Le principe du mandala

Shenphen Hookham

Le docteur et Lama Shenphen Hookham présente, dans la perspective du mandala, un des exemples édifiants de l’expérience et de la compréhension du Dharma telle qu’elle peut s’exprimer dans notre langue et notre mentalité.

Il est important d’être conscient du monde de notre expérience comme une expression du principe du mandala. Cela signifie s’accorder à la dimension centrale et fondamentale de notre être. Cela permet de s’ouvrir à l’espace et ainsi d’être en mesure de se tourner vers l’expérience sans être submergé par elle.

Ces connexions et ces expériences peuvent être comprises comme nos samayas, car les samayas sont des liens auxquels on ne peut échapper et nous ne pouvons échapper aux liens que sont nos expériences et nos connexions. Bien que nous ayons la possibilité de choisir ce que nous en faisons, nous ne choisissons pas ce qu’elles sont. En étant conscients de nos connexions et en les respectant, nous nous relions au mandala de notre être. Mandala a le sens de quelque chose avec un centre et une périphérie. Cela renvoie à la structure et à la dynamique de tout ce qui se manifeste. Le centre du mandala influe sur la périphérie et celle-ci envoie des réponses au centre dans un échange d’énergie constant. Reconnaître la dynamique de toutes les connexions de notre mandala (c’est-à-dire les relations entre l’esprit, le corps, l’environnement, soi et autrui) est un aspect de l’intelligence et de la clarté de notre être.

Le principe du mandala consiste à être conscient de la structure et de la dynamique de l’expérience ainsi que de ses qualités spacieuses et sensitives. « Mandala » est un mot sanscrit qui signifie simplement centre et périphérie. En tant que tel, le principe du mandala est une expression d’ouverture spacieuse. Nous nous développons dans notre monde et notre monde apparaît dans l’espace de notre intelligence. Tout ce que nous avons à notre disposition n’est autre que ce monde qui apparaît dans l’espace de notre intelligence ; nous y sommes engagés de façon intime et, en fait, notre engagement est inhérent au monde. Nous sommes le monde. Cependant, d’une certaine façon, cela ne veut rien dire pour nous car nous nous concevons comme étant inclus dedans. C’est précisément là que nous faisons une petite erreur. Nous essayons d’être autre chose que la totalité de ce qui apparaît dans l’espace de notre intelligence, et c’est maladroit. Cela ne marche pas. Apprendre à travailler avec le mandala de son expérience, avec ce que nous sommes, c’est être vraiment ouvert. C’est expérimenter l’espace de notre être, notre monde, notre mandala.

L’étendue du principe du mandala est vaste. Il s’agit de parler de la totalité des phénomènes en utilisant un outil structurel simple. C’est une approche radicale de la conception et de l’expression de l’expérience et de l’univers, et donc quelque chose que nous n’allons pas pouvoir saisir immédiatement. Si nous nous y ouvrons, alors nous pourrons avoir quelques aperçus d’une nouvelle façon d’envisager notre expérience, une intuition fugitive comparable à celle qui peut surgir de la compréhension d’un problème mathématique ou autre avant d’en avoir débrouillé l’ensemble des détails. Vous avez soudain l’intuition ou le sentiment direct que vous connaissez la solution, vous connaissez la direction à emprunter pour obtenir la réponse. Le mieux est donc de se familiariser avec le principe du mandala dans un esprit ouvert et curieux en se demandant, au fur et à mesure que vous avancez, si cela va mener quelque part ou non. Juste prendre note des choses et rester ouvert et curieux. C’est tout ce qui est demandé.

Tous les enseignements bouddhiques élaborés sont fondés implicitement sur le principe du mandala. C’est pourquoi une introduction à cette dimension offre un outil pour commencer à entrer dans l’intelligence d’enseignements et de pratiques plus complexes. Cela donne aussi un outil pour laisser émerger plus de clarté et d’intelligence dans notre vie quotidienne, et c’est sans doute le plus important. Notre vie se présente à travers des schémas complexes auxquels nous devons répondre, avec lesquels nous devons travailler, pour lesquels nous devons prendre des décisions, à propos desquels nous sommes amenés à penser. Penser en termes de mandala peut introduire plus d’ouverture, de clarté et de sensitivité dans nos situations.

Les enseignements bouddhiques sont souvent explicites à propos de l’impermanence des choses et de la nécessité de « laisser tomber ». Implicitement cependant, un besoin d’intelligence de la dynamique et des formes ou de la trame qui structurent la réalité est nécessaire pour agir efficacement. Le principe du mandala est un nom pour désigner l’essence de cette dynamique et de sa trame qui habitent au coeur de l’univers et au plus profond du noyau de notre être. Cela se manifeste dans la multitude des motifs que nous voyons autour de nous qui, bien que très complexes, sont structurés sur la base de principes simples que nous pouvons découvrir dans notre propre expérience et avec lesquels nous pouvons travailler. La simplicité est trompeuse pourtant. Fondamentalement, nous parlons du mandala ultime comme d’une expression de la réalité non-conceptuelle, insaisissable par la pensée. En tant que tel, cela n’est pas lié au temps et à l’espace. Le temps et l’espace sont des concepts qui émergent de cela en conformité avec les principes du mandala. Tout comme en mathématique se pose la question de savoir ce que sont en essence les objets mathématiques tels que le point et la ligne, en explorant le principe du mandala, la question qui se pose est : quelle est la nature de la réalité, l’ultime mandala qui est à découvrir en son coeur ?

Extrait de The principle of the Mandala , un article inédit qui expose dans une synthèse lumineuse les neuf aspects du mandala à partir des sources traditionnelles.

 

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