Méthodes de méditation

Extraits de textes classiques

(Traductions du tibétain par le comité Lotsawa)

 

La maîtrise des perturbations de l’esprit

(extraits du Résumé des points essentiels, bskyed rdzogs gnad bsdus, 10, 11, 12)

L’Omniscient enseigna deux voies par lesquelles s’engager : celle des sutras et celle des mantra. Bien qu’elles aient de nombreuses et très vastes portes d’entrée, les pratiques des sutras se ramènent à ne commettre aucun acte négatif, à cultiver les vertus et à discipliner son propre esprit. Celles du vajrayana se ramènent aux méditations des phases de développement et d’achèvement.

Plus précisément, la racine de tous les phénomènes est spirituelle, c’est pourquoi le point essentiel est tout d’abord de discipliner son propre esprit.

Si l’on fait des pratiques de récitation de mantra, des constructions de représentations, etc., même si l’on accumule de telles pratiques pendant des générations, sans maîtriser l’esprit, on n’obtiendra pas l’éveil.

Par maîtriser l’esprit, on entend maîtriser les émotions perturbatrices, ce qui peut s’obtenir par trois moyens :

L’abandon

L’abandon des passions est la voie commune des sutras. On les abandonne en méditant sur leurs remèdes : la répugnance pour l’attachement, l’amour pour la colère, et les interdépendances pour l’opacité mentale.

La transformation

La transformation des passions est la voie spéciale du mantrayana. Lorsque naît une émotion de désir ou d’attachement, on médite sur Amithaba ou sur un Heruka enlacé embrassant. La pensée de désir est transformée en la divinité (yidam).

On transposera de même pour les autres émotions.

La reconnaissance

La reconnaissance de la nature des passions est la voie remarquable particulière. Lorsqu’une pensée de désir apparaît clairement, on contemple son essence, elle s’évanouit d’elle-même et l’indissociabilité de la félicité et de la vacuité, mahamudra, apparaît. C’est aussi ce qu’on appelle la connaissance primordiale du discernement. Il n’y a alors plus à abandonner ni à saisir, ni à transformer : tout est inclus dans l’esprit. Dans cet esprit lui-même, laissé sans artifice, il n’est d’autre connaissant que cette pensée éveillée.

La phase de développement

(Extraits du Précieux rosaire de Padmasambhava, ‘Grel pa rin chen preng ba)

Il y a trois points essentiels à cette phase de la pratique : la clarté de l’aspect visualisé, le rappel du symbolisme, la fierté divine.

1. La clarté de l’aspect visualisé, pour la purification de l’attachement (aux apparences) ordinaires.

De la méditation sur l’aspect visualisé naissent toutes les qualités communes. Visualiser un grand siège est (de bon augure pour) une longue vie ; méditer des jambes écartées, bien campées, une posture ferme, un corps beau et jeune, fait diminuer les maux et donne une excellente santé. Visualiser les attributs fait accomplir les souhaits, avoir clairs les ornements au complet donne la richesse. Méditer clairement le visage, les canines, la couleur du corps, est une connexion pour être obéi de tous et dominer les apparences.

Par conséquent, il faut méditer avec clarté l’aspect de la divinité centrale et son entourage dans tous leurs détails : couleur, visage, attributs, sans rien laisser ; cela fait naître toutes les qualités communes tout en protégeant des attaques de n’importe quel obstacle.

S’il n’y a aucune clarté, aucune qualité n’apparaîtra.

2. Le rappel du symbolisme, pour la connaissance de sa nature propre.

a. Le symbole

Dans le cas où l’on médite (une divinité à) trois têtes, six bras, quatre jambes, etc. se rappeler que trois têtes représentent les trois corps, six bras les six sagesses (pareille au miroir, d’équanimité, de discrimination, toute accomplissante, de dharmadhatu, et naturelle), quatre jambes les quatre samadhi. Pour la couleur, le blanc symbolise l’état de pureté sans faute, le jaune l’épanouissement des qualités, le rouge l’attachement de la compassion, le vert l’activité sans limite, le bleu (nuit) ou le noir le dharmata (ce terme se réfère à la nature de l’esprit) immuable. Pour les attributs, le vajra a le sens de disperser, la roue de couper court aux émotions, le joyau l’abondance des qualités, le lotus l’état immaculé, le vajra cruciforme ou l’épée l’activité sans limite.

De cette façon, les qualités naîtront si l’on suit le texte de la sadhana de l’une ou l’autre divinité.

b. Le sens absolu

Tous ces aspects sont dénués d’existence véritable, il faut les reconnaître dans leur vacuité naturelle. Ainsi, l’éclat non obstrué se manifeste clairement comme divinité, l’inexistence naturelle se révèle comme vacuité, l’essence s’illumine en clarté-vacuité indivisibles.

C’est en méditant de cette manière indifférenciée que l’on parachève les deux accumulations et obtient le fruit de l’état de bouddha.

3. Prendre appui sur la fierté divine, pour éviter toute récupération égotique en méditation et en post-méditation.

Que la visualisation soit claire ou non, il faut penser : « la divinité c’est moi », et ne pas concevoir d’apparences ordinaires. Par cela, toutes les qualités non communes et sublimes naissent dès cet instant.

La phase de perfection

(extraits du Résumé des points essentiels bskyed rdzogs gnas bsdus, 21, 22, 23)

D’une façon générale, la phase de développement (kyérim) est fabriquée. C’est un cheminement artificiel qui conduit au sens de l’état naturel de l’esprit. Appréhender les apparences illusoires comme illusoires et, après être arrivé à la conclusion qu’elles n’ont aucune existence fondamentale, abandonner tout artifice et rester tel quel, c’est la pratique même de dzorim, le vrai état naturel. Le premier est le sens didactique alors que le second est le sens certain. Si l’on comprend le sens de l’esprit, cette seule compréhension libère tout ; si l’on ne comprend pas le sens de l’esprit, tout connaître est pire que ne rien connaître. Si la vacuité est juste, tout est juste. Si la vacuité n’est pas juste, rien n’est juste.

C’est ce que dit le mahacarya Nagarjuna :

« Mahamudra, maha-ati, madhyamaka, au-delà des concepts, ultime, esprit des victorieux, mode d’être primordial, perfection de la connaissance transcendante, vision, méditation, action … toutes ces énumérations de noms et de concepts sont fondamentalement la nature véritable de l’esprit même ; elle ne consiste en rien et est au-delà de l’esprit conceptuel, inexprimable. Ces énumérations ont été enseignées uniquement pour converger vers cette unique (nature). »

Cette méditation du sens de l’esprit apparaît intérieurement par la force de la dévotion. Les êtres ordinaires qui n’en auraient pas besoin peuvent méditer quelques aspects du mode d’être essentiel de l’esprit, mais risquent de méditer dans l’ignorance indifférente.

L’indifférenciation des deux phases

(Extraits du Précieux rosaire de Padmasambhava, ‘Grel pa rin chen preng ba)

Pratiquer dzorim, c’est kyérim ; manifester le sens ultime, c’est dzorim. Les deux sont inséparables et indifférenciés, c’est l’union confondue de kyé-dzo. De même, l’apparition claire et non obstruée de l’ensemble du monde et des êtres, c’est le corps formel. Sa demeure en le vide fondamental est le corps absolu. En essence, absolue non-pensée, tel est leur caractère indifférencié.

A partir du moment où il y a le corps formel de l’éclat, celui-ci n’est pas du corps absolu de l’état naturel. Comme il demeure en ce dernier, le corps absolu naturel n’est pas différent du corps formel de l’éclat.

Par ce point essentiel, (l’une et l’autre des deux phases) ne sont autres qu’indifférenciées.

 

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