Le Parinirvana de Khyabdjé Kalou Rinpoché

(Lettres ouvertes du Vénérable Bokar Rinpoché à tous les disciples et amis de Khyabdjé Kalou Rinpoché)

Ce qui suit est une lettre ouverte adressée à tous les disciples du Seigneur du Refuge, Khyab Djé Kalou Rinpoché, par Bokar Tulkou Rinpoché, son principal disciple et héritier spirituel, Lama Gyaltsèn, son neveu et assistant personnel pendant toute sa vie, et Khènpo Lodreu Deunyeu, l’abbé du monastère de Sonada ; elle est la parole de Bokar Rinpoché, mais le contenu représente leur expérience commune.

Monastère de Sonada, 15 mai 1989.

Kalou Rinpoché a quitté ce monde pour les champs purs.

Le mercredi 10 mai 1989 à 15 heures, notre précieux Lama, le Seigneur du refuge, Khyab Djé Kalou Rinpoché, a quitté ce monde pour les champs purs. Pour que la présence de Rinpoché soit plus proche de chacun de ses disciples en cette heure de tristesse et de perte pour tous, nous souhaitons présenter un résumé des évènements des derniers mois, ainsi que des évènements qui vont maintenant suivre.

Voyage à Bodhgaya et Los angeles.

En novembre dernier, Rinpoché se rendit avec les lamas et moines de son monastère ainsi que les membres de son comité de traduction, au total environ cent personnes, au monastère de Bérou Khyèntsé Rinpoché, à Bodhgaya. Rinpoché précisa clairement qu’il souhaitait que tous voyagent avec lui, et ainsi la communauté monastique se déplaça de Sonada à Bodhgaya en une caravane de deux autobus et deux voitures. Ayant défini sur place les activités de ses lamas, moines et traducteurs, Rinpoché se rendit à Los Angeles pour un séjour de quelques semaines durant lequel il conféra un certain nombre d’initiations et d’enseignements. Rinpoché fut invité à rester en Amérique afin d’améliorer son état de santé, mais il était résolu à retourner en Inde pour apporter son soutien au travail de traduction qui fut son principal souci au cours de ces deux dernières années.

Le Losar auprès de Tai Sitou Rinpoché.

De retour en Inde, Rinpoché demeura brièvement à Bodhgaya, encourageant ses moines et traducteurs dans leurs activités respectives, et rencontra Dilgo Khyèntsé Rinpoché qui accomplissait un Droupchèn au monastère Kagyu. Puis, il se rendit à Shérab Ling, au monastère de Tai Sitou Rinpoché, où il avait été invité en plusieurs occasions sans avoir pu répondre favorablement jusqu’alors. Il pensait que ce voyage lui offrirait l’occasion de célébrer les festivités du Losar (le nouvel an tibétain) en compagnie de Sitou Rinpoché, et aussi de visiter Sa Sainteté le Dalaï-Lama qui résidait alors à Dharamsala. Rinpoché séjourna environ une semaine à Shérab Ling.

Visite à sa Sainteté le Dalaï-Lama.

Durant son séjour, Rinpoché fut à même de rendre visite à Sa Sainteté à Dharamsala. Ils eurent un long entretien, déjeunèrent ensemble et discutèrent de plusieurs sujets. Sa Sainteté exprima son plaisir concernant l’activité de Rinpoché, promit de faire tout son possible pour apporter son concours au projet de traduction de Rinpoché. Sa Sainteté manifesta ses soucis concernant la santé de Rinpoché, demandant à son médecin personnel de l’examiner. Sa Sainteté déclara que parmi tous les lamas développant le Dharma dans le monde, il n’y en avait point dont l’activité et la bonté surpassent celles de Rinpoché.

Séjour à Salougara pour la construction du stûpa.

Rinpoché revint à Bodhgaya où il séjourna pour deux autres semaines avant de repartir avec ses lamas, moines et traducteurs, voyageant ensemble comme à l’aller, et fut de retour dans le district de Darjeeling le 22 février. Comme Rinpoché s’est engagé dans la construction d’un important stûpa à Salougara près de Siliguri, il y resta avec tout son monastère pendant trois semaines. Durant cette période, les lamas et moines s’attachèrent à peindre les bas-reliefs ornant le mur d’enceinte et fabriquèrent cent mille tsa-tsa en vue de la consécration ultérieure du stûpa, les traducteurs continuant leur travail de traduction de L’encyclopédie des Connaissances traditionnelles de Djamgœun Kontrul Lodreu Thayé. Durant cette période, Rinpoché passa chaque jour plusieurs heures sur le site du stûpa, supervisant personnellement l’évolution des travaux en cours. Pendant ce temps, sa santé était satisfaisante, son activité inlassable.

Retour à Sonada ou l’état de santé de Rinpoché nécessite une hospitalisation.

Le 21 mars, Rinpoché remonta à son monastère de Sonada. Au fil des semaines, il sembla s’affaiblir, quoique selon l’avis médical, il n’y aurait pas de maladie spécifique. Lama Gyaltsèn, moi-même et d’autres personnes, l’incitâmes à se rendre à Singapour ou en France, afin d’y bénéficier de meilleures conditions en ces lieux, mais Rinpoché refusa catégoriquement de voyager. Rinpoché ayant quelque difficulté à se nourrir, son organisme continua de s’affaiblir. Le 15 avril, le docteur Wangdi de Darjeeling insista pour que Rinpoché entre à l’höpital de Siliguri, où il reçut la visite de plusieurs Rinpochés dont Tchatral Rinpoché, un grand lama Nyingmapa et ami de longue date, Djamgœun Kontrul Rinpoché, Gyaltsab Rinpoché et d’autres. La santé de Rinpoché s’améliora un peu tandis qu’il restait à l’hôpital, mais il refusa de partir ailleurs pour recevoir une assistance médicale plus appropriée. Après deux semaines, Rinpoché était résolu à retourner à son monastère, à Sonada. Le docteur insista fortement pour qu’il reste à l’hôpital trois semaines supplémentaires. Finalement, encouragé par moi-même et Khènpo Deunyeu, il accepta de rester une semaine de plus.

De retour chez lui, Rinpoché entre en retraite.

Rinpoché arriva au monastère tard dans la soirée, le vendredi 5 mai. Assis sur une chaise à porteurs soutenue par les épaules de plusieurs de ses moines, Rinpoché était visiblement heureux d’être de retour chez lui, souriant et adressant un signe à différentes personnes. Puis, il demeura en retraite stricte, hormis une courte période le matin suivant son retour où il reçut les écharpes traditionnelles de bienvenue des membres du monastère. Il demeura alerte et attentionné durant cette entrevue, s’adressant occasionnellement aux uns et aux autres, manifestant de l’intérêt quant à leur bien-être.

La méditation de l’expérience de l’illusion et du rêve.

Durant ces quelques jours, Rinpoché était de bonne humeur et sa santé sembla stable. Lama Gyaltsèn avait remarqué qu’à chaque fois qu’il s’enquerrait de la santé de Rinpoché, celui-ci répondait toujours qu’il se sentait bien. Même quand il semblait qu’il y eut des signes extérieurs de difficulté physique, Rinpoché paraissait n’éprouver aucune souffrance. Quand on lui demanda comment il se sentait, Rinpoché répondit :

« Le jour est la méditation de l’expérience de l’illusion.
La nuit est la méditation de l’expérience du rêve. »

Une vie sans regrets.

Lama Gyaltsèn et moi pensâmes que cela était le reflet de l’état d’esprit de Rinpoché à ce moment-là.

En une certaine occasion, Rinpoché m’exprima le sentiment qu’ayant vécu quatre-vingt cinq ans, il estimait sa vie pleine et complète. Alors qu’une personne ordinaire n’est jamais satisfaite de sa vie, ou s’accroche indéfiniment, Rinpoché n’éprouvait aucun regret. Un souci qu’il exprima fut que la traduction de L’encyclopédie des connaissances traditionnelles ne fut pas terminée, que peut-être ses efforts en vue d’établir le comité de traduction avaient débuté un peu tard. Khènpo Deunyeu et moi lui avons assuré que le comité était bien établi, le travail bien entamé ; tous les deux nous lui avons promis que le projet serait mené à terme ; que même s’il ne voyait pas sa réalisation, le travail serait terminé et porterait son nom.

Proche de la fin de sa vie, il demeura en pleine maîtrise de son corps.

Le 10 mai, à 2 heures du matin, la condition de Rinpoché se détériora dramatiquement. Ce n’est que plus tard que nous apprîmes qu’il avait subi une attaque cardiaque (lors de sa sortie de l’hôpital, le docteur avait déclaré que ses poumons ne fonctionnaient qu’à quarante pour cent de leur capacité et que cela entraînait un effort supplémentaire pour le cœur). Aussitôt, Khènpo Deunyeu fut délégué à Siliguri, distant de trois heures, pour chercher le docteur de l’hôpital. Un autre véhicule fut envoyé immédiatement à Darjeeling pour appeler le docteur Wangdi. Tchatral Rinpoché fut appelé de son monastère voisin, et Djamgœun Kontrul Rinpoché fut contacté à Rumtek. Tchatral Rinpoché et les docteurs furent à même d’arriver rapidement. Rinpoché fut invité à retourner à l’hôpital de Siliguri, mais il refusa disant que les docteurs pouvaient venir mais que lui ne quitterait pas le monastère. Plus tard dans la matinée, nous avons tous insisté pour qu’il retourne à l’hôpital. Finalement, Rinpoché dit que nous pouvions agir comme bon nous semblait. Tout fut préparé pour le départ, les bagages chargés dans les voitures, puis Rinpoché indiqua qu’il souhaitait se reposer quelques moments dans sa chambre. Tandis qu’il s’y rendait dans la chambre, il était en pleine maîtrise de son corps.

La méditation du moment de la mort : paix et compassion.

Dans la chambre, il fut placé sous oxygène et on lui injecta du glucose en intra-veineuse. Son lit fut écarté du mur, à la droite de Rinpoché étaient Lama Gyaltsèn et Khènpo Deunyeu, à sa gauche moi-même et Tchatral Rinpoché. A un moment donné, Rinpoché demanda à s’asseoir droit. Le docteur et l’infirmière s’y opposèrent. Un court instant plus tard, il indiqua à nouveau qu’il souhaitait s’asseoir et cette fois encore le docteur et l’infirmière refusèrent catégoriquement de permettre cela. Lama Gyaltsèn se sentait malheureux mais impuissant à contredire le docteur. Rinpoché essaya alors lui-même de s’asseoir, mais éprouva de la peine à le faire. Lama Gyaltsèn, sentant que peut-être le moment était venu et que de ne pas s’asseoir pouvait éventuellement créer un obstacle pour Rinpoché, soutint son dos pour qu’il put s’asseoir. Rinpoché me tendit la main et je l’aidai aussi ; il voulait s’asseoir totalement droit, le disant et l’indiquant d’un geste de la main. Le docteur et l’infirmière en furent très contrariés, aussi Rinpoché relâcha un peu sa position.  Néanmoins il assuma la posture de méditation. Les larmes roulaient sans retenue sur nos visages et nos cœurs étaient déchirés. Rinpoché plaça ses mains dans le geste de la méditation, ses yeux grands ouverts dans le regard de la méditation, ses lèvres remuant doucement. Un profond sentiment de paix et de bonheur s’établit alors en nous tous et se diffusa à travers nos esprits. Tous ceux d’entre nous qui étaient présents sentirent que ce bonheur indescriptible qui nous emplissait n’était que le pâle reflet de ce qui embrasait l’esprit de Rinpoché. Lama Gyaltsèn également ressentit une expérience de tristesse profonde, caractéristique de la compassion qui comprend la souffrance qui embrasse le cycle de l’existence. Ceci aussi fut vécu comme un don de l’esprit de Rinpoché. Lentement, son regard et ses paupières s’abaissèrent et sa respiration cessa.

Un passage dans l’autre monde en la méditation profonde.

Le docteur et l’infirmière voulurent essayer des moyens extraordinaires pour rétablir la respiration, mais Tchatral Rinpoché demanda que Rinpoché fût laissé en paix.

J’ai été le témoin de nombreux passages dans l’autre monde. Quelquefois, il y a un souffle court, quelquefois une longue inspiration ou expiration. Avec Rinpoché, il n’y eut rien de tel. Ce fut un passage exceptionnel en la méditation profonde.

Toukdam, l’ultime méditation.

Le docteur effectua son examen, et Tchatral Rinpoché et moi arrangeâmes ses habits et le laissâmes en son Toukdam, l’ultime méditation d’un Lama. Les lieux devaient être gardés paisibles, et Rinpoché ne pas être dérangé pour toute la durée du Toukdam. Une ou deux heures plus tard, arriva Djamgœun Kontrul Rinpoché et il passa un court instant en compagnie de Rinpoché. Plus tard, dans la soirée, arriva Shamar Rinpoché et il s’assit aussi avec Rinpoché. Tous deux remarquèrent combien vivante était l’apparence de Rinpoché, comme s’il allait se mettre à parler.

Le corps de Rinpoché, maintenant appelé Koudoung.

Le matin du quatrième jour, samedi 13 mai, tous les signes indiquant que le Toukdam était complété se manifestèrent. Comme nous lavions le corps de Rinpoché et changions ses vêtements, aucune des habituelles traces de souillure ou d’impureté n’étaient présentes. Le corps demeurait souple et flexible, sans aucune rigidité. Le corps de Rinpoché, maintenant appelé Koudoung, a été placé dans un coffre recouvert de brocards et reste dans son salon.

La source des bienfaits à la fois temporels et ultime des êtres.

En accord avec Djamgœun Kontrul Rinpoché et Tchatral Rinpoché, la décision a été prise de ne pas brûler le Koudoung, mais de le préparer comme Mardoung, afin qu’il demeure toujours avec nous. Au Tibet, ceci était une pratique traditionnelle. De cette manière, l’aspect physique du Lama subsiste en tant que relique et devient source d’inspiration religieuse. Ainsi, l’activité du Lama se poursuit et les êtres sont libérés par la vue, l’écoute, le rappel, le toucher et l’hommage à son Mardoung. Il est dit que toute connexion quelle qu’elle soit devient bénéfique, que l’esprit de l’individu soit orienté positivement ou non. De cette façon, le Mardoung devient le fondement du développement et de la longévité de la Doctrine, la source des bienfaits à la fois temporels et ultime des êtres.

Des prières d’inspiration devant le Koudoung.

Pendant une période de quarante-neuf jours, disciples et étudiants de Rinpoché exprimeront leur dévotion et leur reconnaissance par l’accomplissement d’une série de cérémonies.  Durant cette période, les disciples de Rinpoché sont les bienvenus pour venir présenter leur respect et leurs hommages au Koudoung. Chaque jour, il y aura deux périodes — de 8 à 9 heures du matin, et de 14 à 15 heures — durant lesquelles on pourra visiter et faire des prières d’aspiration devant le Koudoung. C’est une période particulièrement propice pour le faire. Cependant, si vous n’êtes pas en mesure de venir à Sonada maintenant, sachez que le Koudoung demeurera ici en tant que Mardoung, et il sera possible de rendre hommage un peu plus tard.

Une maîtrise de l’esprit et des phénomènes, au-delà de la compréhension du commun des mortels.

Le départ de ce monde du Seigneur du refuge, Khyab Djé Kalou Rinpoché, est un moment de tristesse exceptionnelle pour tous les êtres. L’absence de sa personne physique a assombri et appauvri notre monde. La douceur de son être, l’omniprésence de sa bonté, la clarté de sa sagesse et son irrésistible sens de l’humour ont touché les cœurs en tous les endroits du monde. La subtilité de sa sagesse pénétrante et sa totale maîtrise de l’esprit et des phénomènes est au-delà de la compréhension du commun des mortels. Il est difficile de concevoir la chance extraordinaire que nous avons eue de le rencontrer et d’établir une connexion dans le Dharma avec un tel être éveillé. Ce n’est pas possible maintenant d’éviter un sentiment de tristesse profonde devant cette perte.

Être fidèle à l’esprit de Rinpoché.

Cependant, au travers des enseignements de Rinpoché et de notre compréhension du Dharma, nous savons que tous les phénomènes composés sont impermanents et que la rencontre effective du Lama est en la nature ultime de l’esprit. Le Lama n’a jamais été séparé de nous, et ne le sera jamais. Il nous reste à être fidèles à l’esprit que Rinpoché nous a transmis par son exemple, son enseignement et ses conseils. Nous le ferons en dépassant notre tristesse dans la reconnaissance du don d’incommensurable bonté qu’il nous a octroyée, en gardant la pureté de nos engagements et de nos liens vajra (samaya) et en cultivant les qualités d’un être éveillé telles qu’il nous les a si clairement démontrées. Faisons du plus profond de notre cœur les souhaits que le retour de Rinpoché parmi nous soit prompt.

(La fin de cette lettre expose le déroulement des activités durant les quarante-neuf jours de cérémonies. Cet exposé étant repris dans la deuxième lettre, nous avons omis cette partie de la première lettre).

Sonada, le 28 juin 1989

Alors que nous approchons de la fin des quarante-neuf jours de GD, nous aimerions décrire la succession des évènements récents, qui se sont déroulés ici, au monastère de Sonada, siège principal de Son Éminence Kalou Rinpoché, et en même temps, exprimer notre gratitude pour toutes les marques de sympathie et de soutien qui nous ont été témoignées.

 

Lorsque Rinpoché eut achevé le Toukdam, l’ultime méditation de cette vie d’un lama, le Koudoung fut préparé de la façon traditionnelle, et placé dans le salon de réception de Rinpoché. En la sa présence, durant les six ou sept semaines constituant le GD, une série de rituels du Vajrayâna eurent lieu, avec Khènpo Deunyeu et moi-même. Pendant la première semaine, Jamgœn Kontrul Rinpoché et Tchatral Rinpoché présidèrent au rituel Changpa Kagyu d' »Offrande au Lama », complété par les récitations de la biographie, de prières et de chants de réalisation des maîtres Changpa. Le dernier jour de cette première semaine, le rituel des « Cinq divinités des tantra » de la tradition Changpa fut accompli. La deuxième semaine, Taï Sitou Rinpoché présida au rituel Kagyupa d' »Offrande au Lama », avec les chants de réalisation des maîtres Kagyu, et le dernier jour, au rituel de Dordjé Pamo. Pendant la troisième semaine, moi-même et Khènpo Deunyeu présidâmes au rituel des « Divinités paisibles et courroucées du bardo », de la tradition Karma-Lingpa. Pendant la quatrième semaine, Djamgœn Kontrul Rinpoché vint présider à la célébration de Kalachakra. Pendant la cinquième semaine, Peunlop Rinpoché, Nyènpa Rinpoché, Garwang Rinpoché et Gyatrul Rinpoché présidèrent au rituel d' »Offrande au Lama », les fondateurs des huit principales lignées de transmission du Vajrayâna. Le dernier jour de cette semaine, le rituel Kamtsang de Korlo Demtchok fut célébré. Pendant la sixième semaine, Gyaltsab Rinpoché présida au rituel de Chépa Dordjé.

Quotidiennement, les membres du comité de traduction de Khyabdjé Rinpoché, Dragyour Dzamling Kunkhyab, accompagnés des visiteurs étrangers, accomplirent la pratique de lamai-nèldjor compilée par Rinpoché lui-même, en une session d’une heure en milieu de journée. Chaque soir, ce même lamai-nèldjor fut pratiqué par tous ceux qui ont accompli la traditionnelle retraite de trois ans : lamas, nèljorpa et nèldjorma. Dans ces deux occasions, il fut complété par des chants de dévotion, des souhaits et des prières pour le prompt retour de Rinpoché.

Dans un petit temple préparé tout à côté de la pièce accueillant le Koudoung, les lamas venus des divers centres de par le monde pratiquèrent Min-ling Dorsèm, et Mitrukpa durant les deuxième et troisième semaines.

En plus de ces cérémonies, les centres de retraite d’en haut célébrèrent les « Cinq divinités des tantra » durant la troisième semaine, Korlo Dèmtchok Changpa pendant la quatrième, et Dordjé Sèmpa pendant la septième. Les centres de retraite d’en bas pratiquèrent Korlo Dèmtchok Changpa pendant la troisième semaine, Dordjé Sèmpa pendant la quatrième et les Cinq divinités des tantra pendant la septième semaine. Les centres de retraite célébrèrent aussi Dreulma et Mahâkâla le matin et le soir, et consacrèrent une session quotidienne aux cérémonies Changpa de prières de souhaits.

Dans le temple principal, les lamas et les moines du monastère accomplirent la cérémonie Changpa de prières de souhaits, totalisèrent cent mille récitations de la « Prière de Kuntou Sangpo de conduite juste ». Aussi, cent mille lampes à beurre furent offertes. Dans le temple d’en bas, la pratique de récitation de Mani commença le quatre juin, premier jour du mois Saga – mois durant lequel le Bouddha naquit, atteint l’éveil et passa en parinirvâna. Cette pratique était dirigée par les lamas venus des divers centres de Rinpoché de par le monde. Environ trois cents personnes, peut-être plus, Tibétains, Boutanais, Sikkimais, personnes de Tamang, Sherpas et aussi de nombreux disciples de Rinpoché d’autres pays – ont commencé ces répétitions. Cette récitation collective de cent millions de mantra aux six syllabes du Grand compatissant Tchènrézi, était considérée comme extrêmement importante par Khyabdjé Rinpoché ; elle se fait chaque année au monastère de Sonada ; à son commencement, Jamgœn Kontrul Rinpoché conféra l’initiation de Tchènrézi, et de nombreux Rinpochés et lamas enseignèrent. A la pleine lune de ce mois, Nyoungnay – une pratique spécifique de jeûne et de prières à Tchènrézi – fut aussi effectué.

Quand la nouvelle du parinirvâna de Rinpoché commença à se répandre dans le monde entier, ses disciples arrivèrent à Sonada, pour exprimer leur gratitude et leur dévotion envers leur Lama. Leurs Eminences les Régents de la tradition Kagyu, mirent immédiatement de côté leurs activités et se rendirent au monastère de Sonada. Les nombreux lamas représentants de Khyabdjé Rinpoché dans les centres du Dharma et les principaux disciples de Rinpoché se sont tous réunis. Tous se joignirent aus rituels et firent des offrandes généreuses au Sangha. Les représentants de Sa Sainteté le Dalaï-Lama, de la Reine mère du Boutan, Puntshok Chodren, du monastère de Rumtek, ainsi que de nombreux monastères de toutes les écoles du Vajrayâna de l’Inde, du Népal, du Boutan et du Sikkim vinrent aussi exprimer leur profond sentiment de perte et leur sympathie envers les proches de Rinpoché, et faire des offrandes durant le GD. Le fils de Trungpa Rinpoché, le Sawang, arriva au début du GD, et un groupe de réprésentants de Vajradhatu était présent pour la deuxième semaine. De plus en plus de disciples des différents centres d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie arrivaient chaque jour. De plus, un important groupe de personnes de la région vinrent offrir les khata officielles et présenter leurs respects au Koudoung.

Le premier jour de la septième et dernière semaine, avec Taï Sitou Rinpoché, Gyaltsab Rinpoché et Kéro Khyèntsé Rinpoché pour présidents, le Koudoung fut amené de la chambre de Rinpoché au temple principal de Sonada. Bien que les pluies de la mousson aient débuté, le ciel s’éclaircit et le soleil brilla d’une lumière diffuse. A huit heures du matin, en une procession formée des Régents éminents, lamas, moines et moniales, nèldjorpa et nèldjorma, il fut descendu au temple et placé au centre du mandala préparé à cet effet. Les Rinpochés et les lamas offrirent des prières pour le prompt retour de Kyabdjé Rinpoché.

Cet après-midi là, dans le temple principal, commença une semaine du rituel Karma-Lingpa des divinités paisibles et courroucées du bardo. En plus de la pleine journée de cérémonie, chaque soir entre huit et neuf heures, les lamas effectuaient le lamai-nèldjor spécial. Durant la nuit jusqu’au matin, les disciples occidentaux effectuaient quatre sessions complémentaires de cette pratique.

Cette dernière semaine, un groupe de disciples du Vidyadhara Trungpa Rinpoché, conduits par leur Dordjé Lopeun, célébra Dordjé Pamo, dans une pièce contigüe au temple principal. Un groupe de lamas Nyingmapa représentant Tchatral Rinpoché pratiqua Min-Ling Dorsèm dans une deuxième pièce adjacente au temple principal. Des lamas Sakyapa accomplirent Kunrig dans le temple d’en bas.

Le 28 juin est le quarante-neuvième jour du GD et le point culminant des activités de ces sept semaines. En plus des rituels mentionnés ci-dessus, ici, au monastère Samdrup Dargyay-Ling, des lama Gelugpa accomplissent le rituel d' »Offrande au Lama », dans la « Grotte de Milarépa » à proximité de la maison de Rinpoché. Ce dernier jour, les lamas et les moines du monastère de Rumtek célèbrent Gyalwa Gyatso, ceux de Shérab Ling, Péma Bènza, ceux du monastère Drugpa Kagyu de Darjeeling les divinités paisibles et courroucées du bardo. Au monastère Samdrup Dargyay-Ling, l’importance de cette journée sera particulièrement marquée par des offrandes spécialement vastes et une grande fête-vajra. Son Eminence Taï Sitou Rinpoché s’adressera à l’assemblée. Outre les Rinpochés, lamas et disciples déjà présents, de nombreux dignitaires locaux et amis viendront se joindre à ces démonstrations profondément ressenties de respect à Khyabdjé Rinpoché.

La période de quarante-neuf jours du GD accomplie de la meilleure façon possible, au matin du 29, le Koudoung sera à nouveau emmené, en une grande procession conduite par Leurs Eminences Taï Sitou Rinpoché et Béro Khyèntsé Rinpoché dans le salon de réception de Rinpoché, où il restera dans les mois à venir. Un certain nombre de lamas continueront des rituels quotidiens en sa présence, et les visiteurs pourront rendre hommage et recevoir sa bénédiction.

Après consultation, les Eminents Rinpochés ont pris la décision de conserver intacts les restes du corps de Khyabdjé Rinpoché, comme cela se faisait souvent au Tibet. Ce corps conservé du lama se nomme Mardoung, et ses nombreux bienfaits sont connus. On dit que de garder le Mardoung assure la continuité de la lignée d’enseignements du lama, et influence de façon très bienfaisante toute la région. Qui plus est, cela procure un moyen de libération par la vue, le toucher, le fait d’en parler et d’y penser, ou simplement en étant le support de prières et de dévotion.

Les travaux vont bientôt commencer pour le temple et le stûpa de marbre dans lequel le Mardoung pourra peut-être rester. Le temple contiendra le stûpa et permettra aussi des pièces dans lesquelles des lamas qui ont dédié la durée de leur vie à la méditation pourront résider en permanence. Le temple et le stûpa seront construits sur le promontoire qui surplombe le monastère et la région voisine. De cette façon, l’influence spirituelle et l’inspiration de notre précieux Rinpoché Rangdjoung Kunkhyab continuera de se manifester, au travers de sa présence physique au centre de son mandala. Ainsi, « la sagesse de son esprit lumineux et connaissant qui irradie continuellement en toutes les existences, pénétrant chaque cœur ouvert à la réception de sa grâce, s’élèvera naturellement » (traduction détaillée du nom de Kalou Rinpoché) dans l’esprit de ses disciples.

Nos souhaits les plus sincères à vous tous.

Bokar Tulku Rinpoché,

Khènpo Lodreu Deunyeu

Lama Gyaltsèn,

 

(Traduit en anglais par Dragyour Dzamling Kunkhyab)

 

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