Signes de la Vacuité

Kalou Rinpoché

Dans ce texte synthétique, Kyabjé Kalou Rinpoché explique, en termes d’expérience, comment est reconnue la vacuité à travers les trois états de veille, de rêve et de bardo.

Tout peut se ramener à deux choses : Le samsara et le nirvana.
Ce qu’on appelle « samsara » a pour essence la vacuité, pour apparence la méprise, et pour attribut premier la souffrance.
Ce qu’on appelle « nirvana » a pour essence la vacuité, pour apparence la fin de la méprise, et pour attribut premier la libération de toute souffrance.

Gampopa

Celui qui réalise la vraie nature de l’esprit comprend en même temps que tous les phénomènes, les choses et les êtres, les univers et tous ceux qui les peuplent, ne sont autres qu’une production de l’esprit, vide en essence.

Un certain nombre de signes nous indiquent la vacuité de l’esprit et l’absence d’entité propre des phénomènes, mais nous n’y prêtons généralement pas attention.

Au moment de la conception, lorsque l’esprit entre dans le ventre de la mère, les parents ne peuvent le voir. Aucun effet matériellement perceptible ne permet de déceler sa venue.

Au moment de la mort, de la même manière, même si le mourant est entouré de nombreuses personnes, nul ne voit l’esprit sortir du corps. Nul ne pourrait dire : « il est parti par ici », ou bien : « il est parti par là ».

Peut-être avons-nous étudié de très nombreuses années et emmagasiné un grand nombre de connaissances. Elles ne sont pourtant ni dans une armoire, ni dans une maison, ni dans votre poitrine. Elles ne sont nulle part, car dépourvues d’existence en soi. Elles sont emmagasinées dans la vacuité.

La nuit, endormis, nous rêvons et nous apparaît tout un monde, avec des paysages et des villes, des hommes, des animaux, et tous les objets des sens, sur lesquels se greffe un mouvement émotionnel fait de désir, d’aversion, etc. Au cours même du rêve, nous sommes persuadés de l’existence réelle de tous les phénomènes oniriques. Pourtant, une fois que nous sommes réveillés, ils ont disparu. Ils n’existent nulle part en dehors de l’esprit du rêveur.

C’est le même processus qui se déroule durant le bardo du devenir. Formes, sons, odeurs, saveurs, etc. sont perçus comme réels. Les apparences manifestées lors de la vie qui s’est achevée n’ont alors plus d’existence. Puis, quand l’esprit entre à nouveau dans une matrice, ce sont alors les apparences du bardo qui s’évanouissent et n’existent plus nulle part.

La veille, le rêve, le bardo n’ont en fait pas de réalité en soi ; ce ne sont que des manifestations de l’esprit auxquelles nous accordons, à tort, une entité propre. Ces trois états sont décrits comme trois corps :

– Le corps de maturité karmique désigne le corps et l’environnement perçus lors de l’état de veille, qui est le résultat, après un long processus de maturation, de karmas accumulés dans les vies passées.

– Le corps des conditionnements latents se réfère au corps et à l’environnement du rêve.

– Le corps mental, enfin, nomme le corps et l’expérience du bardo, régis par la seule pensée.

Par la succession continue de ces trois corps se déroule toute notre expérience dans le cycle des existences, faussement pris pour réel.

Extrait de Paroles et visages de Kalou Rinpoché,lama du Tibet, Claire Lumière, 1986

Exergue :

« Au cours même du rêve, nous sommes persuadés de l’existence réelle de tous les phénomènes oniriques. »

« La veille, le rêve, le bardo n’ont en fait pas de réalité en soi ; ce ne sont que des manifestations de l’esprit »

Définitions :

Bardo : mot tibétain signifiant « état intermédiaire » ou « entre deux ». On utilise souvent ce terme pour désigner le temps entre une mort et une renaissance, mais en fait tous les instants sont des bardos. On considère en général 4 grands bardos dans l’expérience humaine. : le bardo de la naissance à la mort, le bardo de la vacuité, le bardo du devenir, le bardo du moment de la mort, auxquels on peut ajouter le bardo du rêve et le bardo de la méditation.

 

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