L’union de la vacuité et de la félicité

Kyabdjé Kalou Rinpoché

Les passions qui nous tourmentent sont aussi illusoires que l’esprit qui les expérimente. Comprendre la vacuité de l’esprit, permet de se libérer des émotions conflictuelles. Dans la réalisation de Mahamudra les passions se transforment en expressions de sagesse alors que vacuité et grande félicité sont expérimentées de façon non duelle dans l’union suprême.

Les enseignements du Bouddha sont un moyen, un remède qui est proposé à tous les êtres pour dépasser les passions, dépasser les conflits et les problèmes. Lorsque l’on approche ces enseignements du Bouddha, une attitude importante, essentielle, qu’il nous faut développer, est celle du contentement, celle qui consiste à être satisfait de ce qui est et de ce que l’on a. Il est très important de savoir être heureux avec ce que l’on a maintenant et par là même ne pas constamment s’engager dans une attitude de désir.

Il est important de comprendre que toutes les choses auxquelles on aspire, que toutes les situations sur lesquelles on se fixe, n’ont pas de réalité véritable, qu’elles sont fondamentalement comme illusions, comme mirages, irréelles, évanescentes ; et si l’on comprend ce caractère éphémère et évanescent de ce à quoi l’on aspire constamment, de ce que l’on désire perpétuellement, à ce moment-là ce désir et ces aspirations peuvent apparaître beaucoup plus transparentes.

Nous avons actuellement des difficultés, des souffrances ; le fondement, l’origine de ces difficultés et de ces souffrances sont nos émotions conflictuelles, nos passions. Nos passions, nos émotions conflictuelles trouvent à leur tour leur origine dans notre esprit. L’origine de l’esprit, son fondement, est vacuité. Si on peut bien comprendre et réaliser cette séquence, l’on verra que les passions qui nous mobilisent actuellement sont fondamentalement vides et irréelles, et la compréhension de cette irréalité, de cette absence de solidité des passions nous permet, vis-à-vis de celles-ci, d’avoir une attitude beaucoup plus libre et dégagée.

Si l’on peut comprendre cette irréalité des passions, cette vacuité des passions qui est en même temps la vacuité fondamentale de l’esprit, cette compréhension est la compréhension et la réalisation du Mahamudra. Si l’on comprend cet état, si l’on a la réalisation de ce Mahamudra, à ce moment-là les passions elles-mêmes sont transformées en expressions de sagesse, il n’y a plus lieu d’abandonner ou de rejeter les passions, leur énergie est transmutée.

La nature de l’esprit est vacuité : shunyata. Cette vacuité de l’esprit, cette qualité vide – shunyata – de l’esprit, est aussi simultanément mahasukha, déoua tchènpo. Si l’on a la réalisation de la vacuité qui est aussi la félicité de l’esprit, il n’y a plus de conditionnements en termes de souffrances, en termes samsariques, en termes de peines ; la réalisation de la nature de l’esprit nous amène la grande félicité, la félicité de l’état de bouddha, qui est au-delà de tous les conflits et de tous les problèmes samsariques.

Suivant les enseignements de l’ultime tradition du vajrayana, suivant les enseignements du kalachakra, la réalisation est l’union, la combinaison de deux aspects que sont la réalisation de la vacuité, la vacuité fondamentale de toute expérience et de toute chose, et la réalisation aussi de la félicité, de mahasukha, de la grande félicité qui est la nature ou l’énergie fondamentale de l’esprit vide. Donc cette réalisation est exprimée en termes d’une part de vacuité et d’autre part de félicité, les deux étant fondamentalement indissociables.

Quelle que soit l’existence humaine que l’on peut avoir eue au début, si le cheminement que l’on suit nous permet d’arriver à la réalisation, d’arriver à cette réalisation, celle-ci est une, celle-ci est unique, et en cette réalisation on a accompli l’ultime fruit auquel on pouvait aspirer dans son existence humaine. Cette réalisation, ce but du cheminement spirituel est le but ultime, le but le plus essentiel, le plus important auquel nous puissions aspirer ; et le fait que nous soyons aujourd’hui dans la situation dans laquelle nous avons ce que nous appelons « le précieux corps humain », « la précieuse existence humaine » – c’est-à-dire le fait que nous soyons dans la situation où nous pouvons nous consacrer à ce but, est quelque chose de rarissime, est quelque chose d’extrêmement précieux qui est le résultat de situations favorables qui ont été développées, accumulées depuis des temps dont on ne peut véritablement pas connaître l’origine.

Enseignement donné à l’Institut Karma Ling, le 30 septembre 1987. Traduit du tibétain par V Lama Denys.

Exergues ;

« L’origine de l’esprit, son fondement, est vacuité »

« Si l’on a la réalisation de la vacuité qui est aussi la félicité de l’esprit, il n’y a plus de conditionnements »

« la réalisation de la nature de l’esprit nous amène la grande félicité »

 

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