Mourir avec l’esprit d’Éveil

Lama Zopa Rinpoché

Mourir avec l’esprit d’Éveil signifie mourir en faisant le souhait que les êtres soient libérés de la souffrance et de ses causes. Lama Zopa Rinpoché explique comment accompagner le mourant tout au long des étapes du processus de la mort. Que la personne soit bouddhiste ou non, il enseigne que la récitation de mantras et les visualisations faites en sa présence sont des empreintes qui influenceront positivement son continuum de conscience et lui permettront de rencontrer la voie dans ses existences futures.

Comment être utile aux mourants

Donner l’inspiration à la personne afin qu’elle puisse penser aux autres avec bonté, amour et compassion, afin qu’elle souhaite que les autres soient heureux et libres de souffrance, est ce qu’il y a de mieux. Si une personne meurt avec la pensée d’être utile aux autres, alors son esprit est naturellement heureux et cela donne du sens à sa mort.

Suivant les capacités de la personne, on peut lui enseigner la méditation de « prendre et donner », ou tonglen, qui consiste à prendre les souffrances des autres sur soi et leur offrir son propre bonheur. Si la personne est d’une nature très compatissante, si elle a un « esprit courageux », elle sera capable de faire tonglen, de prendre la souffrance et d’offrir du bonheur. Si la personne peut faire tonglen, c’est la meilleure façon de mourir puisque cela signifie mourir avec l’esprit d’Éveil, ou bodhicitta. Un de mes maîtres appelle cela « une mort qui se nourrit d’elle-même ».

Pour ceux qui ne peuvent concevoir qu’autrui est plus important que soi, alors il leur sera plus facile de souhaiter que les autres soient heureux et sans souffrances. Il est très important de connaître l’esprit de la personne. On doit en effet enseigner en fonction de ses capacités. Voyez sur le moment, utilisez votre propre sagesse et estimez la profondeur de la méthode que vous allez présenter. Le mieux serait de pouvoir donner au mourant une idée du processus de la mort selon les tantras : l’évolution de la dissolution des éléments, des sens, de la conscience, jusqu’à la conscience subtile.

Quant aux personnes qui ont perdu leur capacité de compréhension, celles qui sont dans le coma ou atteintes de démence, il est peu probable qu’elles comprennent. Notre aide doit viser à ce qu’elles atteignent au moins une parfaite renaissance humaine. Tel doit être notre but, il n’est pas nécessaire que la personne croie au karma, mais qu’elle meure dans un état d’esprit positif, de bonté aimante, de compassion ; c’est un don de valeur que nous pouvons lui faire. Notre but principal est que le corps physique soit soulagé afin de nous consacrer à l’esprit, afin de le tourner vers le positif, pour que la personne puisse au moins mourir sans colère, sans désir, etc. Vous devriez apprendre diverses méthodes bénéfiques pour l’apaisement de l’esprit. Faites-vous une idée du niveau de méthode à offrir.

Si par exemple on visualise le Bouddha, dans son esprit ou extérieurement, ou si on observe la nature conventionnelle de l’esprit, sa clarté, d’autres pensées telles que la colère et l’attachement ne surgissent pas. Si l’on peut faire cela au moment de la mort, on ne renaîtra pas dans les royaumes inférieurs. Tout dépend de l’esprit de la personne. Suivant l’esprit de la personne, vous pouvez parler « d’être totalement éveillé », plutôt que de mentionner le terme sanskrit de « bouddha ». Si c’est plus habile vous pouvez parler de Dieu, Dieu compatissant ou Dieu aimant ou l’Omniscient. Expliquez-lui que son esprit, son cœur, sont totalement purs ; que Le Pleinement Éveillé, Dieu, est compatissant envers tous, elle y compris. Amenez-la à penser que son cœur plein d’amour est un avec Dieu ; que le royaume de Dieu est en elle ; cela libère les gens de la culpabilité, la colère, les pensées négatives.

Les initiations et les vœux ne protègent pas des royaumes inférieurs. Par contre les mantras aident la personne à atteindre une renaissance supérieure, une fois que son karma négatif est épuisé. Même si la personne ne souhaite pas entendre de mantra, quand vous en prononcez en sa présence, une empreinte positive est déposée dans son esprit. Un jour ou l’autre, elle rencontrera la voie et aura la capacité de pratiquer les enseignements, d’éliminer les perturbations et d’atteindre l’Éveil. Même si ça la met en colère d’entendre des mantras, et qu’elle meurt en colère, c’est toujours mieux que de ne pas entendre de mantra et de demeurer paisible. De cette façon, pas à pas, le karma de la personne l’amène sur le sentier du Mahâyâna et de l’Éveil.

Aider pendant le processus de la mort

Si vous avez étudié le processus de la mort, vous pourrez reconnaître – pendant que la personne est réellement en train de mourir – les étapes que la conscience traverse, les éléments qui sont en train de se dissoudre, etc. Il est mieux que la famille ne pleure pas, puisque cela génère de l’attachement dans l’esprit du mourant. Il existe des sons qui aident la conscience au moment de la mort, des sons bénéfiques, des mantras, etc. En dehors de cela, il est mieux de rester silencieux, de ne pas faire de bruit. On devrait enseigner à la famille comment créer cette atmosphère.

Il est possible de donner des médicaments contre la douleur afin d’aider la personne à pouvoir penser. Mais prescrire des médicaments pour soulager l’angoisse n’est pas bon. Etre sous calmant au moment de la mort empêche de purifier les karmas négatifs. L’angoisse devient profitable si la personne peut en faire l’expérience. Il est difficile de faire la différence. Souvent les familles souhaitent que le patient reçoive des calmants mais c’est plutôt pour leur propre confort que pour celui du patient.

Au moment de la mort, invitez la sangha à chanter des mantras, d’une façon tonique à la manière des Chinois. Lorsqu’ils chantent ainsi, la personne ressent qu’il n’y a rien de plus important que le Bouddha Amitabha. Elle se sent protégée, soutenue et guidée. Chanter le nom des trente-cinq bouddhas est extrêmement puissant ; les gens peuvent venir chanter ensemble.

On peut placer un stoupa sur la poitrine ou la tête de la personne ou le lui faire tenir. Chaque fois qu’elle est en contact avec le stoupa, du karma négatif est purifié. Même si la conscience a déjà quitté le corps, il est encore bénéfique de toucher le corps avec un stoupa. C’est également bon pour les bébés ou pour les gens qui ne comprennent pas. On peut même dire aux non-bouddhistes que le stoupa est dédié à la paix, à la guérison ou la purification. La personne peut visualiser que le stoupa irradie de la lumière. Il est bon d’avoir toujours quelques stoupas à portée de main, pour la guérison ou pour dissiper les nuisances causées par des esprits.

Aider lorsque la respiration a cessé

La première chose que l’on peut faire lorsque la respiration a cessé est la pratique du Bouddha de Médecine, en groupe ou individuellement (même pour un animal), chanter les noms ainsi que les mantras. Le Bouddha de Médecine a promis que quiconque chanterait son mantra ou sa prière verrait tous ses souhaits et prières réalisés. Le pouvoir de la prière a été atteint par le Bouddha de Médecine, ce qui donne de la puissance au succès des prières. Un des dix pouvoirs est celui de la prière, donc priez comme si vous étiez l’agent du Bouddha de Médecine, de la part de celui qui vient de mourir. Ensuite vous pouvez pratiquer le transfert de la conscience vers la terre pure d’Amitabha ou accomplir d’autres pratiques.

Au Tibet, lorsque la respiration cesse, personne ne touche le corps avant qu’un lama du village ait accompli powa* ; c’est important. Observez les signes indiquant que la conscience a quitté le corps (après powa, par exemple) : la goutte blanche, sous forme de pus ou d’eau quitte la narine, ou, pour une femme, du sang ou de l’eau s’écoule de la partie inférieure du corps. Tout d’abord, tirer les cheveux au centre du crâne vers l’arrière, afin que la conscience s’échappe par là. Des cheveux peuvent aussi tomber au niveau de l’arrière du crâne.

Se préparer à la mort au cours de la vie

Sa Sainteté affirme qu’il est difficile de vraiment méditer au moment de la mort comme on l’a fait durant sa vie. Si au cours de sa vie on ne pouvait pas bien méditer, alors au moment de sa mort on ne pourra pas soutenir la concentration. L’essentiel est d’avoir accumulé des mérites et accompli des purifications quotidiennes en relation avec les êtres sensibles ; il faut avoir servi autrui avec un cœur sincère, de la bonté aimante et de la compassion. Il faut également avoir fait des offrandes au gourou, les Trois Joyaux.

La pratique du bon cœur durant la vie, c’est-à-dire bodhicitta, purifie tellement de karma négatif, même très lourd et empêche d’en créer plus. Le karma négatif fait que l’esprit connaît l’expérience de la peur de la mort. Bodhicitta arrête tout particulièrement les souffrances incommensurables, la souffrance des renaissances qui est produite ultérieurement par ces actions négatives. On devrait vivre dans l’éthique, prendre les préceptes devant un maître spirituel ou les objets saints. Le Lam Rim explique les quatre méthodes pour accumuler des mérites puissants et vastes. On devrait s’y appliquer dans la vie quotidienne, tout en menant les activités ordinaires, manger, dormir, marcher, etc., plutôt que d’accomplir ces actions par désir, sous l’emprise de l’attachement au samsara.

* powa ou transfert de conscience dans un champ pur de Bouddha, principalement la terre pure d’Amitabha, le Bouddha de Lumière Infinie. On s’entraîne au powa pendant cette vie afin de rendre possible le transfert de la conscience au moment de la mort.

Enseignement inédit de Lama Zopa Rinpoche, transcrit par la Fondation pour la Préservation de la Tradition Mahayana (FPMT)

Exergue 1 : Il n’est pas nécessaire que la personne croie au karma, mais qu’elle meure dans un état d’esprit positif, de bonté aimante, de compassion ; c’est un don de valeur que nous pouvons lui faire.

Exergue 2 : Suivant l’esprit de la personne, vous pouvez parler « d’Être totalement éveillé », plutôt que de mentionner le terme sanskrit de « Bouddha ». Si c’est plus habile, vous pouvez parler de Dieu, Dieu compatissant ou Dieu aimant ou l’Omniscient.

 

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