Méditation sur la vacuité

Khenpo Tsultrim Gyamtso Rinpoché

Dans son ouvrage Méditation progressive sur la vacuité, Khenpo Tsultrim analyse les différentes vues philosophiques de la voie du Bouddha, dans leur approche de la vacuité. Dans la perspective du Madhyamika Rangtong, la pratique de la méditation est sensiblement la même dans les approches Svatantrika et Prasangika, elle se décline en base, voie et fruit.

L’approche des Prasangika de la méditation sur la vacuité peut se scinder en trois parties :

la base : les deux vérités

le chemin : les deux accumulations

le fruit : les deux corps (kayas)

Cette présentation en base, chemin et fruit, est aussi présente chez les Svatantrika. On se rappelle que ceux-ci soulignent particulièrement la vérité relative de l’apparence des phénomènes et la vérité absolue de leur vraie nature.

La base

La méthode des Prasangika consiste à laisser reposer dans la vacuité l’esprit qui appréhende l’inséparabilité des deux vérités, dans un état dénué de tout effort conceptuel, parfaitement naturel et non imaginaire.

En-dehors du temps de méditation, il faut cependant se garder de croire qu’il n’est pas nécessaire de pratiquer lE dharma et d’accumuler du mérite sous prétexte qu’aucune des deux vérités n’a de réalité. L’abandon de tout concept de bien et de mal, de bonheur et de malheur, etc., est sous entendu durant la méditation et non dans l’activité courante. Dans la vie active, il est indispensable de renoncer d’abord à toutes les actions nuisibles du corps, de la parole et de l’esprit, puis de se défaire de la croyance en la réalité de la souffrance ; ensuite il devient possible d’abandonner l’attachement aux bonnes actions, car toutes ces notions sont sans réalité. Finalement, toutes les conceptions de bien ou de mal, de juste ou de faux, tout jugement et toute discrimination sont éliminés.

Il faut être prudent et ne pas confondre ce qu’il faut abandonner pendant la méditation, et ce qu’il faut abandonner après la méditation ; il ne faut pas se méprendre non plus sur les différents niveaux de l’enseignement.

Ainsi, la base de la méditation est de laisser naturellement l’esprit dans l’inséparabilité des deux vérités, la vacuité sans artifice.

Le chemin

Le chemin consiste en les deux accumulations :

l’accumulation de mérite par la pratique des prosternations, des offrandes, etc.

l’accumulation de sagesse par la réalisation de la vacuité.

Le point important est de comprendre qu’il n’y a pas un atome de vrai dans chacune des accumulations. L’esprit étant naturellement vacuité, il n’a pas besoin d’être dompté par quoi que ce soit. Il a seulement besoin de se libérer de tout assujettissement pour pouvoir s’éveiller à sa vraie nature, la vacuité.

Durant la méditation, des manifestations étranges peuvent surgir, telles que des dieux ou des démons. Dieux et démons ne sont ni bons ni malfaisants, ils sont identiques en la vacuité. En vérité, il n’y a ni bien ni mal ni quelque notion que ce soit. Enoncer la vacuité de l’esprit ne signifie pas qu’il est inexistant comme la « corne d’un lièvre » : l’inexistence n’est que la négation d’un concept, c’est-à-dire un autre concept. Il ne faut pas non plus méditer sur la vacuité de l’espace vide qui est encore une idée conceptuelle. Laisser l’esprit demeurer dans la vacuité, c’est en comprendre la vraie nature, sans qu’il soit nécessaire d’imaginer, d’interpréter, d’élaborer ou d’avoir un point de référence. On laisse au contraire l’esprit reposer dans son état naturel serein et ouvert dans l’étendue de la vacuité.

Le fruit

Le fruit est constitué par les deux corps des Bouddhas, le dharmakaya ou corps de vacuité et les corps formels, qui sont tous les deux vides de toute existence réelle.

Le dharmakaya est selon le point de vue Prasangika RangTong, la vacuité sans point de référence. Les corps formels sont le corps de béatitude et le corps d’émanation des bouddhas. Ils apparaissent selon les consciences sensorielles des êtres qui les perçoivent, mais ils n’ont pas plus d’existence réelle que des apparences oniriques.

En définItive, la base, le chemin et le fruit sont vacuité sans artifice.

La thèse des Svatantrika sur la vérité relative de la manifestation des phénomènes et la vérité absolue de leur véritable nature n’est pas définitive. En effet, dans l’état de rêve, les apparences qui se manifestent à la conscience du rêveur lui semblent réelles tant qu’il n’est pas éveillé de son rêve, mais dès qu’il s’éveille, il se rend comprte de leur irréalité, aussi bien relative qu’absolue. Les rêves ne sont ni existants, ni non-existants, ni existants et non-existants à la fois, ni même la négation de ces deux. Il en est de même pour la nature ultime de tous les phénomènes.

Ainsi, la voie de la réalisation n’est nullement d’interpréter ou d’imaginer la vacuité, mais bien de la voir telle qu’elle est.

Extrait de Méditation sur la vacuité Éditions Dzambala, 1994

Exergues :

« Dans la vie active, il est indispensable de renoncer d’abord à toutes les actions nuisibles du corps, de la parole et de l’esprit. »

« L’esprit étant naturellement vacuité, il n’a pas besoin d’être dompté par quoi que ce soit. »
« En définitive, la base, le chemin et le fruit sont vacuité sans artifice. »

 

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