Causes, effets karmiques et interdépendance

Martine Batchelor

D’un point de vue relatif, les phénomènes s’enchaînent suivant la loi de causalité karmique mais ceux-ci n’ont pas d’existence propre et ne se manifestent que dans le jeu de l’interdépendance. Les choses étant ainsi vides de caractéristiques autonomes, il en résulte une interpénétration généralisée qui est décrite en particulier dans l’Avatamsaka Soutra.

Pour toute action que nous accomplissons, nous expérimentons un résultat correspondant.

Le Bouddha enjoignit ses disciples à se rappeler la doctrine indienne traditionnelle du karma. “Karma” signifie littéralement “action”. La loi du karma affirme que toutes nos pensées, tous nos mots et faits façonnent nos expériences du futur. Ce que chacun de nous expérimente à présent est le fruit de ce que nous avons pensé, dit et fait par le passé. Aussi, loin d’être une doctrine du fatalisme, la loi du karma nous encourage à accepter la responsabilité de notre situation présente tout autant que de la manière dont nos vies se dérouleront dans le futur. (…)

Le Bouddha enseigna que toutes les choses de l’univers apparaissent, “naissent”, en conséquence de conditions particulières. Il n’y a pas de Dieu créateur comme cause première, car il n’y a pas d’origine.

Quand cela existe, ceci apparaît; de la naissance de cela, ceci naît.

Quand cela n’existe pas, ceci n’apparaît pas; de la cessation de cela, ceci cesse.

Quand nous comprenons notre propre nature et celle du monde de cette façon, nous sommes libérés de l’idée instinctive selon laquelle nous-mêmes et les autres choses existeraient de par elles-mêmes, indépendamment et séparément de toute autre chose. L’un des premiers disciples du Bouddha dit :

« Pour qui voit vraiment la pure et simple naissance des phénomènes et la pure et simple continuité des choses conditionnées, il n’y aucune peur.

Quand avec sagesse on voit le monde comme juste herbe et bois, ne percevant aucun égoïsme, on ne s’attriste pas à l’idée que “ceci n’est pas mien. »

Le philosophe bouddhiste Nagarjuna développa cette idée en ce qui est connu comme la doctrine de la “vacuité”. Affirmer que toutes choses sont vides n’est pas nier qu’elles existent; c’est simplement nier qu’elles existent par elles-mêmes. Pour Nagarjuna, la raison la plus convaincante que les choses sont vides d’existence propre est qu’elles sont dépendantes de conditions externes pour leur procurer existence.

Parce qu’il n’y a rien qui ne soit pas né par dépendance, il n’y a rien qui ne soit pas vide.

Lorsque le Bouddhisme parvint en Chine, cette doctrine de la vacuité fut développée plus avant pour souligner que les choses ne dépendent pas, pour exister, que de leur propre ensemble direct de causes, mais de toute chose dans l’univers. L’ Avatamsaka soutra, qui fut écrit en Inde mais dont l’influence se développa en Chine, résume cette idée par les vers suivants :

Toutes les terres sont mon corps
De même que les Bouddhas y vivant;
Regardez mes pores,
Et je vous montrerai le royaume de Bouddha.
Tout comme la nature de la terre est une
Alors que les êtres vivent chacun séparément,
Et que la terre n’a aucune pensée d’unicité ou de différence
Telle est la vérité de Bouddha.

Extrait de Buddhism and Ecology. Edited by Martine Batchlor and Kerry Brown, London and New York, Cassel 1992. Traduction de l’anglais Jean Eric Wysocki.

 

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