L’esprit et ses transformations
2.2 Vies, morts et renaissances
2.2.7. Le bardo de la naissance à la mort
«Lorsque je suis dans le bardo
De la naissance à la mort,
Puissé-je ne pas perdre de temps
Et, abandonnant la paresse,
M’engageant sans distraction dans l’étude,
L’assimilation et la méditation des enseignements,
Puissé-je pratiquer, intégrant dans la voie
Apparence et esprit.»
Padmasambhava, Texte racine du Bardo Tödröl.
La gestation
Lorsque la conscience de renaissance s’unit aux sécrétions du père et de la mère, les souvenirs deviennent confus et disparaissent comme ceux des rêves nébuleux du sommeil profond.
Pendant la première semaine dans la matrice, l’embryon est dit « ovoïde », son aspect est comparable à celui de la bouillie de riz et il souffre comme s’il était cuit sur du cuivre chaud. Pendant la deuxième semaine, il est dit « oblong », son apparence est semblable à celle du beurre gelé et le souffle « omniprésent » différencie les quatre éléments (terre, eau, feu et air). Lors de la troisième semaine, l’embryon a globalement la forme d’une fourmi et, sous l’action du souffle « activateur », la manifestation des quatre éléments devient évidente.
L’embryon se modifie jusqu’à la septième semaine, où le souffle « spiralé » individualise les quatre membres ; il en souffre comme si on les lui étirait avec force et les étalait avec un bâton.
Lors de la huitième semaine, le souffle « ouvrant » produit les neuf orifices du corps ; l’embryon l’éprouve comme si on lui perçait une plaie fraîche avec le doigt.
À partir de ce moment, si la mère absorbe quelque chose de froid, il a l’impression d’être jeté dans la glace ; si elle mange beaucoup, d’être pressé entre des rochers ; si elle mange peu, d’être ballotté dans les airs ; si elle court violemment ou tombe, il le perçoit comme s’il dévalait les flancs d’un précipice ; si elle a des relations sexuelles, c’est comme s’il était flagellé avec des épines métalliques.
Après la trente-septième semaine, il commence à percevoir son état dans la matrice comme un emprisonnement dans un lieu désagréable et sombre ; il en est très malheureux et il aspire à en sortir. Au cours de la trente-huitième semaine, il est dirigé vers l’orifice de la naissance par le souffle « unissant à la fleur » ; il en souffre comme si son corps était entraîné par une roue en mouvement.
L’embryon est ainsi agité par vingt-huit souffles. Il se développe à partir du sang et des essences nutritives de la mère jusqu’à ce que son corps soit complètement formé.
Finalement, il est retourné par le souffle « renversant » et le bébé sort les bras pliés, souffrant comme s’il passait à travers un filet métallique.
Au moment où il sort de la matrice, il a l’impression d’être déposé sur des épines ; quand enfin il est essuyé, c’est comme s’il était écorché vif.
Qui, considérant toutes ces souffrances, aurait encore envie de retourner dans le ventre d’une mère ?
C’est ainsi que nous sommes nés.
Pendant la vie
Dans ce bardo de la naissance à la mort, celui de la vie ordinaire, l’esprit produit une illusion dominante qui est celle d’exister dans ce corps que nous considérons comme nôtre.
Cette illusion de notre corps repose, elle aussi, sur les éléments : terre, eau, feu, air et espace1Voir le chapitre suivant : Les huit consciences et les cinq principes élémentaires.. Ces éléments existent en nous depuis la conception, tant aux niveaux intérieur qu’extérieur ; ils mûrissent en nous comme une fleur qui s’épanouit. Par leur maturation, le corps et l’esprit se développent, grandissent et acquièrent leur force. Cette période d’évolution peut durer jusqu’à vingt-cinq ans puis, après cet âge et durant la deuxième partie de la vie, les capacités de ces divers principes s’affaiblissent, un processus de dégradation s’enclenche avec le vieillissement et se poursuit jusqu’à la mort.
Il y a donc deux phases naturelles : d’évolution puis d’involution. Néanmoins, ce processus peut être interrompu si une mort subite survient, comme si la fleur était coupée !
Dans le bardo de la naissance à la mort, nous ferons aussi l’expérience du bardo du rêve et peut-être de celui de la méditation ; puis nous passerons de nouveau au bardo du moment de la mort, puis au bardo de la vacuité et au bardo du devenir qui nous ramènera vers une nouvelle naissance.
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