Éthique de la relation maître et disciple

Jamgœun Kongtrul le Grand

La transmission du Dharma s’inscrit dans une relation saine entre l’enseignant, l’enseignement et le réceptacle qu’est le disciple ou l’étudiant. La responsabilité et l’engagement sont partagés et établis sur la base d’une confiance mutuelle et de la bonne adéquation entre le contenu des enseignements et celui qui les reçoit. Jamgœun Kongtrul le Grand évoque les conditions nécessaires à cette harmonie.

Comment suivre le maître de sagesse

Jamgœun Kongtrul indique que la relation enseignant-étudiant se crée et se nourrit en deux étapes. Il doit d’abord y avoir un examen mutuel, soigneux, de la part du maître de sagesse et de l’étudiant puis ils entrent en relation. De cette manière l’étudiant atteint l’illumination et le maître remplit son engagement à guider les êtres sensibles vers l’illumination ; il est donc très important que la relation soit pure, non contaminée par la négativité et qu’elle ne soit pas rompue (…).

Kongtrul écrit qu’après avoir établi l’attitude juste, l’étudiant suit alors le lama dans l’action. Il énumère trois méthodes principales pour suivre le lama : lui faire des dons matériels et le couvrir d’honneurs, le respecter et mettre en pratique ses enseignements (…). Patrul Rinpoché, dans Les instructions orales de mon excellent lama, répète que la meilleure offrande est celle de la pratique. Bien que le lama soit satisfait par trois types de service, il est dit que l’offrande suprême est celle de la pratique. Ceci implique de persévérer dans la pratique de tous les enseignements dispensés par le lama et de supporter toutes les difficultés. La manière intermédiaire d’honorer votre lama est en faisant ce qu’il vous demande de faire de votre corps, de votre parole et de votre esprit. La manière inférieure consiste à lui faire des offrandes matérielles généreuses, telles de la nourriture ou des richesses.

Comment enseigner le Dharma

Kongtrul écrit : Pour les esprits supérieurs, enseigner en utilisant des enseignements profonds et complets. Pour les intelligences moins élevées, expliquer en utilisant des mots faciles à retenir, simples à comprendre. Ensuite, précisément et subtilement couper les connections qui sont opposées. Ceux qui sont timorés, il faut les encourager ; si leurs esprits sont excités ou somnolents, détournez-les de tous ces défauts.

Examen mutuel

Pour déterminer s’ils peuvent entamer une relation spirituelle, le maître semblable au diamant et le disciple doivent d’abord s’examiner mutuellement.

Un maître spirituel qualifié

Doit soigneusement tester l’étudiant.

Comme le forgeron habile va fondre le minerai

Pour déterminer la valeur de l’or,

Ou comme un yogi va vérifier les signes d’une partenaire consacrée,

L’enseignant doit confirmer la valeur de l’étudiant.

Afin d’éviter les conséquences malheureuses,

Le maître et l’élève doivent tous deux

Examiner en détail leurs caractères mutuels (…).

Écouter avec respect

Le disciple doit éliminer les trois défauts du vase, les six manières incorrectes d’écouter. Il doit se considérer comme un malade, considérer la doctrine comme la médecine et le maître comme le médecin.

Le discours [de longueur moyenne sur la sagesse transcendante] indique :

Ecoutez avec application, écoutez attentivement et gardez à l’esprit [ce que vous entendez] ! Je vous enseignerai.

Ces mots [du Bouddha] indiquent la manière dont il convient d’écouter [les instructions spirituelles] en éliminant d’abord les trois défauts comparables à ceux du vase. “Ecouter avec attention” signifie éliminer le défaut du vase retourné. Si nous ne tendons pas nos oreilles lorsque les mots de la doctrine sont prononcés, mais au contraire restons absorbés en nous par manque d’intérêt, ou parce que nous sommes distraits par autre chose, ou affectés par la lourdeur d’esprit ou la somnolence, c’est comme si l’on versait du liquide sur un bol retourné.

“Ecouter avec application” signifie éliminer le défaut d’être comme un vase sale. Si nous écoutons l’enseignement avec un esprit souillé par les émotions, ce que nous avons entendu ne sera d’aucune utilité pour nous ou pour les autres, comme du liquide versé dans un vase sale. Nous devons par conséquent éliminer les idées influencées par les émotions telles que l’orgueil ou le scepticisme.

“Garder à l’esprit ce que vous entendez” signifie éliminer le défaut d’être comme un vase qui fuit. Si nous sommes découragés en recevant les enseignements, nous ne ferons pas d’effort pour [retenir] les mots [et leur] signification, et notre écoute sera perdue, comme du liquide versé dans un vase qui fuit. Nous devons donc nous efforcer d’éliminer les sentiments d’insuffisance et écouter [attentivement] ( …)

[L’enseignement ne pénètrera pas l’étudiant s’il] manque de vif désir pour le Dharma lorsqu’il l’écoute ; si son esprit est distrait (g.yengba) par des objets [extérieurs] (yul) ; et s’il est sous l’influence de la somnolence (gnyid-rmugs). Par conséquent, rassembler votre esprit après avoir éliminé le manque de concentration (gtod-pa) de vos oreilles sur le dharma est appelé écouter.

Lorsque vous écoutez le Dharma, vous devez écouter tel le daim, tellement fasciné par le son d’un piwam qu’il ne prend pas garde au chasseur embusqué tirant sa flèche empoisonnée sur lui. En écoutant, chaque poil de votre corps devrait se dresser, les larmes ruisseler sur vos joues, les paumes jointes et l’esprit libre de toute autre pensée. Il est inutile d’écouter alors que votre corps est présent aux enseignements du Dharma mais que votre esprit court après les pensées, votre langue pleine de bavardages inutiles – disant tout ce qui vous passe par la tête et vos yeux se posant partout. Lorsque vous écoutez le Dharma, vous devez même arrêter tous types d’activités vertueuses telles que la prière, la récitation de mantras etc. Donc, même si vous avez écouté [le Dharma de manière correcte], vous devez garder à l’esprit le sens de ce qui a été dit sans l’oublier et le pratiquer continuellement (…).

Sources : Jamgœun Kongtrul the Great, « The Teacher-Student Relationship », Ed. Snow Lion 1999 ; Jamgœun Kongtrul « Buddhist Ethics », Ed. Snow Lion 1998. Traduction de I. Charbonnier.

 

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