S.E. Goshi Gyaltsab Rinpoché

Dharma :

Votre Eminence, maintenant que Kyabdje Kalou Rinpoché est parti dans une terre pure, pourriez-vous donner quelques conseils à ses disciples ?

S.E. :

Kyabdje Kalou Rinpoché est notre Lama à tous, nous sommes tous ses disciples. Du fait de notre peu de karma positif, et pour aider d’autres êtres ailleurs, il a arrêté de se manifester physiquement pour nous. Après ce départ, il convient que nous, ses disciples, accomplissions tout ce que l’esprit de Rinpoché souhaitait. Par exemple, pour quelqu’un comme vous, Lama Denis, auquel Rinpoché a confié la responsabilté d’œuvrer dans le Dharma, il convient de continuer à bien établir les centres du Dharma, que les Nèldjorpa et Nèldjorma des centres de retraite de Naroling et Nigouling gardent bien leurs engagements et samaya, et pratiquent conformément aux instructions qu’ils ont reçues. Si nous pratiquons bien et agissons conformément à ce que nous dit Rinpoché de son vivant, c’est le plus important. Rinpoché ne nous est plus visible, nous avons la responsabilité et la possibilité de combler son esprit en réalisant ses souhaits. Son Eminence Gyaltsab Rinpoché

– Pourriez-vous nous expliquer un petit peu ce qui se passe lorsqu’un lama réalisé comme Kalou Rinpoché quitte son corps, et la différence avec ce qui se passe pour un être ordinaire ?

Un être ordinaire naît par le pouvoir de son karma, vit et meurt conditionné par celui-ci. Un être réalisé, comme Kalou Rinpoché prend naissance par la force de ses souhaits d’œuvrer pour le bien des êtres. Sa manifestation est le résultat de souhaits et de sa compassion, c’est à dire de l’esprit éveillé qu’il développa antérieurement. Pareillement, en cette vie, il déploya une immense activité pour le bien des êtres et de l’enseignement. C’est aussi pour le bien des êtres qu’il a manifesté son parnirvâna, pour leur exposer la vérité de l’impermanence, pour aller en d’autres mondes aider d’autres êtres, et aussi pour changer de corps ; il a abandonné son ancien corps, le moment était venu, pour qu’il puisse continuer à aider les êtres, de prendre un nouveau corps. Aussi est-il parti en laissant mourir l’ancien.

Un être ordinaire, au moment de la mort, tombe dans une période d’inconscience puis expérimente les projections effrayantes du bardo. Tout cela n’a pas lieu pour un être réalisé comme Kalou Rinpoché. Il y a d’abord une résorption de ses corps formels et son esprit s’absorbe en l’étendue du Dharmakâya, puis il y a réémergence du Sambhogakâya. Dans ce Sambhogakâya, il se manifeste aux êtres du bardo et peut aider maints de ceux-ci. Puis, il reprendra naissance et se remanifestera aux niveaux du Nirmanakâya pour de nouveau aider de nombreux êtres de notre plan d’existence. Sa manifestation éveillée est le jeu des Trois corps d’un Bouddha : de qui est ordinairement le moment de la mort est parinirvâna, l’expérience du Dharmakâya, le corps de réalité absolue ; au bardo ordinaire se substitue la manifestation du Sambhogakâya, le corps d’expérience parfaite ; et à la renaissance habituelle une manifestation du Nirmanakâya, le corps d’émanation.

– Lors de son parinirvâna, Kyabdje Kalou Rinpoché est resté trois jours assis en méditation, bien que cliniquement parlant son corps était mort. C’est ce que l’on appelle le Toukdam d’un être réalisé. Pouvez-vous nous expliquer ce dont il s’agit ?

Au moment de la mort, les souffles et les éléments qui animent habituellement le corps se résorbent (voir l’enseignement de Kalou Rinpoché dans Dharma n°1). Sans que le corps et l’esprit ne se sépare, le corps reste tel quel et sans aller ailleurs, l’esprit demeure absorbé en l’expérience du Dharmakâya, la Claire lumière. Après, à la sortie du Toukdam, il manifeste l’apparence du Sambhogakâya et le corps physique est laissé, et il commence à œuvrer pour les êtres dans le bardo. Cette période de méditation en l’expérience du Dharmakâya est ce qu’on appelle le « Toukdam » (litt. : la méditation en l’état d’esprit authentique ») d’un être éveillé.

– Pourriez-vous nous expliquer ce qui se passe durant le toukdam ?

Pendant le toukdam, le corps reste droit. A ce moment, tous les souffles ne se sont pas encore résorbés. Il y a les souffles extérieurs et les souffles intérieurs. Les souffles extérieurs assurent la vie et les mouvements du corps, les souffles intérieurs constituent le lien entre le corps et l’esprit. Chez un être ordinaire, c’est ce qu’on appelle la respiration extérieure et la respiration intérieure. A ce moment du toukdam, les souffles intérieurs ne se sont pas encore résorbés. Ces souffles, qui relient corps et esprit, demeurent un certain temps avant de se résorber. Cela correspond (au niveau de la réalisation) à ce qui se passe lorsque nous méditons la dissolution de la divinité : l’entourage se dissout dans la divinité qui se fond dans la syllabe germe HRI, et l’on reste ainsi en méditation. Cet instant avant la dissolution finale est le passage au-delà. Pendant cette période du toukdam, il reste un peu de chaleur au niveau du cœur. Le corps et l’esprit ne se sont pas encore séparés et l’esprit reste en celui-ci dans le samadhi (état d’absorption).

Chez un être ordinaire, la respiration et les souffles extérieurs s’arrêtent et les souffles intérieurs se dissolvent très rapidement, en l’espace d’une minute. C’est alors la période d’inconscience.

– La relique physique qu’est la dépouille de Rinpoché va être conservée dans un tcheutèn sous forme de Mardoung, pourriez-vous nous expliquer ce dont il s’agit ?

Il y a différentes façons de faire avec la dépouille d’un grand Lama, particulièrement ce que l’on appelle Kardoung et Mardoung, chacun ayant des utilités spécifiques :

Le Kardoung (litt. dépouille blanche) se réfère à l’incinération. La dépouille est consumée par le feu et les reliques qui en viennent servent, sont conservées dans des urnes ou des tcheuten.

Mardoung (litt. : dépouille rouge) se réfère au procédé traditionnel dans lequel on ne consume pas le corps et le garde dans son intégralité dans un Tcheuten.

En ce qui concerne Kalou Rinpoché, pour que son activité de Bouddha continue longtemps, et pour le bien des enseignements, l’on va conserver sa relique corporelle dans un tcheuten. Au Tibet, il y eut de nombreux grands lamas tels que Marpa, dont on conserva la relique corporelle sous forme de Mardoung.

La dépouille de Marpa Lotsawa a été conservée sous forme de Mardoung…

Oui, et certaines de ses reliques sont en Angleterre, je les y ai vues. Il y a à Londres un os de Marpa le traducteur. Les Chinois ont détruit son Mardoung, mais celle partie a été préservée.

Rinpoché, quand et comment pensez-vous que viendra la renaissance de Khyabdjé Kalou Rinpoché ?

Pour l’instant, je ne peux pas dire. Il y a une prédiction faite par Kalou Rinpoché lui-même disant où et comment il reprendrait naissance. Il y a cette indication, les signes et indications qui sont perçues par les grands lamas de la lignée. Aussi il y a le Karmapa qui reviendra bientôt. Leur vision complètera la prédiction. Elle n’est pas maintenant parfaitement intelligible, mais c’est suffisant, par la force de son esprit éveillé, de ses prières et de ses souhaits, il ne sera pas possible de se tromper.

Pourriez-vous nous donner quelques informations sur le retour de S.S. Gyalwang Karmapa ?

Dans la lettre qu’il a laissée, il y a une date indiquant l’année, le mois et le jour auquel il faudra faire son intronisation. Lorsque cette date arrivera, ce sera fait.

Il sera reconnu publiquement et conduit à son monastère. Ce sera l’année prochaine. Pas cette année-ci qui est une année noire selon l’astrologie tibétaine. Mais je ne peux pas vous dire la date, nous n’avons pas encore lu la totalité de sa lettre. L’intronisation proprement dite ne se fera pas très vite car elle demande beaucoup de préparatifs. Elle se fera progressivement, mais si l’on peut déjà rencontrer de nouveau S.S. le Karmapa, c’est l’essentiel.

Je vous adresse mes remerciements, Rinpoché !

 

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