Extrait du Flambeau de la certitude
Djamgoeun Kongtrul I
Voici un court extrait de la deuxième partie du Flambeau de la certitude, précis de méditation composé par Djamgœun Kontrul I. En gras, le texte original, traduit en français par le Comité Lotsawa ; en plus petits caractères, quelques commentaires explicatifs de Lama Denis Teundroup.
C’est-à-dire ne pas analyser, ne pas penser à des évènements qui sont déjà passés.
C’est-à-dire ne pas réfléchir à ce qui pourrait venir dans telle ou telle situation, à ce qui va se passer.
Il s’agit de rester dans la connaissance de l’instantanéité, du présent immédiat, sans rien faire, sans rien fabriquer mentalement, sans modifier l’état présent, sans le conditionner ; sans essayer de rectifier, de retoucher l’esprit, ou de fabriquer en celui-ci un état particulier ; sans créer d’artifice, en lâchant prise, laissant être ce qui est, « tel quel ».
Cette simplicité est paradoxalement demandante pour notre esprit compliqué, qui éprouve inlassablement le besoin de s’affirmer en observant, évaluant, et espérant : « pourvu que ça vienne ! », ces attitudes d’attente sont un premier type d’obstacle.
Ce deuxième type d’obstacle consiste à avoir peur, à se dire : « Je n’y arriverai jamais, est-ce cela, n’est-ce pas cela ? » Toutes ces questions que l’on se pose : tous les jugements et évaluations sont des obstacles à la découverte de l’état de simplicité naturelle.
Il s’agit donc de rester dans un état sans attente et sans inquiétude. Toutes les attitudes d’espoir et de crainte font obstacle à l’apparition spontanée du repos naturel de l’esprit.
On reste « décroché » dans un état en lequel références et jugements sont absents, dans lequel la connaissance est celle du présent dans son instantanéité immédiate.
Dans cet état, on ne prend de référence ni intérieure, ni extérieure. On n’essaye pas de produire, de changer ou de modifier quoi que ce soit, d’interférer de quelque façon que ce soit avec l’état de l’esprit tel qu’il est. On reste au repos, libre de toutes méditations intentionnelles et de toutes interférences.
On pourrait dire aussi : on « laisse tomber ». En s’abandonnant, se « laissant partir » complètement, on s’immerge naturellement en la sphère de ce qui est, tel que c’est.
La distraction consiste à se distraire de l’esprit d’instantanéité en lequel on est « en vacance » et à recommencer à suivre pensées et émotions.
Par non-méditation, il faut entendre absence de toute méditation intentionnelle produite par le mental, absence d’un état d’absorption méditative que l’on essaierait de fabriquer de quelque façon que ce soit.
C’est l’absence de toutes les formes d’intervention, de tentative, d’essais, que l’on pourrait essayer d’utiliser « pour faire comme il faut ».
On entend par là que ces trois principes essentiels de la méditation de mahâmudrâ sont les trois portes ou les trois moyens qui conduisent à la parfaite libération, à l’expérience de la nature ultime de l’esprit : la réalisation de mahâmudrâ.
C’est un état auto-connaissant, c’est-à-dire se connaissant de lui-même, en lui-même. Cet état se révèle dans l’absence de fixation. Ce sont en effet les fixations sur les pensées qui dissocient celles-ci de leur connaisseur. En l’absence de toute fixation sur les pensées, on laisse les pensées et le penseur être comme l’eau et ses vagues qui sont une seule et même chose ; et en cet état on reste absorbé, l’esprit se connaissant naturellement, lucide et lumineux en lui-même.
C’est sur l’essence même de celui qui fait l’expérience : l’observateur qui connaît et évalue : « l’esprit est en place, l’esprit bouge », que l’on reste posé dans une vision ouverte, béante, sans fixation. Dans ce « dégagement spacieux », l’observateur repose tout en douceur sur lui-même !
L’attention qui examine l’esprit, ce qui apparaît, qui suit ce qui s’y passe n’est pas nécessaire. Ses activités seraient de nouvelles fixations, de nouvelles formes d’artifices et de distractions.
C’est état est dit de lucidité-vide, c’est la lucidité de l’esprit vide de toute forme de fixation, vide d’observateur. Une expérience d’ouverture en laquelle l’esprit est dégagé de tous les points de repère, de toutes les références et de toutes ses fixations habituelles.
Il s’agit d’abord de comprendre ce qu’est cet état, d’en découvrir l’expérience ; puis ensuite de le cultiver dans l’absence de distraction, c’est-à-dire de ne pas s’en distraire et d’y revenir chaque fois que l’on se serait fixé sur une pensée ou sur quoi que ce soit. Quitter cet état est distraction. Rester régulièrement en cet état est ce que l’on appelle l’absence de distraction.
On cultive cet état d’abord lors de sessions de méditation, puis le stabilise en dehors des sessions, jusqu’à finalement y être absorbé continuellement, quoi que l’on fasse, dans n’importe quelle situation.
Si l’on médite ainsi, quelles que soient les pensées qui émergent, elles apparaissent et disparaissent instantanément sans suite, comme des flocons de neige tombés sur une pierre chaude, se dissolvant immédiatement.
Il convient de laisser l’esprit aller de lui-même en son état naturel, il y va tout seul pour autant qu’on le laisse « tel quel » ; il convient simplement de cultiver l’état de non-fixation fondamentale, qui lui permet d’y aller de lui-même.
Cet état de l’esprit, en son état naturel, est cultivé quelle que soit l’action extérieure que l’on aie ; on le garde quoi que l’on fasse, en toutes circonstances ; c’est en lui que se révèle ce que l’on appelle l’activité, c’est-à-dire une activité sans référence aux concepts et aux points de repère mentaux habituels ; elle est directe et immédiate, parfaitement en adéquation avec la réalité de la situation.