La voie de la libération

3.1. Présentation : Les différentes approches du Dharma

3.1.2. Les trois véhicules : complémentarité et unité

«Le cycle du véhicule causal, le pâramitâyâna,
A été mis en mouvement pour ceux qui aspirent
À des enseignements partant des causes.
Le véhicule du fruit, le vajrayâna,
Fut ensuite enseigné comme raccourci.»
Tanyi Selwa (mTha’ gnyis sel ba)

Tous les enseignements du Bouddha peuvent être regroupés en les trois niveaux ou approches complémentaires que sont : hîna­yâna, mahâyâna et vajrayâna.

Trois méthodes

Nos conditionnements, nos problèmes et nos douleurs ont, ­comme nous l’avons vu, leur origine dans les dispositions négatives de notre esprit : son ignorance, ses attitudes égotiques et passion­nelles. Les différents aspects du dharma sont des moyens pour dissiper cette ignorance et ses négativités, suivant les besoins et aptitudes de chaque vivant : que ce soit en l’en protégeant, en les transformant ou en l’en libérant par la simple reconnaissance de leur nature.

– Se protéger des passions en se tenant à l’écart de leurs causes est l’approche des enseignements au niveau hînayâna, le véhicule étroit ou « petit véhicule ».

– Les transformer, c’est-à-dire faire qu’une passion ou une tendance négative, égotique, devienne une attitude positive et altruiste fondée sur l’amour et la compassion, est principalement l’approche mahâyâna, le « grand véhicule ». 

– Reconnaître « simplement » la nature des passions et ainsi s’en libérer, les transmuter dès qu’elles apparaissent dans l’esprit correspond principalement aux enseignements du vajrayâna, le véhicule adamantin.

– L’approche hînayâna consiste à garder une discipline parfaite, en abandonnant les conduites qui nuisent à autrui et à soi-même. Elle protège des obstacles et des distractions et permet de méditer en un état d’absorption sur une unique chose.

– L’approche mahâyâna consiste à pratiquer conjointement la compassion envers tous les êtres et la méditation sur le sens de la profonde vacuité. Elle met en œuvre, sur la base d’un état d’esprit altruiste appelé « esprit d’éveil », les six vertus à parfaire que sont : le don, la discipline, la patience, l’effort, la méditation et la compréhension.

– L’approche vajrayâna est une voie de transmutation purifiant toutes les activités, émotions et illusions impures, et permettant d’obtenir rapidement l’éveil au moyen de méditations dites de « géné­ration » et de « perfection »1Sur les particularités des trois yânas, voir aussi infra La voie de la transmutation..

Complémentarité et progression

Les pratiques hînayâna sont plus particulièrement celles de la discipline extérieure, c’est-à-dire les différents engagements ou vœux, tels que ceux de moine ou de fidèle laïque. Cette disci­pline extérieure constitue, avec ses bases méditatives, les fondations du dharma. Certains, dont les capacités de compréhension sont limitées, ne vont pas plus loin que ce niveau. Devant l’exposé de la compassion universelle et le sens de la vacuité tels qu’ils sont enseignés dans le mahâyâna, ils sont effrayés, se bouchent les oreilles et montrent une forte résistance intérieure :

« Non, ça n’est pas pour moi, ce n’est pas possible, je ne peux pas en­­tendre cela ! » Si de telles personnes entendent parler du vajrayâna et de ses nombreuses méthodes, leur refus est encore bien plus fort : « Ah non ! ce n’est certainement pas le Bouddha qui a pu enseigner cela ; ce sont des histoires, je ne veux pas en entendre parler ! »

Il est aussi des personnes qui peuvent comprendre la perspective mahâyâna des enseignements tout en ne pouvant accepter leur dimension vajrayâna !

Mais en fait ces trois véhicules, les trois yânas, sont des approches progressives, de l’extérieur vers l’intérieur. Ce sont trois niveaux qui correspondent tant à des aptitudes et des mentalités différentes qu’à des étapes de progression sur la voie. Les trois véhicules étant complémentaires, le mieux est de pouvoir les pratiquer conjointement.

Leur complémentarité peut être illustrée par l’exemple de la construction d’une maison : il convient d’abord d’établir de sol­ides fondations, correspondant à la discipline hînayâna. Sur celles-ci peut être construit l’édifice proprement dit, le mahâyâna, la pra­tique de la compassion et de la vacuité. Coiffant l’édifice, est posé le faîte du bâtiment, sa superstructure : les méthodes de réalisation particulières au vajrayâna. Il est clair que le toit de la maison nécessite l’édifice proprement dit et que celui-ci doit reposer sur des fondations solides. Ainsi en va-t-il de la progression et de la complémentarité des trois yânas.

Cette complémentarité est aussi celle de présentations convenant à différents types de personnes, aux aspirations et aux facultés variées.

Dans un grand magasin d’alimentation, les produits, les présentations et les emballages varient grandement, et chaque client choisit ce qui lui plaît ; pourtant, la fonction des produits est toujours de nourrir les clients. De même, les différentes approches conviennent à diverses réceptivités mais conduisent toutes vers l’éveil.

Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre de ces véhicules, c’est en mettant en pratique l’essence de leurs enseignements que nous pouvons, peu à peu, progresser dans la voie.

Les trois yânas sont aussi des dominantes de diverses traditions boud­dhiques hors du Tibet, mais notre présentation est celle de niveaux de pratique et non d’écoles spécifiques.

En particulier, dans cette classification la tradition du theravâda n’est pas réduite à celle du hînayâna, ce qui serait profondément erroné2Le theravâda, nommé par certains « Tradition du Sud » à la suite de son expansion géographique dominante, a une composante hînayâna plus marquée que le bouddhisme dit « du Nord » ou tradition mahâyâna. Néanmoins, la tradition theravâda a une dimension mahâyâna par l’amour et la compassion qu’elle enseigne comme vertus essentielles, tout comme la tradition mahâyâna a une dimension hînayâna par la discipline sur laquelle elle est fondée. Il faut bien distinguer les traditions theravâda, mahâyâna et vajrayâna, des trois yânas ou niveaux de pratique envisagés dans la tradition du vajrayâna : ceux du hînayâna, du mahâyâna et du vajrayâna.

Le Tibet a eu la chance de recevoir directement de l’Inde tous les niveaux de l’enseignement, tant hînayâna et mahâyâna que vajra­yâna. Je ne veux pas dire que vous ayez particulièrement de la chance de rencontrer des Tibétains, ils sont comme tout le monde ! Mais, par contre, vous avez beaucoup de chance d’avoir rencontré le dharma du Bouddha tel qu’il s’est transmis au Tibet, car c’est une tradition parfaitement complète et pleinement vivante.

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