Point 3 – Le facteur de l’éveil : l’ami de bien

Chapitre 3 – L’ami de bien, facteur de l’éveil

Même doté de l’excellent support [qu’est la précieuse vie humaine], sans la condition qu’est la stimulation d’amis de bien, le pouvoir de nos tendances développées dans l’accoutumance aux actes négatifs rend difficile un engagement sur la voie de l’éveil. C’est pourquoi il est nécessaire de s’en remettre à un ami de bien.

Plan Résumé
(stance 5)
1) Pourquoi un ami, 2) la classification,
3) Leurs caractéristiques, 4) comment le suivre,
Et 5) les bienfaits sont les cinq points qui résument
Comment s’en remettre à un ami de bien

I – Les raisons

Tout d’abord, trois types de raisons justifient la nécessité de s’en remettre à un ami de bien : suivant les écrits, un raisonnement logique et des exemples.

1. Les raisons données par les écrits

Dans Le Noble Résumé¹La Prajnaparamita Abrégée. , il est dit :

Les disciples excellents respectant les guides
S’en remettent toujours à un maître accompli
Car c’est de lui que viennent les qualités.

Et dans Les Huit Mille Nobles Vers²La Prajnaparamita en Huit milles stances. :

Un bodhisattva mahâsattva qui souhaite réaliser
Véritablement l’insurpassable et parfait éveil,
Commencera par approcher des amis de biens,
S’en remettra à eux et les servira.

2. Les raisons issues d’un raisonnement logique

Le sujet de la proposition logique est une personne souhaitant obtenir l’état d’omniscience, et l’hypothèse est la nécessité pour cette personne de s’en remettre à un ami de bien.

L’argument [qui établit cette proposition] est que cette personne ne sait pas elle même comment cultiver les développements et les dévoilements.

L’exemple concordant [avec cette proposition] est celui des bouddhas des trois temps [qui s’éveillent tous en s’en remettant à un ami de bien] et l’exemple inverse est celui des bouddha-par-soi³Les bouddha-par-soi, caractérisés par l’orgueil, en l’absence d’ami de bien, ne peuvent pas atteindre le parfait éveil..

En effet, il est nécessaire pour réaliser l’état de parfait bouddha d’accomplir les développements de bienfaits et de gnose et d’autre part de dissiper les voiles des passions et de la connaissance, et les moyens qui le permettent dépendent de l’ami de bien.

3. Les raisons sous forme d’exemples

L’ami de bien peut être comparé : au guide qui nous dirige dans un voyage sur une route inconnue, à une escorte dans la traversée d’une contrée redoutable, ou au passeur qui nous fait franchir un grand fleuve.

3.1. Un guide lors d’un voyage sur une route inconnue

Sans guide sur une route inconnue, nous risquons de nous tromper de chemin, d’errer et de nous égarer. Accompagné d’un guide, il n’y a pas de danger de se tromper, de se fourvoyer ou de se perdre, et c’est sans détours que l’on arrive à destination.

De même, engagé sur la voie de l’insurpassable éveil, si l’on n’a pas le guide qu’est l’ami de bien du mahâyâna pour nous conduire au parfait état de bouddha, l’on risque de faire fausse route dans une voie erronée, de se fourvoyer dans la voie des auditeurs, ou de se perdre dans celle des bouddha-par-soi. Par contre, accompagné de ce guide qu’est l’ami de bien, sans erreur ni errance ni égarement l’on arrivera à la cité de l’omniscience.

Dans La Biographie de Shrî Sambhava, il est dit :

L’ami de bien nous fait prendre la voie des six perfections
Aussi est-il semblable à un guide.

3.2. Une escorte durant un passage dans une contrée redoutable

Une contrée redoutable est pleine de bandits, de bêtes féroces et de nombreux dangers. Si l’on s’y aventure sans escorte, notre corps, notre vie et nos possessions risquent de subir un mauvais sort. Par contre, si l’on est accompagné d’une solide escorte, on arrivera à destination sans accident.

De même, engagé sur la voie vers l’éveil, pour y développer bienfaits et intelligence immédiate et cheminer vers la cité de l’omniscience, il faut être escorté par un ami de bien, car les bandits intérieurs que sont nos pensées et nos passions et ceux extérieurs que sont les démons, les facteurs de régression et autres circonstances adverses, risquent de piller les richesses de nos vertus et de nous faire perdre l’existence favorable que l’on a.

Il est dit encore :

La horde des bandits que sont les passions,
Dérobera nos vertus dès que l’occasion s’en présentera
Et interrompra aussi le cours d’une existence favorable.

Par contre, si nous ne quittons pas l’ami de bien qui nous escorte, les richesses de nos vertus ne seront pas dérobées et, sans perdre le fil d’une existence favorable, nous atteindrons la cité de l’omniscience.

Ceci est aussi exprimé dans La Biographie de Shrî Sambhava :

Tous les bienfaits d’un bodhisattva
Sont protégés par l’ami de bien.

Et dans La Biographie de l’Upâsikâ Acalâ⁴Upâsikâ désigne une femme qui a reçu l’ordination laïque.:

Les amis de biens sont comme une escorte
Car ils nous conduisent, nous et nos semblables,
Au lieu de l’omniscience.

3.3. Le passeur pour la traversée d’un grand fleuve

Traversant un grand fleuve dans une barque ou un bateau sans passeur, on risque de ne pas atteindre l’autre rive, sombrant ou étant emporté par les flots. Par contre, s’il y a un passeur, ses efforts nous conduiront de l’autre côté.

De même, pour traverser l’océan du samsâra, même embarqué sur le vaisseau du suprême enseignement, sans le passeur qu’est l’ami de bien, on sombrera dans le samsâra, emporté par son courant.

Il est dit aussi :

Sans personne pour tenir les rames,
La barque n’atteindra pas l’autre rive.
Même en parachevant toutes les qualités,
Sans maître spirituel, il n’est de fin au samsâra.

Par contre, si l’on s’en remet au passeur qu’est l’ami de bien, par delà l’océan du samsâra, on arrivera à la terre ferme du nirvâna.

Ceci est aussi exprimé dans Le Noble Sûtra de l’Établissement du Tronc:

L’ami de bien est semblable au passeur
Car il nous fait traverser le fleuve du samsâra.

Pour toutes ces raisons, il nous faut nous en remettre à l’ami de bien qui est ce guide, cette escorte ou ce passeur.

II – La classification des amis de bien

On distingue quatre types d’amis de bien :

1) L’ami de bien personne ordinaire.
2) L’ami de bien des niveaux supérieurs de bodhisattva
3) L’ami de bien corps d’émanation d’un bouddha.
4) L’ami de bien corps d’expérience parfaite [d’un bouddha].

Ces différents types d’ami de bien dépendent de notre progression personnelle :

1) Débutant, nous n’avons pas la possibilité d’entrer en relation directe avec un bouddha ou un bodhisattva de haut niveau, c’est pourquoi il est nécessaire de s’en remettre à un ami de bien personne ordinaire.

2) Purifié de la majeure partie du voile du karma, il est possible d’établir une connexion avec un ami de bien bodhisattva des niveaux supérieurs.

3) Arrivé au niveau supérieur de la voie du développement⁵La première des cinq voies du bodhisattva. Ces cinq voies sont développées dans le Chapitre 18. et au-delà,  il est possible de s’en remettre à un ami de bien corps d’émanation d’un bouddha.

4) Et dans les degrés supérieurs de bodhisattva, il est possible de s’en remettre à un ami de bien corps d’expérience parfaite d’un bouddha.

– Quel est, parmi ces quatre amis de biens, celui qui a pour nous le plus de bonté ?

– Au début, dans l’obscurité de notre karma et de nos passions, nous ne pouvons pas nous en remettre aux amis de bien supérieurs ni même les voir. Par contre, nous pouvons rencontrer un ami de bien personne ordinaire qui éclaire la voie par la lumière de ses enseignements et nous rapproche des amis de bien supérieurs.

Aussi, dans les premiers temps, cet ami de bien personne ordinaire est celui qui a la plus grande bonté

III – Les caractéristiques des quatre types d’amis de bien

1. Les caractéristiques de l’ami de bien bouddha⁶Ce chapitre ne reprend pas la distinction « corps d’émanation » et « corps d’expérience parfaite », bien que cette distinction soit reprise dans Le Résumé.

Un bouddha est celui  « au sublime abandon », dans l’abandon des deux voiles, et « à la sublime gnose », dans la maîtrise des deux connaissances.

2. Les caractéristiques de l’ami de bien bodhisattva d’un niveau supérieur

L’ami de bien bodhisattva d’un niveau supérieur est un bodhisattva du premier au dixième degré, détenteur des abandons et gnoses qui y correspondent. Ce sont particulièrement les bodhisattvas qui, à partir du huitième degré, détiennent les dix pouvoirs qui permettent de guider autrui.

Ce sont les pouvoirs :

1) sur la vie, 2) sur l’esprit, 3) sur les biens matériels, 4) sur le karma, 5) sur la naissance, 6) de la volonté, 7) des souhaits, 8) sur les miracles, 9) de l’expérience première et 10) du Dharma.

1) Le pouvoir sur la vie est la capacité d’avoir la longévité que l’on souhaite.

2) Le pouvoir sur l’esprit est la capacité de s’établir en l’état de profonde absorption souhaité, quel qu’il soit.

3) Le pouvoir sur les biens matériels est la capacité de faire pleuvoir sur les vivants une manne d’innombrables biens précieux.

4) Le pouvoir sur le karma est la capacité de différer l’expérience d’un résultat karmique : que ce soit dans une autre sphère, un autre niveau, un autre état d’existence, une autre vie, ou en une autre occasion que celle où il devait s’actualiser.

5) Le pouvoir sur la naissance est la capacité de prendre naissance dans la sphère du désir sans en être affecté ni souillé, et sans perdre l’état d’absorption méditative.

6) Le pouvoir de la volonté est la capacité de transformer à volonté [les éléments les uns en les autres], la terre en l’eau, etc.

7) Le pouvoir des souhaits est la capacité de réaliser véritablement et parfaitement tous les souhaits qu’ils font pour le bien de tous les vivants.

8) Le pouvoir sur les miracles est la capacité de manifester des projections miraculeuses sans limites afin d’inspirer les vivants.

9) Le pouvoir de l’expérience première est l’ultime et suprême connaissance des phénomènes, de leurs significations, de leurs définitions, de leur terminologie et de l’assurance [qui en découle].

10) Le pouvoir du Dharma est la capacité, en un seul énoncé, de combler l’esprit de toute personne, en formulant simultanément les enseignements des sûtras et les autres en maints agencements de mots, de phrases et de lettres, donnant à chacun, dans sa langue, juste ce qui lui convient.

3. Les caractéristiques de l’ami de bien personne ordinaire

L’ami de bien en tant que personne ordinaire est décrit comme étant doté de huit, quatre ou deux qualités caractéristiques.

3.1. Ses huit qualités

Il est dit dans Les Terres de Bodhisattva :

Sache que le bodhisattva qui est doté de huit qualités doit être reconnu
Comme l’ami de bien parfaitement qualifié sous tous points de vue.
Quelles sont ces huit qualités ? C’est :
Être doté de la discipline de bodhisattva,
Avoir beaucoup étudié le corpus des textes des bodhisattvas,
En avoir la compréhension directe,
Être doué de bonté de cœur envers ses disciples,
D’intrépidité, de patience, d’un tempérament inlassable
Et de l’art de la rhétorique.

3.2. Ses quatre qualités

Il est dit dans L’Ornement des Sûtras :

Celui qui dispense de vastes enseignements,
Dissipe les doutes, est digne d’attention
Et expose les deux types de nature,
Est appelé « parfait enseignant bodhisattva ».

• Son exposition des enseignements est vaste car il a beaucoup étudié.

• Il dissipe les doutes d’autrui par sa grande intelligence.

• Ses paroles sont dignes d’attention car il se conduit comme une personne authentique.

• Il expose les deux types de nature, celle caractérisée par un état totalement passionnel et celle caractérisée par un état de parfaite pureté.

3.3. Ses deux qualités

Il est dit dans L’Entrée dans la pratique de Bodhisattva :

Un ami de bien est toujours quelqu’un
Qui connaît bien le sens du mahâyâna
Et qui, même au péril de sa vie,
N’abandonnerait pas la sublime ascèse de bodhisattva.

[Ainsi, ces deux qualités sont :] une bonne connaissance du sens du mahâyâna et le respect des vœux de bodhisattva.

IV – La façon de s’en remettre à un ami de bien

Lorsqu’on a trouvé un tel ami de bien il y a trois façons de s’en remettre à lui : par les honneurs et le service, par l’aspiration et le respect, par la pratique et l’assiduité.

1. En l’honorant et le servant

1.1 L’honorer

On l’honore en se prosternant devant lui, en se levant promptement [quand il arrive], en s’inclinant devant lui, en faisant des circumambulations, en lui adressant la parole avec dévotion au moment approprié, en l’observant toujours d’un esprit qui ne se lasse jamais, etc.

La façon dont Suddhana, le fils du marchand, s’en remit à son ami de bien en est un exemple⁷Suddhana est le modèle du disciple parfait. Sa vie est développée dans la dernière partie de l’Avatamsaka Sûtra..

Le Noble Sûtra de l’Établissement du Tronc nous dit :

Ne te lasse pas d’observer l’ami de bien !
Pourquoi ? Parce qu’il est difficile de voir des amis de bien,
Difficile qu’ils se manifestent et difficile de les rencontrer.

1.2 Le servir

On se met respectueusement à son service en lui offrant, sans préoccupation pour notre propre corps ou notre propre vie, tout ce qui est compatible avec le Dharma : nourritures, vêtements, couvertures, sièges, médicaments et autres biens de toutes sortes.

La façon dont le noble Sadâprarudita s’en remit à son ami de bien en est un exemple⁸La manière dont Sadâprarudita, « Toujours en larmes », s’en remit à son ami de bien est développée dans Le Chemin de la Grande Perfection, p. 200 à 204 de la traduction éditée par les Éditions Padmakara..

Dans La Biographie de Shrî Sambhava il est dit :

L’éveil du bouddha s’obtient en servant l’ami de bien.

2. En l’admirant et le respectant

On considère l’ami de bien comme le bouddha, on ne va pas à l’encontre de ses directives et développe envers lui aspiration, respect et lucidité.

La façon dont le mahâpandita Nâropa s’en remit à son ami de bien en est un exemple⁹Pour un extrait de la vie de Nâropa, se reporter à La Voie du Bouddha, de Kyabdjé Kalou Rimpoché..

Dans La Mère des Vainqueurs, il est dit :

Avec assiduité, développe envers ton ami de bien
Respect, amour et grande lucidité.

D’autre part, on abandonne toute interprétation négative relative aux activités de l’ami de bien et les considérant comme des moyens adroits avisés, on développe même envers lui encore plus de respect. Le récit de la vie du roi Anala en est un exemple¹⁰Il s’agit d’un épisode de la quête du jeune Sudhana : sa rencontre avec Anala, un roi d’apparence impitoyable qui châtiait cruellement ses sujets. En fait, ce roi était le corps d’apparition d’un grand bodhisattva et il produisait magiquement ce spectacle de bourreaux et de victimes pour que ses sujets les plus malfaisants renoncent à leur penchant et se tournent vers le bien..

3. En pratiquant ses enseignements avec persévérance

Pratiquer ses enseignements avec persévérance se décline dans l’étude, la réflexion et la méditation. C’est la suprême façon de faire qui le satisfait totalement.

Dans L’Ornement des Sûtras, il est dit :

C’est en mettant en pratique ce qu’il enseigne
Que l’on réjouit pleinement l’esprit de l’ami de bien.

En contentant l’ami de bien, on obtiendra l’état de bouddha, conformément aux paroles de La Biographie de Shrî Sambhava:

C’est en satisfaisant l’ami de bien
Que l’on obtient l’éveil de tous les bouddhas.

Quand on sollicite des enseignements de l’ami de bien, on pose cette requête suivant une approche en trois étapes : préliminaire, principale et subséquente.

• En préliminaire : développer l’esprit d’éveil.

• Lors de la requête proprement dite, se considérer comme le patient, considérer le Dharma comme le remède, l’ami de bien comme le médecin et la pratique assidue du Dharma comme la prescription.

• Ensuite, s’efforcer d’abandonner les défauts d’un mauvais réceptacle de l’enseignement : être comme un récipient retourné, un récipient qui fuit, ou comme un récipient qui contient du poison¹¹Pour une présentation détaillée, se reporter au Chemin de la Grande Perfection, pages 47 à 48 de la traduction éditée par les Éd. Padmakara.. 

V – Les bienfaits de s’en remettre à un ami de bien

Dans La Biographie de Shrî Sambhava, il est dit :

Noble fils,
Le bodhisattva parfaitement protégé par un ami de bien
Ne chutera pas dans les existences inférieures
Le bodhisattva parfaitement escorté par un ami de bien
Ne tombera pas entre les mains d’amis néfastes.
Le bodhisattva parfaitement éduqué par un ami de bien
Ne se détournera pas des enseignements du mahâyâna.
Le bodhisattva parfaitement rattaché à un  ami de bien
Transcendera complètement le niveau des vivants habituels.

Et dans La Mère des Vainqueurs :

Le bodhisattva mahâsattva,
Qui est parfaitement pris en charge par un ami de bien
S’éveillera rapidement à l’insurpassable et parfait état de bouddha.

Ainsi s’achève la section consacrée à l’ami de bien, Troisième Chapitre du Joyau Magique du Dharma Ornement de la Précieuse Libération.

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