Point 4 (suite 6)

Chapitre 10 – La pratique de l’esprit d’éveil en aspiration (1re partie de la pratique de l’esprit d’éveil)

L’esprit d’éveil étant né en nous, deux choses sont à connaître : les instructions du développement de l’esprit d’éveil comme aspiration et celles du développement de l’esprit d’éveil en tant qu’application.

Plan Résumé
(stance 14)
1) Ne pas abandonner les vivants,
2) Se souvenir des bienfaits de cet esprit,
3) Pratiquer le double développement
4) S’entrainer encore et encore à l’esprit d’éveil,
5) Cultiver et abandonner les huit dharmas blanc et noir ;
Ces cinq résument les instructions d’aspiration.

_ Le premier point est la méthode pour ne pas perdre l’esprit d’éveil.
_ Le second est la méthode pour que l’esprit d’éveil ne décroisse pas.
_ Le troisième pour renforcer l’esprit d’éveil.
_ Le quatrième la méthode pour développer l’esprit d’éveil.
_ Le cinquième est la méthode pour ne pas oublier l’esprit d’éveil.

I – Ne pas abandonner les vivants

Comment explique-t-on qu’apprendre à ne pas abandonner les vivants permet ne pas perdre l’attitude d’esprit éveillé ?
Dans Le Sutra des Questions de Anavataptanâgarâja, il est dit :

Le bodhisattva qui possède une qualité
est pourvu de la qualité de Bouddha la plus sublime
Quel est-elle ?
Un esprit qui n’abandonne jamais les vivants.

Abandonner mentalement les êtres, c’est vis-à-vis d’une quelconque personne qui nous a causé du tort se mettre à penser froidement, l’esprit ayant pris ses distances envers celle-ci : « Dorénavant je ne m’emploierai pas à lui rendre service même si l’occasion se présente ; si l’opportunité se présentait, je ne lui retournerai même pas le bien accompli. »

– Parle-t-on ici de délaisser mentalement tous les vivants, où juste de n’en abandonner qu’un seul ?

– Abandonner mentalement tous les vivants est une chose que ne font ni les shrâvaka, ni les pratiekabuddha et qui ne se rencontre pas même chez les rapaces et les charognards. Par conséquent même si l’on en a juste exclu mentalement un seul, l’esprit d’éveil sera perdu si l’on ne remédie pas à cet abandon dans un délai de quatre heures.

Il est donc vraiment impropre de prétendre être un bodhisattva en s’appuyant sur une autre façon de comprendre et en laissant tomber mentalement les êtres. Ce serait comme de conserver les effets personnels d’un unique fils que l’on aurait tué.

Il est peu probable de perdre l’esprit d’éveil quand des personnes  nous font du bien mais cela est à craindre dans la confrontation à ceux qui nous font du tort ; il nous faut donc accomplir ce qui leur sera utile et leur apporter le bonheur en développant particulièrement envers eux de la compassion. C’est là la tradition des êtres excellents.

Il est dit :

Si en réponse au bien fait, on nous nuit ; il faut à nouveau,
Par grande compassion se montrer conciliant.
Les personnes sublimes de ce monde,
Même quand on leur porte atteinte,
Répondent par d’excellents bienfaits.

II – Se souvenir des bienfaits de cet esprit

Comment explique-t-on que s’entraîner à garder présent à l’esprit les bienfaits de l’esprit d’éveil est un moyen de ne pas altérer l’attitude d’esprit éveillé ?

Il est dit dans Le Flambeau de la Voie de l’Éveil :

Les qualités qui naissent d’une pure attitude d’aspiration,
Ont été intégralement expliquées par Maitreya
Dans Le Sutra de l’Établissement du Noble Tronc.

Dans ce Sutra, les bienfaits de l’esprit d’éveil sont illustrés à l’aide de deux cent trente exemples environ et l’on y explique que tous ceux-ci se résument à quatre principaux types de bénéfices qui sont :

Le bénéfice qui se manifeste comme un bienfait personnel, illustré par des passages tels que :

Fils de la lignée, l’esprit d’éveil est comme le germe
De tous les enseignements du Bouddha. (…)
Il est comme Vaishravana (dieu des richesses),
Car il permet de dissiper toutes les misères.

Le bénéfice qui se manifeste comme un bienfait pour autrui, illustré par des passages tels que :

Puisque il protège parfaitement tout être,
Il est comme un havre. (…)
Il est comme un support, car il assiste tout être.

Le bénéfice de l’élimination de tout ce qui tend au déséquilibre, illustré par des images telles que :

Il est comme une lance
Qui nous fait vaincre l’adversité des passions. (…)
Il est comme la hache
Qui nous permet d’abattre l’arbre de la souffrance.

Le bénéfice de l’accomplissement de tout ce qui tend à l’harmonie, illustré par des métaphores telles que :

Il est comme le vase d’abondance
Qui exauce tous nos souhaits. (…)
Il est comme l’inestimable joyau
Qui comble pleinement tous nos désirs.

En gardant présents à l’esprit tous ces bénéfices, on intégrera cet état d’esprit éveillé doté de bienfaits comme étant suprême et inestimable.
Une fois ce changement de valeurs mis en pratique, il faudra veiller à préserver cet état d’esprit intact ; c’est pourquoi il faut toujours nous souvenir de ces bienfaits et les avoir présents à l’esprit, au moins une fois au cours de chacune des trois périodes de la journée (matin, midi et soir).

III – Pratiquer le double développement

Pourquoi s’appliquer à réunir les deux types d’acquis est-il un moyen de développer la force de l’attitude d’esprit éveillé ?

Dans Le Flambeau de la Voie de l’Éveil, il est dit entre autres :

Il est la cause de l’achèvement parfait des développements,
Dont la nature est intelligence immédiate et bienfaits.

Ce sont les aspects porteurs de moyens (upâya) tels que “les quatre façons de rassembler” et les “dix façon de cultiver l’enseignement” qui constituent le développement de bienfaits et c’est par les aspects porteurs de l’intelligence supérieure (prajñâ) tels que la compréhension de la parfaite pureté de la triade (sujet, objet, acte) qu’il y a développement d’expérience première. En réunissant ainsi ces deux développements, la force de l’esprit d’éveil naîtra en nous. C’est pourquoi nous devons les pratiquer avec constance et il nous faudrait, pour que ces deux développement s’amplifie, réciter aux différentes périodes de la journée ne serait ce qu’un court mantra et ce une fois au moins.

Il est dit dans L’énoncé des Acquis :

Un bodhisattva se demande toujours :
Aujourd’hui, qu’ai-je fait pour être utile aux êtres ?
Qu’ai-je fait pour développer bienfaits
Et expérience première ?

IV – S’entrainer encore et encore à l’esprit d’éveil

Pourquoi apprendre à pratiquer inlassablement l’attitude d’esprit éveillé est-il un moyen d’amplifier l’esprit d’éveil ?

Dans Le Flambeau de la Voie de l’Éveil, il est dit :

Après avoir développé un esprit pur qui aspire à l’éveil,
Il faut par de multiples efforts, assurer sa croissance en tout.

Il y a là trois aspects à connaître :

_ La formation de la pensée à la cause de l’esprit d’éveil ;
_ La formation à l’esprit d’éveil proprement dit ;
_ La formation de la pensée à la conduite d’esprit d’éveil.

C’est en cultivant ces trois aspects que cet état d’esprit est accru.

La première consiste à évoquer sans relâche l’esprit d’amour et de compassion envers les vivants, ou au moins d’y penser une fois durant chaque période de la journée.

La formation de la pensée à l’esprit d’éveil proprement dit consiste à y penser avec la conscience qui aspire à obtenir l’état de bouddha pour le bien des êtres, trois fois dans la journée et trois fois dans la nuit, ou d’accomplir soit la formule intégrale du développement de l’esprit d’éveil, soit de réciter au moins à chaque période de la journée la formule énoncée dans la cérémonie de développement de l’esprit d’éveil élaborée par le seigneur Atisha :

En les bouddha, dharma et sangha,
Jusqu’à l’éveil, j’entre en refuge.
Que par ma pratique du don et des autres vertus,
Je m’éveille pour le bien des vivants.

La formation de la pensée à la façon de cultiver l’esprit d’éveil comprend deux volets : l’apprentissage d’un état d’esprit qui se veut utile à autrui et l’apprentissage d’une attitude d’esprit qui influe favorablement sur le courant de notre être.

Le premier consiste à développer une pensée d’abandon et de dédicace de ses richesses, de son propre corps et de toutes les vertus passées, présentes et à venir pour le bien et le bonheur des vivants.

Le second consiste à se dédier, à ne compter que sur une discipline continue et à éviter passions et actes négatifs.

V – Abandonner les quatre dharmas noirs et cultiver les quatre dharmas blancs

Comment explique-t-on que s’appliquer à abandonner les quatre actions nuisibles et s’appuyer sur les quatre actions saines est un moyen de ne pas oublier l’esprit d’éveil ?

Dans Le Flambeau de la Voie de l’Éveil, il est dit :

Je garderai parfaitement les instructions transmises,
Afin qu’en d’autres existences,
Elles soient présentes en l’esprit.

– En quoi consistent ces instructions ?
– Il est dit dans Le Sutra des Questions de Kâshyapa :

Il y a quatre choses noires
Et aussi :

Kâshyapa, si un bodhisattva commet quatre choses,
Il oubliera alors l’esprit d’éveil.
Quelle sont elles? Ce sont…

Essentiellement, il s’agit de :

_ Tromper le guide spirituel ou une personne digne de vénération.
_ De faire regretter ce qu’il n’y a pas lieu de regretter.
_ De dire avec hostilité des choses inconvenantes à un bodhisattva qui a développé l’esprit d’éveil.
_ De tromper les vivants par sa conduite

Au sujet des quatre actions saines, il est dit :

Kâshyapa, si un bodhisattva accomplit quatre choses,
En toute existence, dès qu’il naîtra,
L’esprit d’éveil véritable sera là et
Tant qu’il ne sera pas allé au cœur de l’éveil,
Il ne s’en séparera pas, ni ne l’oubliera.
Quelles sont ces quatre choses ? Ce sont etc…. »

Il s’agit essentiellement de :

_ Ne pas mentir sciemment, fut-il au péril de sa vie.
_ D’établir tous les vivants dans la vertu et ensuite de les introduire aux valeurs du mahayana.
_ De considérer un bodhisattva qui à développé l’esprit d’éveil comme un guide pareil au bouddha et de louer ses qualités dans les dix directions.
_ De tenir en haute estime tous les vivants en n’ayant jamais l’intention de les abuser.

Expliquons le sens de la première action noire :

Si l’on ment avec l’intention de tromper, de leurrer un guide spirituel, un enseignant, un maître, un bienfaiteur ou quelqu’un digne d’égards, qu’ils s’en aperçoivent ou pas, que cela les flatte ou non, que ce soit important ou minime, qu’ils soient ou non abusés, si l’on ne remédie pas à cela dans un délai de quatre heures, l’esprit d’éveil sera perdu.

La première des actions « blanches » en est l’antidote, à savoir :
Veiller à ne pas mentir sciemment, fut-il au péril de sa vie.

Expliquons le sens de la deuxième action noire :

Si l’on fait regretter à quelqu’un d’avoir accompli un acte vertueux (que ce soit un pratiquant du hînayâna ou du mahayana) mu par la ferme intention d’arriver à faire naître ce regret, que ces pensées de regret apparaissent ou non, si l’on ne remédie pas à cela dans un délai de quatre heures, l’esprit d’éveil sera perdu.

(Appliquons cela à l’exemple du don : Cela consisterait à dire au donateur, lorsque un don a été perçu de façon excellente, tant par celui-ci que par celui qui l’a reçu : « Tu vas avoir faim dans les jours à venir, et tu devras alors mendier, etc….)
La seconde action blanche en est le remède : établir tous les êtres dans la vertu et ensuite s’employer à les introduire aux valeurs du mahayana.

Expliquons le sens de la troisième action noire :

Si quelqu’un proclame avec hostilité les erreurs d’une personne qui a développé l’esprit d’éveil ; que ce soient ses défauts habituels ou ses écarts vis-à-vis du dharma ; en sa présence ou à son insu ; que ce soit déformé par l’imagination ou non ; que se soit de manière douce ou abrupte ; que se soit ou non entendu ; que cela plaise ou non, si l’on ne remédie pas à cela dans un délai de quatre heures, l’esprit d’éveil sera perdu.

La troisième action blanche en est l’antidote : considérer les bodhisattvas qui ont développé l’esprit d’éveil comme des bouddhas et de s’appliquer à louer leurs qualités dans les dix directions.

Expliquons le sens de la quatrième action noire :

Si avec l’intention de duper, on commet une imposture envers une personne quelconque, qu’elle la perçoive ou non, quelle lui fasse plaisir ou non, si l’on ne remédie pas à cela dans un délai de quatre heures, l’esprit d’éveil sera perdu.

La quatrième action blanche en est le remède : veiller à tenir en haute estime tous les êtres, c’est-à-dire de ne pas être attaché à son propre intérêt et d’avoir un état d’esprit qui aspire à aider tous les vivants.

Ainsi s’achève la section consacrée à la pratique de l’esprit d’éveil en aspiration
dixième Chapitre du Joyau Magique,
L’Ornement de la Précieuse Libération.

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