La vie de Tangtong Gyalpo

Dans la lignée Shangpa, les premiers maîtres furent appelés « les sept joyaux de la lignée », c’est-à-dire les sept détenteurs de la lignée, avant que celle-ci ne soit largement diffusée par Sangyé Teunpa.

Ces sept joyaux sont : Dorjé Tchang, Niguma, Khyoungpo Nèljor, Mochokpa, Kyèrgangpa, Rigongpa et Sangyé Teunpa.

Il y a une namthar détaillée de chacun d’eux, mais malheureusement non traduites. Nous allons juste passer en revue chacun des membres les plus éminents de la lignée. Elle a eu, à partir de Sangyé Teunpa, différentes ramifications, et, entre autres, deux grandes branches que l’on appelle : Tang loug et Djonang loug. « Tangloug » vient de « Tangtong Gyalpo », et « Jonang loug » est la transmission de la lignée Shangpa au travers de la lignée Djonangpa, dont le représentant le plus éminent est Taranatha. Aujourd’hui, nous parlerons de Tangtong Gyalpo.

Son nom signifie : pour tang : plaine, tong : vide, désert, gyalpo : roi. Donc, « le roi du désert ». Comme beaucoup de membres de la lignée Shangpa, il était un yogi et vécut une vie errante. Il fut un yogi errant, à la conduite non conventionnelle, l’un des célèbres nyeunpa, « yogis fous ».

Le terme « désert » dans « roi du désert » se comprend ici comme la vacuité.

Voici brièvement l’histoire de sa vie :

Il naquit en 1361, en accord avec une prophétie de Padmasambhava. Dans son enfance, on dit qu’il manifesta des signes de pouvoirs miraculeux et de nombreuses excentricités.

C’était un enfant rebelle, qui préférait réciter le Refuge plutôt que d’étudier ses leçons. Pour cette raison, il fut, dès son enfance, menacé d’être expulsé du monastère. Peu de temps après, il fut appelé nyeunpa par les villageois, après avoir soumis par la force un esprit malin qui avait semé une épidémie dans le village.

Il reçut d’abord l’ordination de novice puis de bhikku. Dans son enfance, il reçut de nombreux enseignements du Mahamudra dans la tradition de Naropa et de Nigouma. Il fut reconnu comme une émanation du Mahasiddha Kukuripa, et son premier nom fut Tseundru Zangpo. Dans son enfance, il reçut la transmission des enseignements Nyingmapa, Dzogtchèn, la transmission de Tcheu et la tradition des tèrma de Rigdzin Tcheugui Tchou Tchèn (1337-1400). Il reçut de très nombreux enseignements des traditions anciennes et nouvelles.

Un jour, il eut une vision de Padmasambhava qui lui demanda d’utiliser n’importe quel moyen, même non-conventionnel, pour aider tous les êtres vivants.

Tangtong Gyalpo passa ensuite trois années en réclusion, en méditation stricte pour pratiquer les enseignements qu’il avait reçus. Il passa de nombreuses années en Inde et au Népal (18 ans).

Sa vie fut très longue car il vécut 125 ans. Quand il revint au Tibet, venant d’Inde et du Népal, personne ne le croyait et il était juste pris pour un mendiant fou qui vagabondait de droite et de gauche.

Il reçut la transmission complète du cycle de Nigouma, de Lama Djangsoum Djinnpa Zangpo, et à cette époque il fut connu comme « Tseundru le bhikku fou ».

Le lama qui lui transmit les six doctrines de Nigouma le reconnut comme étant un réceptacle parfait pour ces enseignements, et il lui transmit la totalité des enseignements Shangpa Kagyu. Il alla de nouveau en retraite et y pratiqua longtemps. La dakini de sagesse Nigouma lui apparut un jour dans une vision splendide, et lui donna initiations et enseignements. A la suite de cela, il écrivit un certain nombre de commentaires, avec la permission de la dakini.

Il y eut une première révélation d’enseignements de Nigouma à Khyoungpo Nèldjor, et il y en eut une deuxième de Nigouma à Tangtong Gyalpo. La lignée qui vient de Khyoungpo Nèldjor est connue comme la « lignée lointaine » (ou longue), et la transmission directe de Nigouma à Tangtong Gyalpo est la « lignée proche » (ou courte).

Après de nombreuses années, sa mère, qui était la seule à avoir quelque confiance en lui, mourut. Tous les gens qui l’entouraient le traitaient de façon condescendante et le considéraient comme fou et inutile. Il alla de nouveau en retraite pendant sept ans, et eut une vision des quatre-vingt-quatre siddhas de l’Inde, qui lui demandèrent de mettre en œuvre différents projets tels que celui de construire des ponts de fer. Un des noms de Tangtong Gyalpo est « le constructeur de ponts de fer ». Il a été au Tibet l’introducteur de très nombreux ponts métalliques. Les ponts tibétains sont généralement composés de trois cordes. Il y en a une sur laquelle on met les pieds, et les deux autres servant à se tenir avec les mains. Les ponts métalliques consistent à remplacer les trois cordes par trois chaînes, ce qui permet de traverser les longueurs plus grandes avec plus de sécurité.

Tangtong Gyalpo fut aussi un tèrteun. En différentes périodes de sa vie, il mit en évidence des textes révélés de Gourou Rinpoché.

Après une période de grande activité, il est dit avoir fait six années de retraite à Tharpa Ling, pendant lesquelles il reçut différentes visions lui donnant des enseignements du Lamdré du Mahasiddha Virupa, et une pratique du Gourou-yoga de Dordjé Tchang.

A la fin de cette retraite, il alla à Kyirong pour rendre hommage au Djowo, la très célèbre statue du Bouddha.

Dans sa méditation, il eut l’occasion de se rendre en Orgyèn, et il y reçut directement de Dordjé Sèmpa des enseignements de Dzogtchèn, et de Padmasambhava une pratique de longue vie qui est devenue très célèbre (s’il a vécut 125 ans, c’est une pratique efficace !)

Tangtong Gyalpo fut un grand voyageur. Il alla dans différentes parties du Tibet central, oriental et ailleurs. Il est même allé jusqu’en Chine et a donné certains enseignements à l’empereur de Chine.

Pendant 25 ans de sa vie, Tangtong Gyalpo resta à Riwotché, en méditation et enseignant le Dharma, et supervisant différents projets : constructions de tcheutèn, de lieux de retraite, de ponts, etc. Ses retraites étaient longues et strictes. Quelquefois il restait sans manger pendant trois mois. De temps en temps il voyait des disciples ou répondait aux questions par écrit.

Il y a de très nombreux rapports de miracles qu’il manifesta durant ses pèlerinages et ses périodes de retraite.

Tangtong Gyalpo est connu pour avoir énormément enseigné et diffusé les enseignements de Tchènrézi et sa pratique. C’est dans cette perspective qu’il est l’auteur du texte de la méditation que nous utilisons

Plus tard dans sa vie, Tangtong Gyalpo eut une parèdre. Le quatrième jour du mois de Tchotrul, en l’année bois-serpent, au 60ème cycle, en bref en 1485, Tangtong Gyalpo, comme il l’avait prédit à sa parèdre Tcheukyi Dreunmé, quitta ce monde d’une façon remarquable à l’âge de 124 ans. Au milieu de nombreux signes merveilleux, son corps se transforma en un globe de lumière qui s’éleva dans l’espace et passa par-dessus le sommet de la montagne de Riwotché.

Ses disciples, dont Chérab Paldèn, assistant à sa mort, se lamentèrent et prièrent pour qu’il revienne. Tangtong Gyalpo réapparut un instant dans le ciel, et au lieu de s’en aller physiquement dans le paradis de Khatcheu, et que son corps se transforme complètement en un corps de lumière d’arc-en-ciel, il consentit à laisser une forme corporelle que les gens puissent voir après. Il donna à Chérab Paldèn des instructions lui disant de placer son corps face au nord, avec une main levée pour arrêter les invasions des Mongols dans le Tibet. Il lui expliqua comment continuer la tradition en transmettant celle-ci à Tèndzinn Nyigma Zungpo.

Tangtong Gyalpo donna des instructions selon lesquelles sa mort devait être gardée secrète pendant 30 ans, pour éviter l’invasion des Mongols, car ceux-ci n’oseraient pas attaquer aussi longtemps qu’ils le croiraient en vie. Ce n’est que 32 ans plus tard, en 1517, que les reliques de Tangtong Gyalpo furent placées dans un stupa d’argent dans le lieu où elles sont restées ultérieurement.

Enseignement donné par Lama Denys en 1986 à l’Institut Karma Ling d’après la biographie figurant dans la thèse de C. Stearns.

Èxergues :

« Comme beaucoup de membres de la lignée Shangpa, il était un yogi et vécut une vie errante. »

« Il alla de nouveau en retraite pendant sept ans, et eut une vision des quatre-vingt-quatre siddhas de l’Inde »

« En différentes périodes de sa vie, il mit en évidence des textes révélés de Gourou Rinpoché. »

« Au milieu de nombreux signes merveilleux, son corps se transforma en un globe de lumière qui s’éleva dans l’espace »

 

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