Les trois stades de la confiance

Ringu Tulku Rinpoché

Lors d’une série d’enseignements sur le Précieux ornement de la Libération de Gampopa, Ringu Tulku a exposé les différents niveaux de confiance ou foi, et leur relation avec la dévotion.

Le mot tibétain dépa, est traduit habituellement par « foi » ou par « confiance » mais ce terme évoque également l’inspiration et la dévotion. Ceci montre la difficulté à traduire les textes du Dharma dans les langues occidentales, car retenir un seul mot est forcément réducteur.

A son premier niveau, la foi ou la confiance est celle qui vient de l’inspiration ; c’est ce que l’on ressent lorsque l’on voit un être éveillé, qu’on reçoit des enseignements d’un maître ou encore en lisant des textes du Dharma. Cela génère en nous une certaine inspiration, une forme de foi qui est une sorte de dévotion, un sentiment profond, une certaine inspiration.

Le second niveau dans la foi intervient lorsqu’on met en pratique les enseignements qui nous ont inspirés. On veut devenir comme le maître, on le prend un peu comme un exemple en pratiquant ce qu’il enseigne.

Il y a ensuite un troisième niveau dans la foi. C’est lorsqu’on a développé une confiance très solide de tous les points de vue. C’est celle qui vient à la fois de la compréhension et de l’expérience ; elle est importante parce qu’elle est le fondement de la voie spirituelle.

Ces trois types de foi sont interdépendantes quelque part, l’une peut amener à l’autre, mais ce qui est important, c’est d’arriver à ce troisième niveau qui est la véritable foi, la véritable confiance. Il ne s’agit pas de quelque chose que l’on peut fabriquer. On ne peut pas dire « Il faut absolument que j’ai de la dévotion, de la confiance ! », cela doit vraiment venir d’une compréhension, et plus la compréhension s’approfondit, plus cette confiance, plus cette foi se développe.

Quand la dévotion et la foi augmentent, c’est le signe de la compréhension. Donc plus on comprend, plus on a confiance. La compréhension génère de la dévotion, de la foi dans les enseignements qui, eux-mêmes, apportent plus de compréhension, et ainsi de suite, c’est donc un processus qui s’auto-alimente.

Cette confiance, cette dévotion est très importante parce que sans elle on ne peut pas parcourir le chemin. Donc il faut travailler pour l’acquérir et lorsqu’elle est présente, il n’y a rien qui puisse vraiment aller mal.

Parfois il est beaucoup plus difficile d’enseigner à des Tibétains qu’à des Occidentaux car ils sont bouddhistes et c’est tellement dans leur culture qu’ils n’ont pas de doute et ne posent aucune question. Mais en fait il n’y a pas de compréhension parce qu’ils acceptent trop. De plus certains mots leur sont tellement familiers qu’ils pensent les comprendre alors que ce n’est pas vraiment le cas.

En Occident, en revanche, les gens réfléchissent, ils n’acceptent pas les choses comme ça et posent des questions ; lorsqu’on commence à examiner, la compréhension peut se manifester et fonder la foi. Bien sûr, il existe une certaine sorte de foi émotionnelle, mais elle est considérée comme peu stable parce que si quelqu’un pose une question qui soulève un doute, vous pouvez la perdre, alors que si la foi repose sur la compréhension, elle est immuable.

La compréhension est en fait une forme d’expérience en elle-même. C’est notre premier niveau d’expérience et à partir duquel on peut aller plus loin. La compréhension doit aller au plus profond de nous-mêmes et fonder cette confiance, cette émulation, cette foi qui sont des éléments essentiel sur la voie.

La dévotion est en relation très étroite avec la confiance. Elle est évoquée dans dépa mais davantage dans le terme meugu qui est très plus proche de la première de foi : une sorte d’inspiration très puissante. On se sent profondément ému, touché dans le cœur, on pleure, on a les cheveux qui se dressent sur la tête… En fait c’est plus proche du fait d’aimer, d’apprécier une certaine forme d’amour.

La dévotion est une des émotions humaines les plus importantes, c’est un sentiment très clair et fort. Elle naît de la confiance, de l’abandon, de l’inspiration. Vous voyez quelque chose d’inspirant, de sacré, alors vous ressentez cette dévotion et vous êtes libres d’un tas de concepts, de “discursivité”. Par là même, vous devenez moins “intellectuel” moins conceptuel, cela vient davantage du cœur, c’est plus unifié. C’est pour cela que la dévotion est considérée comme un très bon moyen de méditation : elle fait ressortir la clarté de la conscience mais pas l’esprit discursif, trop intellectuel, ou conceptuel.

C’est pourquoi Mahamudra et Dzogchen sont beaucoup basées sur la dévotion, ces expériences ne peuvent venir que de la dévotion, sont considérées comme un moyen très adéquat à partir duquel l’expérience peut se produire.

Généralement Mahamudra et Dzogchen sont associés avec le Guru Yoga. Le gourou est l’être en qui vous avez le plus confiance, quelqu’un que vous respectez totalement, en qui vous pouvez vraiment avoir confiance et vous abandonner,. S’il y a un être au monde pour lequel vous ressentez la dévotion, c’est le gourou, et vous utilisez donc le Guru Yoga comme le moyen de méditation qui développe énormément la dévotion déjà présente.

Exergue : La dévotion est une des émotions humaines les plus importantes, c’est un sentiment très clair et fort.

Note : La compréhension, la discipline et la méditation : Prajna, shila et Samadhi, mots sanscrits, sont les principaux aspects de la voie du Dharma. Tous trois sont nécessaires et, ensemble, constituent une pratique opérative et complète.

Extrait d’un enseignement donné à Karma Ling en juillet 2002. Sangha Rimay

 

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