Les points fondamentaux du vajrayana

Les points fondamentaux du vajrayana

Bokar Trulkou Rinpotché

Bokar Trulkou Rinpotché est un maître de méditation des plus réputés dans la tradition bouddhique tibétaine. Ses enseignements sont particulièrement remarquables en ce qu’ils exposent en termes simples les vérités spirituelles les plus profondes et les plus subtiles.

Nous proposons ici la transcription intégrale d’un enseignement donné oralement à Karma-Ling, le 20 novembre 1988, traduit par Lama Denis Rinpoché.

Pour commencer, nous éveillons en nous l’attitude d’esprit du mahayana, la motivation de bodhicitta.

Nous allons écouter cet enseignement pour comprendre le sens du dharma, qui nous permettra de pratiquer celui-ci, cheminant sur la voie pour arriver à l’éveil pour le bien et le bonheur de tous les êtres.

Une connexion rare

D’une façon générale, l’évolution de l’univers est cyclique. Il y a une succession de cycles cosmiques que l’on appelle les kalpa.

Un kalpa est la période qui comprend la genèse d’un univers, sa durée, puis sa dissolution. Apparition, évolution, et disparition d’un univers constituent un cycle cosmique, un kalpa, et il y a eu, depuis l’origine, un nombre incalculable de ceux-ci : par trois fois innombrables. Parmi tous ces cycles cosmiques, certains sont dits lumineux et d’autres obscurs. Lumineux est celui dans lequel un bouddha est apparu et a transmis l’enseignement. Obscur est celui durant lequel la lumière flamboyante de l’enseignement n’est pas apparue. Ces derniers sont incomparablement plus nombreux que les premiers.

Le kalpa, ou cycle cosmique, dans lequel nous sommes actuellement est particulièrement favorisé car il fut prédit que mille bouddhas y transmettraient les enseignements : à l’origine de ce kalpa présent, des augures particulièrement propices apparurent, sous la forme de mille fleurs de lotus qui présageaient de la venue en ce cycle de mille bouddhas.

Depuis, quatre bouddhas sont apparus : trois appartiennent au passé, le quatrième est Sakyamuni ; nous détenons aujourd’hui ses enseignements.

Les trois premiers bouddhas, ceux qui sont passés, ont transmis les enseignements sous la forme des sutras, mais pas des tantras.

Le quatrième bouddha, Sakyamuni, a transmis à la fois les enseignements des sutras et les enseignements des tantras. Si l’on sait que les neuf cent quatre-vingt-seize autres bouddhas qui suivront Sakyamuni ne transmettront pas non plus les enseignements des tantras, mais uniquement ceux des sutras, on peut se rendre compte que cette transmission dont nous bénéficions aujourd’hui est extrêmement précieuse et importante.

Ces considérations peuvent nous permettre d’apprécier l’importance de cette connexion que nous avons aujourd’hui établie avec les enseignements des tantras, avec le vajrayana, et d’apprécier ainsi sa rareté, et, par là même, de la considérer comme quelque chose d’extrêmement précieux.

Les caractéristiques du vajrayana

Les enseignements des sutras sont une approche qui transmet ce qui, ultimement, conduira à l’éveil. Les causes de l’éveil étant la pratique du refuge, la pratique de bodhicitta, etc. ; tous ces facteurs sont ceux qui progressivement amèneront la réalisation et l’éveil.

L’approche tantrique du vajrayana se définit comme l’approche du fruit, ou du résultat. Elle utilise le résultat, les fruits ultimes de la réalisation spirituelle, c’est-à-dire l’expérience du monde comme mandala, comme domaine de bouddha, l’expérience des êtres dans leur nature pure divine comme moyen de progression, comme support de pratique sur la voie.

Alors, on pourrait se demander quelle est la différence entre l’approche des sutras et l’approche des tantras, l’approche du véhicule causal et l’approche de ce véhicule fruit.

Une parole célèbre dit :

« L’approche du vajrayana est caractérisée :
Par la multiplicité des méthodes,
Par l’absence de difficultés,
Par le fait qu’elle est destinée à des personnes aux facultés vives,
Par la rapidité. »

Du point de vue du fruit, la réalisation de ce qui est finalement obtenu, il n’y a pas de différence entre l’approche des sutras et celle des tantras : ils conduisent l’un et l’autre à la même réalisation.

Néanmoins, l’approche du vajrayana se caractérise par sa méthodologie : dans le vajrayana il y a de très nombreuses méthodes spirituelles, de très nombreux moyens de réalisation, qui n’existent pas dans la tradition des sutras. Cette multiplicité des méthodes et des approches est la richesse du vajrayana. C’est le premier des points.

Le deuxième est que c’est une voie facile, en ce sens qu’il n’y a pas en celle-ci de nombreuses difficultés, abandon, renoncement, tels qu’on les rencontre dans l’approche des sutras.

Le troisième point est que l’approche du vajrayana est destinée à des gens dont les facultés sont vives, c’est-à-dire qui ont une réceptivité aiguë à ces enseignements.

Et pour ceux qui ont ces qualités, à ce moment là, c’est le quatrième point : le vajrayana est une voie rapide. C’est une voie de réalisation spirituelle qui permet d’arriver à l’éveil beaucoup plus directement et rapidement que celle des sutras.

Les avantages du vajrayana

Le vajrayana est une voie de transmutation. Il y a là une grande différence dans sa méthodologie par rapport à celle des sutras. Dans les sutras, il est conseillé, par rapport aux émotions et aux passions, de les abandonner, de les faire décroître. Le vajrayana, lui, propose une transmutation, une reconnaissance de la nature essentielle des émotions et des passions. Dans cette approche de la transmutation, il n’y a pas lieu de rejeter les émotions. Par les moyens adroits du vajrayana, elles vont être transformées, reconnues dans leurs qualités essentielles, et, par là même, on en sera libéré.

L’approche du vajrayana est un moyen de réalisation particulièrement rapide. Dans l’approche des sutras, on traverse petit à petit les différents niveaux de la réalisation, les différents chemins spirituels, les différentes terres de bodhisattva, ce qui peut prendre un temps extrêmement long. Alors que dans l’approche du vajrayana, il est possible en l’espace de quelques vies au maximum, d’arriver à la pleine et parfaite réalisation spirituelle.

Dans les approches mêmes du vajrayana, il y a de nombreuses différences à noter. Il y a différents types de tantras : le tantra des actes, le tantra de l’activité, le tantra de l’union, et le tantra de l’union insurpassable. Les premiers de ces tantras permettent déjà un cheminement extrêmement rapide. Quant au dernier, le yoga de l’union insurpassable, il propose des méthodes qui, pratiquées de façon juste, nous permettent d’arriver à la réalisation spirituelle de notre vivant, ce qui fait la valeur et le caractère exceptionnel de cette approche des tantras.

Nous avons ainsi vu très succinctement à la fois la présentation du vajrayana et les avantages de son approche.

Comment pratiquer le vajrayana ?

Motivation

La première chose qu’il convient d’examiner est la personne, le pratiquant du vajrayana. Cette personne doit avoir comme motivation la motivation du mahayana, bodhicitta, c’est-à-dire une aspiration entière et complète vers l’éveil pour le bien de tous les êtres, pour mettre la pratique au service du bonheur et de la libération de tous.

Cette motivation de bodhicitta, motivation du mahayana, est celle qui doit animer le pratiquant lorsqu’il s’engage dans le vajrayana.

La raison de la nécessité de cette motivation est qu’habituellement nous sommes dans une attitude égocentrée. Nous sommes profondément fixés sur nous-mêmes et nous sommes attachés à nous-mêmes. Si nous nous engageons dans les pratiques du vajrayana avec cette attitude égocentrée, et cet attachement à nous-mêmes, à notre intérêt propre, à notre auto-amélioration, nous nous exposons à toutes sortes de difficultés et aux risques de déviations et d’errances. Il est donc fondamental lorsqu’on s’engage dans la voie du vajrayana et qu’on s’apprête à pratiquer la méditation sur les divinités, sur les champs purs des bouddhas, etc., que notre motivation ne soit pas telle ; que notre état le plus fondamental soit une disposition altruiste, qui est précisément bodhicitta, la motivation du mahayana.

Pour développer cet état d’esprit, il est important de comprendre que tous les êtres sont dans la même situation que nous : comme nous ils aspirent au bonheur et souhaitent éviter la souffrance. Si l’on perçoit cette similitude fondamentale dans les aspirations, on peut comprendre que soi et autrui sont similaires. On peut considérer autrui comme soi-même, comme étant animé par une même aspiration, une même recherche. C’est cette expérience d’égalité de moi et de l’autre, de l’autre et de moi, qui est la base de bodhicitta.

Dans notre situation actuelle, nous n’avons pas, en général, identifié autrui et nous-même. Nous n’avons pas une tendance naturelle à considérer l’autre comme notre égal, dans la mesure où nous voulons toujours ce qui est bon pour nous, et cherchons toujours à nous privilégier, à nous sécuriser. Nous n’accordons souvent que peu d’attention aux autres, à leur bonheur et à leur souffrance.

Lorsqu’on a pratiqué cette égalisation des autres et de soi-même, il convient alors d’inverser la situation égocentrée, c’est-à-dire de considérer l’autre comme étant plus important que soi-même. On apprend ainsi à comprendre que les fixations égoïstes sont la cause de toutes les souffrances, la source des transmigrations, des conditionnements dans le samsara, la source aussi de toutes les passions. On peut à ce moment-là délaisser cette attitude de fixation égotiste et apprendre à considérer l’autre comme la source de tout bonheur, de toute joie.

Cette disposition d’esprit n’est pas spontanée, des exercices spirituels nous proposent d’entraîner notre esprit dans cette perception et dans ce mode d’être. Parmi ces exercices, l’essentiel est la pratique de ce que l’on appelle tonglèn (tibétain écrit : gtong len), qui consiste à accepter et à donner. C’est une pratique dans laquelle, sous une forme lumineuse et blanche, on imagine qu’irradie tout ce qu’on a de positif, de vertueux, d’heureux, que l’on distribue sans réticence à tout être ; et, à l’inverse, sous une forme obscure et sombre, on accepte d’être exposé, on intègre tout ce qui est douloureux, pénible, négatif. En pratiquant ainsi encore et encore le don et l’acceptation, nous pouvons entraîner notre esprit à cette égalisation d’autrui et de nous-même, et ensuite provoquer ce renversement qui nous permet de considérer autrui comme étant plus important que nous-même.

Lorsque l’on parle de cette pratique et lorsqu’on l’approche en tant que débutant, on est confronté à une situation d’hésitation. On hésite à donner ce qui est bon, sur lequel on se fixe, car on y est attaché. On est dans une attitude de possessivité et d’avarice. A l’inverse, on a peur d’être exposé au désagréable, à la peine, aux souffrances. Il y a une réticence, une attitude de défense et de refus, une attitude de crainte, de peur.

Mais en pratiquant d’une façon intrépide, courageuse, on surmonte cette réticence et passe au-delà de ces hésitations. Ainsi notre possessivité décroît progressivement ainsi que nos craintes d’être exposé. C’est ainsi que l’esprit d’un bodhisattva se développe petit à petit dans cette direction.

C’est donc cet état d’esprit bien déterminé qu’il faut avoir lorsqu’on s’engage dans le vajrayana : tout le cheminement, toute la pratique sont consacrés à tous les êtres. Si nous n’avons pas cette motivation, et si nous voulons pratiquer le vajrayana dans un esprit personnel, individuel, égoïstement intéressé, nos pratiques ne nous permettront pas d’arriver au parfait éveil.

Il y a, pour illustrer cette situation, un épisode de la vie du grand maître Atisha. Celui-ci avait un grand disciple Dromteunpa qui vivait avec lui et qui d’ordinaire le matin lui offrait le thé. Un beau jour, au petit déjeuner, devant Dromteunpa, Atisha claque des mains et fait « aïe, aïe, aïe »: il prend une attitude évidente de dépit et de tristesse. Le disciple demande :

« Maître, que se passe-t-il ?
– Vous me voyez tout triste car un de mes disciples en Inde s’est engagé dans une voie erronée.
– Que se passe-t-il, de qui s’agit-il ? Qu’y a-t-il ?
– C’est mon disciple qui pratique Hévajra, et il s’est fourvoyé. »

Et Dromteunpa de lui demander :

« Hévajra est une pratique de l’anuttara-yoga-tantra, une pratique extrêmement profonde, comment votre noble disciple a-t-il pu se fourvoyer ?
– Il pratique le vajrayana, mais aujourd’hui il a abandonné bodhicitta, il a abandonné son état d’esprit du mahayana. »

Et il expliqua :

« Quand on pratique ainsi le vajrayana, si l’on endommage bodhicitta, on se trouve dans une situation encore pire que la situation de ceux qui n’ont jamais développé bodhicitta, comme les arhat, les sravaka : on se trouve dans un cheminement qui mènera à des conditions beaucoup plus mauvaises. »

Il est donc d’une importance extrême d’avoir cette motivation comme fondement de notre pratique du vajrayana, elle est essentielle.

La pratique : mûrissement et libération

En ce qui concerne l’approche pratique du vajrayana proprement dite, on peut la voir sous deux facettes : le mûrissement (tibétain : mine ; écrit : smin), et la libération (tibétain : dreul ; écrit : sgrol).

Le premier se fait par la transmission initiale, les initiations. Le deuxième volet fait référence aux pratiques mises en œuvre et accomplies sur la base de la transmission établie au travers de l’initiation. La transmission initiatique est quelque chose de spécifique au vajrayana, qui n’existe pas dans l’approche des sutras.

Qu’appelle-t-on une initiation, et quelle en est la fonction ? Il y a différents types de processus spirituels initiatiques qui sont en corrélation avec les différents tantras. D’une façon générale, l’initiation est ce qui fait mûrir notre esprit : le processus de l’initiation fait appel à différents éléments au niveau du corps, de la parole et de l’esprit. Il y a différents gestes symboliques (sanscrit : mudra), qui sont utilisés, ainsi que différents éléments différentes représentations, différents symboles qui sont mis en œuvre au travers de mantra ; on fait aussi appel à l’aptitude à la pratique.

Une initiation, une transmission du vajrayana, ne peut se faire que sur la base du refuge. C’est une règle élémentaire et qui se comprend très facilement, car le refuge est simplement la décision, ou le choix, de commencer à pratiquer ; décision sans laquelle il n’y aurait aucune raison de se joindre à quelque forme de transmission ou de pratique que ce soit.

Le deuxième volet est le cheminement libérateur (dreul), la pratique qui se développe après l’initiation, sur sa base. Il va, à son tour, avoir deux parties : kyérime (tibétain écrit : bskyed rim ; sanscrit : utpattikrama) et dzorime (tibétain écrit : rdzogs rim ; sanscrit : sampannakrama). Kyérime est la phase de génération, de développement, et dzorime est la phase d’achèvement ou de perfection du processus de méditation du vajrayana.

La première s’appelle ainsi car c’est le moment de la méditation où est engendrée et développée la présence de la divinité. On commence souvent la méditation de kyérime par quelques préliminaires pour développer une énergie positive. Puis, il y a toujours un moment de méditation sur la vacuité. Et de cette vacuité apparaît, sur un siège de lotus, la syllabe germe, la graine, le principe de la divinité ; comme HRI, HOUNG, etc. Puis, au travers du processus méditatif, elle se transforme en l’apparence même de la divinité, son corps, sa couleur, ses attributs, toutes ses caractéristiques… Cette pratique de kyérime est un enseignement particulier du vajrayana, un des aspects qui font de ces enseignements et de ces pratiques une approche remarquable.

En effet, dans la pratique des sutras, lorsque l’on est confronté à des pensées, à des émotions, il n’y a pas d’autre possibilité que de les laisser se dissoudre, ou d’utiliser quelques moyens pour éviter celles-ci. Ici, dans l’approche de kyérime, on utilise ces pensées et ces émotions en les transformant : à la pensée ordinaire, on substitue l’expérience du corps de la divinité. On a une pensée avec une forme, c’est bien la forme de la divinité. Si l’on a une expérience ou une émotion par rapport à l’environnement, à cette expérience ordinaire se substitue la pureté du domaine de bouddha. Si l’on entend un son, à l’expérience ordinaire du son se substitue la sonorité du mantra. Il y a ainsi un processus de transformation qui permet de changer les aspects des contenus impurs ordinaires de notre esprit en aspects purs.

Au départ, il y a une intentionalité dans cette substitution et dans cette transformation. Elle est nécessaire, et elle est même très importante pour que le processus de transmutation puisse commencer à exister.

On peut prendre un exemple : dans l’approche des sutras, on apprend à laisser l’esprit dans un état d’absorption unique (tibétain : tsétchik ; écrit : rtse gcig). Cet état d’absorption unique rappelle la situation dans laquelle un enfant [l’enfant c’est l’esprit] s’entendrait dire par sa mère [c’est-à-dire le méditant] : « mon petit, maintenant, tu restes à la maison. Tu vas être sage. Je reviens dans quelques heures, tu ne bouges pas ». Que va-t-il se passer ? Le petit, cela ne va pas lui plaire du tout, il va être turbulent, il va sortir ; et si sa maman le force à rester, toutes sortes de problèmes vont se poser. L’approche du vajrayana est complètement différente : la maman ne dit rien au petit, et ne l’oblige pas à rester à la maison, mais il y a dans la maison quantité de jouets et de gadgets… et sans même que maman soit obligée de le dire, il va être content de rester à la maison ; il a tellement de choses pour s’amuser que l’idée d’aller ailleurs ne lui viendra même pas.

Lorsque nous méditons sur kyérime – prenons l’exemple de la méditation de Tchènrézi – il s’agit d’être Tchènrézi, tout simplement, calmement. Si nous avons beaucoup de pensées, toute la versatilité de l’esprit se déploie dans l’expérience de la couleur de Tchènrézi, d’une de ses mains, d’une autre de ses mains, de ses ornements, de ses habits, de tous les détails qui constituent son apparence. Notre esprit peut se mouvoir à son gré dans ces pensées qui sont celles de l’expérience de la forme de Tchènrézi. L’expérience de différents détails intègre l’ensemble des pensées qui apparaissent. Si nous n’avons pas beaucoup de pensées, il n’est pas nécessaire d’en produire.

Néanmoins, il ne faut pas réduire la pratique de kyérime à un moyen d’intégrer les pensées, de les transformer. Il y a, à la pratique de kyérime, de très nombreuses raisons profondes. Elle permet, par ailleurs, de dissoudre et purifier des tendances antérieures, les imprégnations latentes dans notre esprit. Elle permet la transformation des pensées présentes. Quant au futur, elle nous ouvre à l’expérience de la pureté fondamentale qui sera réalisée dans l’expérience des êtres comme bouddha, et du monde comme domaine de bouddha.

Ce qu’il est important de bien reconnaître, c’est que les pratiques du vajrayana ne sont pas simplement un jeu d’enfant ; cet exemple a une valeur didactique, qui nous permet de comprendre quelque chose, mais il y a une raison extrêmement profonde à l’utilisation de ces différentes représentations qui dépasse de beaucoup leur simple utilisation comme support d’investissement des pensées.

Lorsqu’on a longtemps médité ainsi sur kyérime, et que, dans cette pratique, on a opéré ce processus de transformation que nous venons d’évoquer, on médite ensuite sur dzorime, la deuxième phase, phase d’achèvement, de perfection ; c’est une méditation sans forme, dans laquelle toutes les apparences qui ont été développées pendant kyérime se dissolvent, disparaissent.

La raison de la méditation sur dzorime est qu’il peut y avoir une tendance à solidifier l’expérience de kyérime, à considérer l’apparence qui a été ainsi engendrée comme quelque chose de réel, de concret, à ne pas voir que ce sont des symboles, que ce sont des représentations, et à se fixer dessus.

Au-delà de l’expérience de kyérime, il y a le dépassement de toute forme de fixation, de toute forme de solidification : l’expérience de dzorime.

La pratique de kyérime est un moyen de transformer les pensées ordinaires, et la pratique de dzorime un moyen de dépasser l’attachement et les fixations qui pourraient naître envers les formes engendrées dans la pratique de kyérime. Il y a une pratique en deux temps.

Mais, en fait, il y a finalement une combinaison des deux pratiques, c’est ce que l’on appelle « les deux pratiquées conjointement » (tibétain dyé-dzo soung-djouk ; écrit : bskyed rdzogs bzung ‘jug). Cette pratique de kyérime et de dzorime débouche sur l’expérience dite de « luminosité-vide » (tibétain sèltong ; écrit : gsal stong), dans laquelle la luminosité est l’aspect kyérim et la vacuité est l’aspect dzorim.

C’est ce que l’on appelle la pratique de kyérime-dzorime au niveau essentiel, fondamental. La réalisation de la luminosité-vide est ce que l’on appelle l’obtention de l’état de Dordjé Tchang.

L’engagement dans la pratique

Le vajrayana est cette voie extrêmement profonde et rapide. Pour pouvoir la pratiquer de façon juste, il est nécessaire d’avoir confiance et dévotion. La confiance, ici, se place d’abord dans les enseignements du vajrayana qui nous ont été transmis par le bouddha : ne pas avoir de doutes, d’hésitations, d’appréhension à leur sujet, et avoir une confiance authentique. Cette même confiance est aussi nécessaire vis-à-vis du lama qui nous ouvre à ces enseignements au travers de l’initiation et qui nous transmet les instructions qui en permettent les pratiques. Il doit donc y avoir confiance à la fois envers l’enseignement et envers le lama qui le transmet.

Ensuite, il y a le damtsik (tibétain écrit : dam tshig ; sanscrit : samaya). Damtsik signifie le lien de l’initiation, la promesse, l’engagement attaché à l’initiation. Cet engagement est celui de constamment utiliser la pratique pour transformer les expériences ordinaires de notre corps, de notre parole et de notre esprit : méditer notre forme comme étant celle de la divinité, notre parole comme étant son mantra, et notre esprit comme étant l’état d’absorption qui est celui de la divinité.

Un autre engagement associé à la pratique du vajrayana est le caractère privé et secret de ses pratiques. Ce sont des pratiques qu’il convient de faire intérieurement, d’appliquer à soi-même et non pas de transmettre à n’importe qui : il ne convient pas d’en parler à des gens qui n’ont pas la qualification nécessaire. De telles diffusions inconsidérées amènent des incompréhensions et créent des problèmes, puis des obstacles, et c’est quelque chose de négatif.

Si l’on pratique ainsi ces profonds enseignements du vajrayana, on pourra traverser rapidement les différents chemins de l’évolution spirituelle, les différents niveaux de bodhisattva et arriver finalement à la pleine et parfaite réalisation de Dordjé Tchang. C’est une voie qu’il nous faut ainsi apprécier et essayer de pratiquer avec énergie, sans réserve. C’est dans cette mesure que la transformation peut se faire et que l’on peut tirer grand profit de cette approche.

Nous allons conclure en faisant la dédicace, c’est-à-dire le souhait que, sur la base de cet enseignement, nous puissions cheminer dans la voie du vajrayana, arriver à l’éveil, à la réalisation de Dordjé Tchang, et consacrer celle-ci au bonheur et à la libération de tous les êtres.

 

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