Point 4 (suite 2)
Chapitre 6 – Les méditations sur le karma (second remède à l’attachement aux bonheurs du devenir)
Nous pouvons nous interroger sur la cause des souffrances expliquées précédemment. Il faut savoir qu’elles viennent du karma souillé.
Le Sûtra des Cent Karmas le dit :
Quant aux karmas : leur variété fait la diversité des vivants.
Dans Le Sûtra du Blanc Lotus de Compassion il est dit :
Le monde est fait par le karma : il en est la manifestation.
Les êtres sont faits par le karma :
Ils apparaissent de causes karmiques
Et c’est le karma qui les différencie.
Dans Le Trésor de l’Abhidharma :
Les différents mondes naissent du karma.
– Qu’est-ce que le karma ?
– Il est double : c’est le karma penser et le karma pensé, tel que c’est exprimé dans le Condensé de l’Abhidharma :
Qu’est-ce que le karma ?
C’est le « karma penser » et le « karma pensé »1Le premier aspect fait référence au mouvement qu’est l’esprit et le second à ses fruits, les actes de l’esprit (les pensées) mais aussi de la parole et du corps. Un point central est de comprendre que le karma, qui est la source de ce que nous vivons, se déploie en l’esprit..
Dans le Trésor de l’Abhidharma :
Le karma est le penser et ce qu’il produit.
Et dans le Texte Racine de la Voie Médiane :
Le Sage suprême enseigna les karmas
Comme étant penser et pensé.
– Expliquons ce que sont ces deux aspects :
– Le karma penser est l’acte (karma) du mental. Ce qui est produit par ce penser est le pensé de l’esprit, connu comme les actes (karma) du corps et de la parole.
Le Trésor de l’Abhidharma nous dit :
La pensée est l’acte mental,
Ses développements sont les actes du corps et de la parole.
Expliquons ces actes et leurs conséquences :
Plan Résumé
(stance 9)1) Classification et 2) caractéristiques
3) Actions sur soi, 4) expériences spécifiques
5) Amplification, 6) inaltérabilité
Ces six résument les fruits des actes.
I – Classification
On distingue trois [types] de karma (actes-causes-résultats) : le karma négatif, le karma positif et le karma d’immobilité.
II – Caractéristiques de chaque type de karma
1. Les actes négatifs
1.1 Analyse générale
D’une façon générale, il existe beaucoup d’actes négatifs mais on peut les résumer en dix :
Trois sont accomplis par le corps : tuer, voler et s’adonner à une sexualité erronée ;
Quatre par la parole : mentir, créer la dissension par ses paroles, user de paroles blessantes et se complaire dans les paroles futiles ;
Et trois par l’esprit : être possessif, être malveillant et entretenir de mauvaises compréhensions.
Présentons chacun de ces actes suivant : ses sous-divisions, ses conséquences et sa forme extrême.
A) LE MEURTRE (INTERROMPRE LA VIE)
– Le meurtre comprend trois sous-divisions : il est possible de tuer par désir-attachement, par aversion ou par aveuglement.
– Le premier serait de tuer pour de la viande, des peaux ou autres ; ce peut être aussi par jeu, pour la richesse ou encore pour se protéger soi et les siens.
– Le deuxième serait de tuer avec haine ou colère ceux qui nous sont hostiles ou nos rivaux.
– Le troisième serait de tuer pour faire des offrandes ou des dons2Ce troisième aspect fait référence aux sacrifices rituels..
– Ses trois résultats sont « à pleine maturité, « en concordance avec la cause » et « en rapport avec l’environnement »
1. Le résultat « à pleine maturité » est une naissance dans un état infernal.
2. Le résultat « concordant avec la cause » est, même si l’on renait homme, d’avoir une vie courte avec de nombreuses maladies.
3. Le résultat « en rapport avec l’environnement » est de naître dans un lieu inadéquat, de mauvais augure et de peu d’éclat.
– Parmi tous les types de meurtres, les pires méfaits sont le parricide ou le meurtre d’un arhat.
B. LE VOL (PRENDRE CE QUI N’EST PAS DONNE)
– Le vol comprend trois sous-divisions suivant qu’il soit commis par la force, en cachette ou par tromperie.
– Le premier est de prendre par la violence quelque chose qui n’est pas dû.
– Le deuxième est le vol en cachette, comme lors d’un cambriolage.
– Le troisième est la fraude sur les poids et mesures ou d’autres subterfuges.
– Le vol à trois résultats :
1. « A pleine maturité », le résultat du vol est une naissance comme esprit avide.
2. Le résultat « concordant avec la cause » est, même si l’on renaît homme, d’être pauvre.
3. La conséquence « en rapport avec l’environnement » est une naissance en un lieu d’existence soumis à beaucoup d’intempéries.
– De tous les vols, le plus nuisible est celui des biens du Lama ou des Trois Joyaux.
C. LA SEXUALITE ERRONEE (LA SEXUALITE DEVIEE PAR LES EMOTIONS)
– La sexualité erronée comprend trois sous-divisions, suivant qu’elle aille à l’encontre : des règles héréditaires, d’engagements sociaux ou des règles du Dharma.
– La première est l’inceste : avoir des relations sexuelles avec sa mère ou sa sœur3Dans le contexte et en tibétain, l’énoncé s’adresse à des hommes et nous avons gardé une traduction littérale, cependant toutes les recommandations sur la sexualité peuvent être transposées à l’identique pour les femmes : il s’agirait sur ce point d’avoir des relations sexuelles avec son père ou son fils (ce qui est de toute façon implicite dans l’énoncé)..
– La seconde est l’adultère : avoir des relations sexuelles avec une femme qui a des engagements, que ce soit vis à vis d’un roi, d’un époux ou autre.
– La troisième comprend cinq aspects : les rapports sexuels, même entre conjoints, par un organe non approprié, dans un lieu inadéquat, à un moment inopportun, sans mesure, ou de façon inconvenante.
– Un organe non approprié peut être la bouche ou l’anus.
– Un lieu inadéquat est à proximité d’un ami de bien, d’un monastère, d’un stupa ou d’un rassemblement de personnes.
– Les moments inopportuns sont les périodes de vœux, les périodes de gestation, d’allaitement et la journée4« La journée » peut aussi être compris comme « aux yeux de tous »..
– « Sans mesure » signifie plus de cinq fois.
– « De façon inconvenante » se réfère aux rapports dans lesquels la partenaire est frappée, les rapports buccaux, anaux, homosexuels ou avec quelqu’un de sexe indéterminé5Le sens de « sexe indéterminé » n’est pas précisé mais il peut s’agir de travesti, d’androgyne ou de type de sexualité « indirecte » comme le voyeurisme..
– La sexualité erronée a trois résultats :
1. Le résultat « à pleine maturité » est une naissance en tant qu’esprit avide.
2. Le résultat « en concordance avec la cause » est, même si l’on renait homme, d’avoir une femme vindicative, semblable à une ennemie.
3. Le résultat « en rapport avec l’environnement » est de naitre dans un lieu extrêmement poussiéreux.
– La pire des sexualités erronées est l’inceste et les mauvais rapports avec une Arhat.
D. LE MENSONGE (LES PAROLES TROMPEUSES)
– Le mensonge comprend trois sous-divisions : les mensonges qui font chuter, les gros mensonges et les mensonges subtils.
-Les mensonges qui font chuter sont ceux allant à l’encontre du Dharma faits par de prétendus lamas6Comme par exemple de mentir sur sa réalisation spirituelle ou son ordination, ce qui est une cause de déchéance de ses engagements..
– Les gros mensonges sont les propos fallacieux, prononcés pour son intérêt au dépend d’autrui.
– Les mensonges subtils sont ceux qui ne profitent ni ne nuisent à personne.
– Le mensonge a trois résultats :
1. Le résultat « à pleine maturité » est une naissance animale.
2. Le résultat « concordant avec la cause » est, même si l’on renait homme, d’être sujet à de nombreuses critiques.
3. Le résultat « en rapport avec l’environnement » est d’avoir une mauvaise haleine.
– Les pires des mensonges sont de diffamer un bouddha et de mentir au Lama.
E. LES PAROLES DE DISCORDE7Une autre traduction est « la calomnie ».
– Les paroles de discorde comprennent trois sous-divisions : créer la discorde par des propos violents, des insinuations ou des propos cachés.
– Les premiers sont les disputes brutales qui créent la séparation de deux amis.
– Les seconds sont des insinuations provoquant la séparation d’amis.
– Les troisièmes sont des paroles dites « par derrière » et qui provoquent discorde et dissension.
– Les paroles de discorde ont trois résultats :
1. Le résultat « à pleine maturité » est une naissance dans les états infernaux.
2. Le résultat « concordant avec la cause » est, même si l’on renaît homme, d’être séparé de nos amis.
3. Le résultat « en rapport avec l’environnement » est de naître dans un lieu escarpé.
– La pire des paroles de discorde est celle, déplaisante, qui nuit au Sangha.
F. LES PAROLES BLESSANTES
– Les paroles blessantes ont trois sous-divisions : elles peuvent être directes, insidieuses ou indirectes.
– Les premières sont de dire ouvertement ses défauts à un interlocuteur.
– Les secondes sont des méchancetés insinuées au travers d’un bavardage ou d’une plaisanterie.
– Les troisièmes sont d’énoncer les défauts d’une tierce personne devant l’un de ses amis ou quelqu’un d’autre.
– Les paroles blessantes ont trois résultats :
1. Le résultat « à pleine maturité » est une naissance infernale.
2. Le résultat « concordant avec la cause » est, même si l’on renaît homme, d’entendre diverses rumeurs déplaisantes.
3. Le résultat « en rapport avec l’environnement » est de naître dans un lieu stérile, aride et très malsain.
– La pire des paroles blessantes est celle qui heurte nos parents ou les arya.
G. LES PAROLES FUTILES
– Les paroles futiles ont trois sous-divisions : elles peuvent être fausses, mondaines ou en rapport avec la vérité.
– Les premières sont les récitations, formules et autres expressions de « traditions extrémistes ».
– Les secondes sont les histoires légères et paroles insensées.
– Les troisièmes sont les explications du Dharma données à des personnes irrévérencieuses ou réfractaires.
– Les paroles futiles ont trois résultats :
1. Le résultat « à pleine maturité » est une naissance animale.
2. Le résultat « concordant avec la cause » est, même si l’on renaît homme, d’être confronté au mépris de nos propres dires.
3. Le résultat « en rapport avec l’environnement » est de naître dans un lieu où les saisons sont déréglées.
– La pire des paroles futiles est celle qui distrait ceux qui désirent pratiquer le Dharma.
H. LA CONVOITISE8Une autre traduction est « la possessivité », mais nous avons préféré « convoitise », « possessivité » correspondant au sens littéral à la première catégorie de ces paroles (l’attachement à ses biens).
– La convoitise a trois sous-divisions : elle peut concerner ce qui est sien, ce qui est à autrui et ce qui n’appartient à personne.
– La première est un fort attachement à sa vie, à sa famille, à son physique, à ses qualités et à ses biens, pensant que l’on est sans pareil.
– La deuxième est de convoiter ce que les autres possèdent de bon, penser qu’il serait mieux que ce soit sien.
– La troisième est l’envie de posséder ce que ni soi-même ni autrui ne contrôlons, comme les richesses souterraines, pensant qu’il serait bien de se les approprier.
– La convoitise a trois résultats :
1. Le résultat « à pleine maturité » est une naissance comme esprit avide.
2. Le résultat « concordant avec la cause » est, même si l’on renaît homme, d’avoir beaucoup de désirs et d’attachements.
3. Le résultat « en rapport avec l’environnement » est de naître dans un pays où la terre est ingrate.
– La pire des convoitises est l’envie de dérober les biens des grands renonçants.
I. LA MALVEILLANCE
– La malveillance a trois sous-divisions suivant qu’elle soit associée à la colère, la jalousie ou la rancune.
– La première est le désir de meurtre ou de nuisance né de l’aversion pour l’autre, comme à la guerre.
– La seconde est le désir de meurtre ou de nuisance motivé par la crainte d’être supplanté, comme dans une rivalité.
– La troisième est le désir de meurtre ou de nuisance provenant de la fixation sur un acte inconvenant dont nous aurions été victime dans le passé.
– La malveillance à trois résultats :
1. Le résultat « à pleine maturité » est une naissance infernale.
2. Le résultat « concordant avec la cause » est, même si l’on renaît homme, d’avoir une grande agressivité.
3. Le résultat « en rapport avec l’environnement » est de naître dans un lieu de vie où la nourriture est amère et grossière.
– La pire des malveillances est la préméditation de l’un des actes extrêmement nuisibles9Tuer ou faire couler le sang d’un bouddha, tuer son père, tuer sa mère, violer une personne réalisée, créer un schisme dans le Sangha..
J.LES MAUVAISES COMPREHENSIONS
– Les mauvaises compréhensions comprennent trois sous-divisions : ce peut être des vues déviées de la causalité karmique, de la réalité10Nous avons gardé une traduction littérale mais « réalités » fait référence ici aux « quatre nobles réalités ». ou des trois joyaux.
– Les premières sont celles qui contestent que bienfaits et méfaits sont les graines respectives des fruits bonheurs et souffrances.
– Les secondes sont celles qui soutiennent que la mise en pratique de la voie ne permet pas de réaliser la libération.
– Les troisièmes sont celles qui dénigrent les rares et sublimes en les considérant comme faux.
– Les mauvaises compréhensions ont trois résultats.
1. Le résultat « à pleine maturité » est une naissance animale.
2. Le résultat « concordant avec la cause » est, même si l’on renaît homme, d’avoir une grande opacité mentale.
3. Le résultat « en rapport avec l’environnement » est de naître en un lieu dépourvu de fruits.
– La pire des mauvaises compréhensions est celle qui justifie les querelles d’idées.
1.2.Analyse spécifique
Nous venons de décrire la maturation et les résultats des actes d’une façon générale. Nous allons la compléter par trois analyses spécifiques : en fonction des émotions conflictuelles, de la quantité ou de l’objet.
A. CLASSIFICATION EN FONCTION DES EMOTIONS CONFLICTUELLES
Les actes négatifs commis sous l’emprise de la colère entraînent une naissance infernale. Ceux commis par désir ou attachement entraînent une naissance comme esprit avide. Ceux commis par stupidité entraînent une naissance animale.
On peut lire dans La Précieuse Guirlande :
L’attachement mène aux états d’esprit avides,
L’agression projette dans les états infernaux,
L’aveuglement conduit le plus souvent aux conditions animales.
B. CLASSIFICATION EN FONCTION DU NOMBRE
D’innombrables actes négatifs nous conduisent dans les états infernaux ; beaucoup d’actes négatifs dans les états d’esprit avide et en commettre quelques-uns dans l’état animal.
C. CLASSIFICATION EN FONCTION DE L’OBJET
Si ces actes ont un objet particulièrement élevé, ils entrainent une naissance infernale ; s’ils ont un objet commun, ils entrainent une naissance comme esprit avide ; s’ils ont un objet vulgaire, ils entrainent une naissance animale.
Tous ces points exposent la causalité karmique des activités malfaisantes et comme il est dit dans La Précieuse Guirlande :
Sont négatifs les actes engendrés
Par le désir, la haine et l’ignorance :
Ils sont la source de toutes les souffrances,
Et de tous les états d’existence inférieurs.
2. Les actes positifs
2.1.Les actions
Les dix actes positifs consistent à abandonner les dix actions négatives et, par ailleurs, à s’appliquer aux actions positives correspondantes : protéger la vie d’autrui, être généreux, garder une conduite sexuelle pure, dire la vérité avec droiture, réconcilier les inimitiés, avoir des paroles douces et agréables, parler à bon escient, avoir peu de désirs et se satisfaire de ce que l’on possède, méditer sur l’amour bienveillant et s’appliquer à la compréhension du sens ultime.
2.2.Les résultats
Les résultats des actes positifs ont aussi trois aspects.
– Les résultats « à pleine maturité » sont les naissances dans les états divins du monde du désir et dans l’état humain.
– Les résultats concordant avec la cause sont par exemple, si l’on renonce à tuer et protège la vie d’autrui, d’avoir une longue vie. Ce même rapport s’applique aux autres actes.
– Les résultats « en rapport avec l’environnement » sont par exemple, si l’on renonce à tuer et protège la vie, de naitre en un lieu très puissant avec d’excellentes choses. Ce même rapport s’applique aux autres actes.
Tous ces points exposent la causalité karmique des activités bienfaisantes, et, comme il est dit dans La Précieuse Guirlande :
Sont positifs les actes qui découlent
De l’absence d’attachement, de violence et de bêtise :
Ils engendrent les mondes heureux
Et le bonheur dans toutes les vies.
3. Les actes d’immobilité
Les actes d’immobilité ont pour cause l’accoutumance aux états de stabilité mentale dans lesquels l’esprit demeure en équanimité et leurs résultats sont les états de stabilité mentale comme naissance.
Les états de stabilité mentale d’équanimité ont huit phases d’approche, huit pratiques principales et huit états d’absorption remarquables.
Leurs résultats, la stabilité mentale de naissance, sont les dix-sept niveaux d’états divins du monde de la forme pure et les états divins du domaine du sans-forme, correspondant aux quatre déterminations11Les quatre degrés du monde du sans-forme : « conscience infinie », « espace infinie », « là où il n’est rien », « sans conception ni non-conception »..
– Quelles sont les causes respectives de chacune de ces naissances ?
– D’une façon générale, elles résultent de la pratique des dix vertus.
L’impulsion karmique d’une méditation correcte et ininterrompue de la phase d’approche du premier niveau de stabilité mentale — avec en complément karmique, la pratique principale de ce premier niveau en s’entraînant à l’absorption en laquelle il y a cogitation, examen, joie et bonheur — fait prendre naissance dans l’état divin du niveau de Brahma. La pratique de cet état d’absorption fait naître comme grand Brahma.
L’impulsion karmique d’une méditation ininterrompue de la phase d’approche du deuxième niveau de stabilité mentale — avec en complément karmique, la pratique principale de ce deuxième niveau en s’entraînant à l’absorption en laquelle cogitation et examen ont été abandonnées et où il y a joie et bonheur — fait prendre naissance dans les états divins du deuxième niveau de stabilité mentale : petite lumière, etc.
Les impulsions karmiques et les phases d’approche des autres degrés se correspondent de la même façon. Quant aux compléments karmiques, cultiver la pratique principale du troisième degré en s’entraînant à l’absorption en laquelle la joie a cessé et où il y a bonheur, fait prendre naissance divine dans le troisième niveau de stabilité mentale : petite vertu, etc.
Le complément karmique qui consiste à cultiver la pratique principale du quatrième degré de stabilité mentale en s’entraînant à l’absorption en laquelle cogitation, examen, joie et bonheur on été abandonnés, fait prendre naissance divine dans le quatrième degré de stabilité mentale : sans nuage, etc.
Quitter ces quatre états de stabilité mentale engendre le domaine de l’espace infini ; s’entraîner en cela fait prendre naissance divine du domaine de l’espace infini. Quitter celui-ci produit le domaine de la conscience infinie et méditer cela fait prendre naissance divine en ce domaine. Le quitter produit le domaine du « rien ». Quitter ce dernier produit le domaine sans conception ni non-conception et méditer cela fait prendre naissance divine de ce domaine.
– À quelle démarche l’expression « quitter, cela produit » se réfère-t-elle ?
– C’est lorsque l’esprit se désintéresse du niveau précédent et s’en sépare dans le non-attachement.
– Ces domaines, de l’espace infini, etc., sont-ils nommés ainsi du fait que l’espace, etc. y est pris pour référence ?
– Non. Les trois premiers portent ces noms car l’entrée en l’absorption se fait sur la base d’un concept d’espace infini, etc., mais l’absorption elle-même est dépourvue de ce concept. Le dernier tient son nom du fait qu’il est un niveau de moindre conception : il n’y a pas existence, non-existence ni absence de conception claire.
Toutes les huit pratiques principales sont le positionnement d’un esprit vertueux en une unique chose.
Tous ces points exposent la causalité karmique des activités immobiles, et comme il est dit dans La Précieuse Guirlande :
La stabilité mentale illimitée et sans forme
Fait éprouver le bonheur des états de Brahma etc.
Voilà comment les réalités de l’existence sont engendrées de ces trois activités souillées.
III Les actes murissent en soi
Cette expression signifie que l’on expérimente soi-même les résultats de ce que l’on a personnellement fait : le karma mûrit dans les agrégats de l’acteur12Les cinq skandhas : forme, sensation, perception, formation mentale et conscience. et pas ailleurs.
C’est exprimé dans Le Condensé de l’Abhidharma :
Qu’est la propriété du karma ? C’est le fait que l’on expérimente la maturation des actes que l’on a soi-même produits. « [Le karma] est mien » : il n’est pas à d’autres ni commun.
L’éventualité contraire est défectueuse car les actions seraient alors sans conséquence et nous pourrions être confronté aux résultats karmiques d’actes que nous n’aurions pas nous-mêmes commis.
Un sûtra dit aussi :
Les actions que fit Devadatta n’ont pas mûri dans la terre, dans l’eau ou en quelque autre lieu, mais uniquement dans ses propres agrégats et champs sensoriels. En qui d’autre auraient-ils pu murir ?
IV Les expériences résultantes sont spécifiques
Les résultats des actions positives ou négatives sont infailliblement bonheur et souffrance : accomplir des actes vertueux a pour conséquence le bonheur et accomplir des actes négatifs a pour conséquence des expériences douloureuses.
Le Condensé de l’Abhidharma le dit comme suit :
Comment expérimente-t-on la répartition du karma ?
L’on éprouve la maturation de ce que l’on a soi-même fait,
Et l’expérience est fonction de chaque acte : positif ou négatif.
Le Petit Sûtra de la Parfaite Vigilance :
La vertu engendre le bonheur, de la non-vertu vient la souffrance.
Ceci expose clairement l’enchainement des causes
Et des conséquences de la vertu et de la non-vertu.
Et encore Le Sûtra requis par Surata :
De graines brûlantes naissent des fruits brûlants;
De graines suaves naissent des fruits suaves.
Les sages connaîtront cette analogie,
Dans laquelle la maturation de la négativité est brûlante
Et celle de la blancheur est suave.
V Amplification
La maturation de petites actions peut avoir de grandes conséquences.
Parlant des actes négatifs, il fut enseigné que le nombre d’instants que l’esprit passe à cette activité correspond au nombre de kalpa pendant lesquels il éprouve les états infernaux.
L’Entrée dans la Pratique de Bodhisattva dit :
Le Bouddha enseigna que quiconque développe un état d’esprit négatif envers un bienfaiteur ou un Bodhisattva, celui-ci demeure dans des états infernaux durant le même nombre de kalpa que de fois où il a développé ce mauvais esprit.
Il fut aussi enseigné que chacune des fautes de la parole fait souffrir pendant cinq cents vies.
Il est dit dans Le Traité :
Un méfait, fût-il minime, crée dans l’au-delà,
Effroi et grandes destructions ;
Tout comme un poison avalé.
Un petit acte vertueux induit un grand résultat, comme c’est exprimé dans le même texte :
Un bienfait, fût-il minime, crée dans l’au-delà,
De grands bonheurs et beaucoup de bien ;
Tout comme le bon grain mûr.
VI Inéluctabilité
Un karma ne se détruit ni ne se perd sans que le résultat en ait mûri, même au terme de kalpas innombrables : hormis dans le cas où son remède a été développé, il reste longtemps endormi, comme une empreinte, et s’actualise en un résultat lorsqu’il rencontre les circonstances adéquates, quelles qu’elles soient.
Ainsi, de ceux qui ont peur de la souffrance samsârique et qui ont une confiance certaine en la causalité karmique, il est dit dans Le Flambeau de la Voie vers l’éveil :
Ceux qui par nature se détournent
Des bonheurs du devenir cyclique et des actes négatifs
Et qui ne recherchent qu’une paix personnelle
Sont les personnes qualifiées moyennes.
C’est, comme il a été dit, ce qui fait naître les facultés des êtres qualifiés aux capacités moyennes. Les sept filles du roi Krikin en sont un exemple.
Il est écrit dans Le Sûtra des Cent Actes :
Le karma des êtres, même en cent kalpa, ne périt.
Il s’accumule et, le moment venu, son résultat mûrit.
Et dans Le Petit Sûtra de la Parfaite Vigilance :
Il est possible de rendre froid le feu,
Il est possible d’attraper le vent au lasso,
Il est possible que soleil et lune tombent dans un pré,
Il n’est pas possible d’esquiver la maturation des actes.
Ainsi s’achève la section consacrée aux méditations sur le karma, Sixième Chapitre du Joyau Magique, L’Ornement de la Précieuse Libération. |