De l’enseignant au maître

Lama Denys Rinpoché

Dès que l’on s’engage profondément dans une voie, un guide est indispensable. Au sein de cette relation, celui-ci est tel un miroir nous permet de rencontrer nos propres illusions.

Une question fréquente, lorsqu’est évoquée la notion de confiance et de rattachement, porte sur la nécessité d’un guide-personne physique. Selon l’image traditionnelle, cheminer sans guide c’est être comme un aveugle qui cherche sa route dans le désert. Sous l’emprise de ses conditionnements, sans discernement, chercher sa route à tâtons dans l’immensité des possibilités de cheminement… Donc le cheminement, dans une voie traditionnelle, demande un rattachement précis, authentique, à un enseignement, à une pratique et à un guide. Le guide est nécessaire et indispensable. Il ne s’agit pas d’un « guide éthérique, en astral » dont on reçoit des messages télépathiques ou en écriture automatique ; il ne s’agit pas non plus d’un « guide intérieur » idéal, qui ne serait en fait que l’égo, notre meilleur conseiller, celui qui nous parle habituellement, un vieil ami… Le guide doit être quelqu’un avec lequel on puisse parler, qui puisse nous comprendre, en qui l’on ait confiance, auquel on puisse s’en remettre et s’abandonner. L’approche spirituelle dans laquelle on essaie de suivre son propre chemin en prenant comme unique référence le choix de nos critères personnels nous expose à ce qu’on appelle l’auto-illusion. Il est utile de le faire au début, on a besoin d’un discernement, on a besoin de jugement, d’appréciation, c’est une étape préliminaire. Mais si l’on veut aller profond dans un cheminement, il est nécessaire de pouvoir s’en remettre à un enseignement.

Le guide intérieur, l’attitude d ‘« égodidacte » dans laquelle notre égo nous dicte et nous conseille ce qu’il est bon que nous fassions, est une approche qui n’a jamais permis de dépasser l’égo. L ‘« égodidactisme » est une voie de garage, un chemin qui ne mène nulle part. Si le dépassement de l’égo et de ses illusions est le propos central de toute voie spirituelle, il est nécessaire que cet égo puisse avoir une relation avec une tierce personne, relation dans laquelle s’instaure un processus qui permet l’abandon de l’égo et son dépassement. Ce guide n’est pas du tout quelqu’un qui va nous prendre par la main : suis-moi, je t’amène à l’Eveil …ce n’est pas quelqu’un qui va avoir une action active, qui va nous diriger au sens de nous dicter ce qu’il convient que nous fassions. C’est quelqu’un dont la présence active va être pour nous une référence qui nous permet de rencontrer nos propres illusions : il a une fonction de miroir. Il nous renvoie à nous-mêmes nos propres conditionnements, nos propres illusions et nous permet ainsi de les démonter, de les dépasser. Dans ce dépassement, il nous renvoie à nous-même notre propre sagesse fondamentale. Je le redis, ce guide est essentiel.

Nous pouvons en fait distinguer trois niveaux de guide.

Le guide est d’abord un enseignant, un instructeur, quelqu’un qui donne des avis, des conseils ou même des préceptes. C’est le guide au niveau du Hinayana. Il est un aîné, un ancien.

Au niveau du Mahayana, le guide acquiert une qualité beaucoup plus intime. Il est quelqu’un avec qui on partage ce que l’on est, ce qu’on expérimente. Il est ce qu’on appelle Kalyanamitra, c’est-à-dire un ami de bien ou ami spirituel ; c’est quelqu’un avec qui se développe une affinité, une amitié qui permet de s’ouvrir comme on a la possibilité et le plaisir de s’ouvrir à un ami, à une amie, une personne en laquelle on a vraiment confiance ; on a confiance qu’elle n’utilisera pas ce qu’on lui dévoile, qu’elle peut nous entendre, nous comprendre, on a confiance qu’on peut laisser tomber les faux-semblants, les conventions, les artifices qui constituent habituellement les modes de communication conventionnels, superficiels. Il y a dans cette amitié spirituelle une rencontre de deux esprits à un niveau profond et intime.

Ce n’est qu’après cette étape qu’une relation du Vajrayana, au sens fort, est véritablement possible. Elle est alors plus spécifiquement une relation de maître à disciple, d’un disciple à son lama-source avec une confiance qui, finalement, est sans réserve et dans la force qu’elle acquiert, permet une direction spirituelle au niveau le plus profond, de la façon la plus précise qui soit

Exergue : Une amitié qui permet de s’ouvrir, comme on a la possibilité et le plaisir de s’ouvrir à un ami.

Hinayana : Base du cheminement spirituel, le hinayana ou « petit véhicule » pose les principes de l’éthique, de la vigilance et de la réalisation du non-soi de la personne

Mahayana : Grand véhicule, voie ouverte des bodhisattvas qui met l’accent sur l’ « esprit d’Eveil «   : la compassion pour l’infinitude des êtres et la réalisation de la vacuité de tous les phénomènes.

Vajrayana : Véhicule du diamant, approche tantrique qui constitue une amplification du Mahayana par l’utilisation de « moyens habiles » nous introduisant à une pratique plus rapide et plus dynamique.

Extrait de « l’Eveil du cœur et de l’esprit », Sangha Rimay

 

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