer de ses notions et concepts. Cette attitude permet de développer une foi réelle, non dogmatique et évolutive. Extrait d’un ouvrage du Vénérable Thich Nath Hanh qui met en parallèle les voies bouddhique et chrétienne.

La foi réelle n’est pas figée.

Peut-être avons-nous pris le chemin du bouddhisme parce que nous croyons à la réincarnation, mais à mesure que nous apprenons à toucher la réalité, nos croyances changent. Cela ne doit pas nous effrayer. Avec l’étude et la pratique, nous touchons la réalité de plus en plus profondément, et ce faisant, nos croyances évoluent naturellement et deviennent plus solides. Dès lors que nos croyances sont fondées sur notre expérience directe de la réalité et non pas sur des notions venant des autres, personne ne peut nous les enlever. S’engager à long terme sur un concept est beaucoup plus dangereux. Si dix ans passent sans que notre croyance évolue, un beau jour nous découvrirons que nous ne pouvons plus y croire. La notion d’il y a dix ans ne convient plus et nous voilà plongés dans l’obscurité de l’incroyance.

Notre foi doit être vivante, et non un ensemble de croyances et de notions rigides. Notre foi doit évoluer tous les jours et nous apporter la joie, la paix, la liberté et l’amour. La foi implique la pratique, et la pratique, c’est vivre notre vie quotidienne en Pleine Conscience. Certains pensent que la prière ou la méditation ne concerne que notre esprit et notre cœur. Mais nous devons aussi prier avec notre corps et nos actions dans le monde, et nos actions doivent imiter celles du Bouddha Vivant ou du Christ Vivant. Si nous vivons comme eux, notre compréhension sera profonde et nos actions seront pures, aussi pourrons-nous contribuer de notre mieux à créer un monde plus paisible pour nos enfants et tous les enfants de Dieu. (…)

Pénétrer le cœur de la réalité

Notre foi doit être vivante ; telle un arbre, jamais elle ne doit cesser de grandir. Quand nous vivons une expérience religieuse vraie, nous nourrissons notre foi et lui permettons de grandir. Dans la tradition bouddhiste, l’expérience religieuse est l’Éveil, bodhi, ou la vue profonde prajña ; ce n’est pas une compréhension intellectuelle, faite de notions et de concepts, mais plutôt une prise de conscience conduisant à plus de solidité, de liberté, de joie et de foi. Pour que le véritable Éveil soit possible, nous devons nous libérer de nos notions et de nos concepts sur le nirvana et sur Dieu. Ainsi devons-nous nous défaire de nos notions et concepts sur les choses du monde phénoménal. Dans la pratique bouddhiste, nous contemplons l’impermanence, le non-soi, le vide et l’inter-être pour nous aider à toucher plus profondément le monde phénoménal, pour nous libérer de nos notions et de nos concepts sur les choses et pénétrer le cœur de la réalité. Quand nous touchons les « choses en soi », nous pouvons voir qu’elles sont assez différentes des notions et des concepts que nous en avons.

Nos notions et nos concepts sont le résultat de nos fausses perceptions. Aussi devons-nous abandonner toutes nos perceptions erronées si nous voulons accéder directement à la réalité. De même, les chercheurs en physique nucléaire qui veulent entrer dans le monde des particules élémentaires doivent abandonner la notion qu’ils ont des choses et des objets.

Le scientifique français Alfred Kastler a dit :

« Nous devons renoncer aux objets et aux choses que nous avions toujours considérés comme étant des composantes de la nature ».

Nous devons pareillement abandonner les notions que nous avons de Dieu, du Bouddha, du nirvana, du soi, du non-soi, de la naissance, de la mort, de l’être et du non-être.

Exergue : Dès lors que nos croyances sont fondées sur notre expérience directe de la réalité, personne ne peut nous les enlever.

 * Prajna : l’intelligence « supérieure », directe, intuitive, non conceptuelle, qui est expérience de la réalité ultime. Prajna est la sixième des prajnaparamita (qualités transcendantes) développées par le bodhisattva dans la voie du Mahayana.

Extraits de Bouddha vivant, Christ vivant Thich Nhat Hanh, Editions JC Lattès, Collection Voyageurs immobiles, 1996.

 

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