La genèse du mandala

Kyabdjé Kalou Rinpoché

Pourquoi quelque chose plutôt que rien ? La vision offerte par Kalou Rinpoché donne quelques éléments de réponse à cette question vertigineuse dans un texte qui peut paraître difficile mais essentiel et éclairant.

La nature de bouddha, le fondement universel, est depuis toujours : vide (ouverture non dualiste), clarté (luminosité-lucidité) et absence de blocage (empathie libre de saisie). Elle est la grande expérience primordiale naturelle, la sève essentielle des cinq éléments.

Son essence véritable n’étant pas comprise, elle est voilée par l’obscurcissement de l’ignorance et devient le substrat universel du samsara : la conscience fondamentale (alayavijnana) ou huitième conscience. Celle-ci englobe et pénètre tout, c’est la base à partir de laquelle apparaissent toutes les illusions. Nous la comparerons à un maître ou à un roi.

Ensuite (au niveau impur ou habituel) : à la vacuité se substitue le moi, à la clarté l’autre et à l’absence de blocage toutes les attractions, répulsions et aveuglements… C’est ainsi qu’apparaît le mental souillé, la septième conscience avec son entourage.

Explicitons : initialement, comme irradiation propre de la vacuité, de la clarté, de la mobilité, de la solidité et de la continuité se développe l’apparence des cinq lumières hyper-subtiles : bleue, rouge, verte, jaune et blanche et de celles-ci se développent les apparences des cinq éléments : espace, feu, air, terre et eau. C’est ainsi que l’agrégat de la conscience fait apparaître les apparences illusoires et, s’appuyant sur celui-ci, apparaissent d’abord le corps mental puis, en connexion avec celui-ci : des sensations, des conceptions et des informations ; il y a alors quatre constituants et demi de l’individualité. Ceux-ci se combinent ensuite aux éléments extérieurs : à la semence paternelle, au sang maternel, etc. Ils incluent les cinq éléments en tant que cavités, chaleur, respiration, chair et sang et constituent alors l’aspect concret du constituant de la forme grossière à pleine maturité. C’est en s’appuyant sur celui-ci qu’apparaissent les six facultés sensorielles : visuelle, auditive, olfactive, tactile, gustative et mentale. Reposant sur celles-ci, semblable aux fils du roi de notre exemple, apparaissent aussi, du coté de la conscience ou expérience duelle, le mental passionnel avec ce qui est non vertueux et, du côté de l’expérience primordiale ou originelle, le mental vertueux avec la confiance, la compassion et les compréhensions supérieures…

Semblables aux envoyés (du roi et du prince) apparaissent les consciences des six champs sensoriels (les six premières consciences) et à celles-ci apparaissent leurs six types d’objets : formes, sons, odeurs, saveurs, touchers et phénomènes mentaux.

Puis, semblables à ceux avec qui se concerte notre prince, le mental souillé, avec les six facultés sensorielles, les six types d’objets et les six consciences, s’accumulent de nombreuses causes, facteurs et connexions qui, par des myriades de conceptions illusoires, asservissent le corps, la parole et l’esprit. Les karmas variés qu’elles produisent sont, en tant que propensions, semblables à des graines plantées dans le terrain de la conscience fondamentale. Et, pour prendre l’exemple d’une récolte qui fructifie à partir de ces graines par l’agencement de nombreux facteurs interdépendants tels qu’engrais, chaleur, humidité, etc., sur les graines que sont ces karmas antérieurs s’agencent similairement différentes causes, facteurs et connexions qui font que des bonnes semences viennent les états d’existences supérieures et la libération et que, des mauvaises, viennent les états d’existences inférieures et le cycle des existences conditionnées.

Cet enseignement fut donné par Kalou Rinpoché à Stockholm, en 1974, en réponse à une question de Lama Denys qui a réalisé la traduction à partir du tibétain.

 

<<Retour à la revue