Les 14 transgressions majeures dans le vajrayana

Kyabdjé Kalou Rinpoché

La pratique du Vajrayana suppose d’établir avec le lama un lien particulier appelé samaya qui constitue un pacte sacré. Dans ce cadre le pratiquant doit respecter des engagements spécifiques. Kalou Rinpoché expose ici les transgressions majeures par rapport à ces engagements.

Le processus d’initiation nous introduit formellement à la voie du Vajrayana, aussi est-il considéré comme le moment à partir duquel notre engagement à ce niveau de samaya est effectif. (…)

Sur un plan pratique, les considérations les plus importantes pour quelqu’un qui se soumet à la pratique du Vajrayana sont les quatorze transgressions-racine, généralement énumérés dans un ordre spécifique parce que la première est considérée comme plus grave que la deuxième, et la deuxième davantage que la troisième, etc. (…)

La première transgression-racine est de contredire notre gourou. Jusqu’au moment précis où nous avons reçu de quelqu’un – dès lors reconnu pour notre lama-vajra – initiation et enseignement, il est parfaitement approprié de se livrer à l’endroit de cette personne à un examen critique pour déterminer si cet enseignant est un maître authentique et susceptible de nous convenir. Toutefois, une fois la relation établie et acceptée avec lui, devenu notre maître en Vajrayana, la seule attitude convenable est la complète confiance. Qu’il soit réellement éveillé ou non, nous devons considérer ce maître comme un bouddha éveillé. Si nous développons à son égard des vues négatives, l’abusons ou commettons quelque action qui lui déplaise, alors nous commettons la première transgression-racine du Vajrayana. (…)

La deuxième transgression-racine du Vajrayana est de contredire ou réfuter les enseignements du Bouddha ou les enseignements personnels reçus de notre gourou. Cela implique l’obéissance à ce que notre gourou nous dit de faire, ou au moins l’effort de le faire du mieux que nous le pouvons. (…)

La troisième transgression-racine du Vajrayana concerne notre relation avec nos frères et sœurs vajra auxquels nous a relié le fait d’avoir reçu l’initiation, des mêmes maîtres ou dans le même mandala. La seule relation appropriée au contexte de samaya est une relation harmonieuse et mutuellement serviable entretenue entre nous-mêmes et nos frères et sœurs vajra. Querelles, rancune, compétition, attitudes malveillantes les uns envers les autres, chamailleries et discorde mutuelles sont totalement hors de propos du point de vue du samaya. Nous devons respecter le lien très important que notre engagement au Vajrayana a établi avec ces êtres. Le lien existe et nous devons nous efforcer de promouvoir l’harmonie et l’accord mutuel, l’aide et la bienfaisance réciproques, autant qu’il est possible au sein du sangha vajra.

La quatrième transgression-racine est de briser notre vœu de bodhisattva en développant une attitude injurieuse ou négative à l’égard de quelque être que ce soit, si insignifiant paraisse-t-il être ; nuire, se dispenser de protéger ou éviter d’être bénéfique à quelqu’un si nous le pouvons non seulement viole notre vœu de bodhisattva sur un plan essentiel, mais constitue du point de vue de la pratique tantrique la quatrième transgression-racine.

Dans la pratique du Vajrayana, ces quatre premiers préceptes sont les plus cruciaux tant du point de vue de leur importante préservation que de la gravité à les contredire.

La cinquième transgression-racine concerne l’endommagement de deux forces qui sont nommées les bindu blanc et rouge et sont intimement reliées dans notre corps aux processus sexuels. Dans la méditation du mahamudra, particulièrement lorsque nous utilisons les techniques tsa-lung qui ont quelque chose à voir avec les chakra et l’énergie connaissante (prajña) qui se déplace dans divers canaux subtils, ces bindu blanc et rouge sont la base du développement méditatif de la félicité et de la vacuité. Dans la mesure où l’accent est mis sur ces bindu pour une pratique convenable, il est recommandé au pratiquant tantrique d’éviter d’endommager ou d’abîmer ces forces par l’activité sexuelle.

La sixième transgression-racine concerne notre propre système spirituel et celui des autres. Du point de vue du Vajrayana, c’est un manquement majeur de dénigrer ou d’injurier quelque système spirituel que ce soit, qu’il soit bouddhiste ou non bouddhiste.

Le septième vœu est relatif à la révélation des enseignements secrets à ceux qui ne sont pas capables de les recevoir : discuter de concepts très profonds et secrets de la pratique du Vajrayana avec ceux qui ne sont pas préparés à les accepter, qui les rejettent ouvertement ou qui ne sont pas préparés à s’impliquer eux-mêmes dans le processus tantrique de quelque façon que ce soit.

La huitième transgression-racine consiste à considérer notre corps physique, ou les skandha ou agrégats de notre constitution psycho-physique, comme impur et ignoble. La raison pour laquelle il y a là transgression est que le Vajrayana voit toute chose comme sacrée. Toute apparence est la forme d’une divinité, tout son est le son d’un mantra, toute pensée et toute conscience sont le jeu divin de la conscience transcendante, de l’expérience du mahamudra. (…)

La neuvième transgression-racine est d’entretenir des doutes ou des hésitations quant à notre implication dans la pratique tantrique. Idéalement, nous devons avoir une complète confiance en ce que nous faisons dans le tantra. (…)

La dixième transgression-racine semblerait à première vue ne pas devoir s’appliquer à notre cas, mais est cependant importante à mentionner. Les textes disent que dans certaines situations, si des êtres se comportent de façon extrêmement diabolique, source d’un karma particulièrement négatif qui les enverra inévitablement vers un état inférieur de renaissance et cause un préjudice infini aux autres êtres, il est possible à un pratiquant tantrique avancé et animé d’un état de compassion suprême de mettre fin à l’existence de tels êtres et de les libérer d’une telle négativité. (…)

La onzième est relative aux extrêmes dans notre regard ou vision extérieurs. Deux extrêmes sont à éviter : le réalisme naïf, en vertu duquel nous présumons que toute chose expérimentée est absolument réelle, sans aucune autre possibilité d’accéder à une réalité ultime ou l’assimilation de shunyata avec un nihilisme radical nous inclinant à croire que rien n’existe, que rien n’est vrai et que la notion de karma est mensongère. Tomber dans l’un ou l’autre de ces extrêmes – le réalisme ou le nihilisme naïfs – revient à s’éloigner de la vision juste de la pratique tantrique et constitue la onzième transgression-racine.

La douzième réside dans le refus d’enseigner à quelqu’un de sincère et d’intéressé qui vient à nous afin de recevoir avec confiance un enseignement. Si nous sommes capables d’enseigner et si nous rechignons et ne le faisons pas, nous commettons la douzième transgression-racine.

Notre attitude à l’égard de la pratique et du rituel tantriques et l’approche que nous en avons peuvent être à l’origine de la treizième transgression-racine. Si nous participons à un ganachakra, à une fête vajra, où la consommation rituelle de viande et d’alcool est pratiquée, et que nous nous abstenions de l’une et de l’autre sous prétexte qu’il y a là impureté et contradiction avec nos convictions et principes, nous avons alors échoué dans l’appréciation juste de la vision tantrique qui cherche à transcender pureté et impureté et plus généralement toute pensée dualiste ; nous avons échoué à saisir l’esprit de ce processus tantrique de transformation et à y participer. S’adonner à ce type d’attachement superficiel aux apparences durant le cours d’un rituel tantrique revient à commettre la treizième transgression-racine et aller à l’encontre de l’esprit de notre pratique tantrique.

Enfin, la quatorzième transgression est dans le dénigrement des femmes, soit par une disposition mentale tendant à les considérer comme inférieures aux hommes, soit par l’expression verbale de telles opinions.

Extrait de « Instructions Fondamentales », Albin Michel, 1990.

 

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