1. Les deux voiles སྒྲིབ་པ་གཉིས 

      1. ཉོན་མོངས་པའི་སྒྲིབ་པ་ voile des émotions conflictuelles, des passions

Les émotions sont conflictuelles au sens où elles sont dans un conflit duel d’attraction, de répulsion, même d’indifférence, et sont ainsi perturbatrices. Elles posent des problèmes, des troubles, des souffrances. Elles perturbent et souillent la nature profonde de l’esprit.

      1. ཤེས་བྱའི་སྒྲིབ་པ་ voile du connu

L’expression peut prêter à confusion ou nécessite une interprétation. C’est le voile de la dualité, qui consiste à connaître quelque chose d’autre, le voile de l’altérité, la connaissance qui perçoit des choses autres.

Le dévoilement du voile des passions correspond au développement de vertus et ensuite, le dévoilement de la dualité correspond au développement de la gnose.

    1. La conscience, phénomène cyclique

Aussi longtemps, que les samskara, les empreintes, les informations karmiques ne sont pas épuisées, il y a une succession d’instants de conscience qui sont comme une pulsation.

En fait la conscience n’est pas un phénomène linéaire, c’est un phénomène cyclique

Si on représentait la conscience ce serait une sinusoïde avec une fréquence suffisamment élevée qui donne l’impression d’une continuité, comme en cinématographie 24 images par seconde donnent l’impression d’un mouvement continu.

Les états de conscience apparaissent, disparaissent dans cette pulsion aussi longtemps que les samskara ne sont pas épuisés.

Cette pulsation est décrite dans les douze facteurs interdépendants. Il y a , dans l’expérience, des moments d’éveil à notre insu, à l’insu de la conscience que je suis, qui sont des mouvements d’ouverture, de clarté, et de bonté non duels, mais qui sont tels, que, s’ils sont non reconnus, une expérience duelle sujet-objet-relations s’y substitue de nouveau, par le pouvoir des samskara.

A l’ouverture sans centre ni périphérie se substitue le point d’observation central qu’est le sujet ; à la clarté auto connaissante se substituent des expériences objectives, et aux qualités éveillées se substituent les qualités duelles habituelles entre sujet et objet.Ceci est présenté sommairement au début de La voie du Bouddha.

On peut voir une certaine circularité dans la roue du Dharma. Elle est pertinente aussi longtemps que les samskara ne sont pas épuisés, et au moment où les samskara sont épuisés, cela s’arrête dans la non dualité.

On a fait un tour de roue et on a vu la cessation du mouvement cyclique de la roue.

    1. La roue du Dharma et la phénoménologie opérative

Dans la phénoménologie opérative on parle de la conscience.

Qu’est-ce que la conscience ? Comment la conscience se structure-t-elle ?

Comment རྣམ་ཤེས་, la connaissance dichotomique ou la conscience duelle se structure-t-elle ?

On commence par comprendre ce qu’on entend par conscience ; la conscience duelle signifie qu’il n’y a à proprement parler que de « conscience de » quelque chose. Il n’y a de conscience que la cognition qu’un sujet a d’un objet.

C’est ce qui est mentionné avec ནང་འཛིན་པའི་སེམས et ཕྱིར་གཟུང་བའི་ཡུལ་, l’esprit intérieur saisisseur, l’objet extérieurement saisi. La saisie cognitive འཛིན་པ་ est aussi ང་འཛིན་ la saisie de l’ego.

A partir de cette vision très simple de la conscience, on peut comprendre que la voie est un processus de dessaisie.

L’illusion est le processus de saisie et la désillusion, la libération de l’illusion, est un processus de dessaisie, ce qui veut dire que le cœur de la pratique de la méditation en tant que pratique libératrice, est justement d’opérer cette dessaisie cognitive.

Toute pratique de méditation qui ne serait pas un remède à la saisie cognitive serait futile ou illusoire. C’est ce qu’ont dit de nombreux grands maîtres et accomplis.

C’est là une clé pour analyser aussi ce qui va dans le sens du dharma ou ce qui ne va pas dans le sens de celui-ci. On pourrait dire que tout ce qui amène une dessaisie est dharma, tout ce qui renforce la saisie est non dharma, saisie étant འཛིན་པ་.

Ceci est brièvement développé dans la phénoménologie opérative. (Il est possible de se procurer le texte de la phénoménologie opérative).

 

 

LA PROGRESSION DU DHARMA

 

 

Sur le schéma de la roue du Dharma, il est utile de voir la modélisation de la conscience comme une polarisation ; གཉིས་འཛིན་ la saisie duelle, une saisie cognitive dans laquelle le sujet et l’objet se posent l’un par rapport à l’autre en détermination réciproque, en interdépendance.

Comme dans une polarisation électrique ou électromagnétique, si on a deux pôles + et -, la polarité existe et subsiste dans la polarisation qui existe entre les deux pôles et la différence de potentiel de l’un par rapport à l’autre.

Si le pôle + venait à disparaitre, le pôle – disparaîtrait en même temps. L’un existe par rapport à l’autre et l’un est d’autant plus intense que l’autre l’est aussi. Ils ont la même intensité dans leur co détermination.

Ce modèle de la polarisation de la conscience est très utile et pertinent pour comprendre à la fois la philosophie en particulier celle des Cittamatrin, et aussi pour comprendre la pratique de la méditation et ses principes.

Dans le bas du schéma de la roue du dharma, au début de la voie, les deux cercles + et – sont représentés avec une distance importante entre les deux. Un vecteur qui va dans les deux sens, qui relie le + au – et le -au + , exprime la polarisation.

Tout ce qui va suivre est très simple. La polarisation est nommée འཛིན་པ་ et la dépolarisation est འཛིན་མེད་ c’est- à -dire l’absence de polarisation, mais qui peut être plus ou moins grande.

Pour être précis on peut quantifier la polarisation sur une échelle de 0 à 100. Une polarisation à 100% est un maximum de polarisation, une polarisation extrême, dans laquelle on se cogne la tête contre les murs de ses projections, la polarisation infernale. (Cf. dans le schéma ci-dessous ARI = Attraction , Répulsion, Indifférence.)

Moins il y a de polarisation, plus on s’élève dans la hiérarchie des états de la conscience, entendu que lorsqu’on arrive dans les états divins, c’est l’endroit où il y a de moins en moins de polarisation, et ce sont des états qui sont, par là- même, des états qui sont de plus en plus ouverts et libres.

Un autre point qu’il est important d’intégrer, c’est la relation qu’il y a entre la polarisation et l’ouverture.

L’ouverture est inversement proportionnelle à la polarisation, ce qui veut dire que plus il y a de polarisation, plus c’est fermé, moins il y a de polarisation, plus c’est ouvert.

SOR –> OCB + SOR OCB

C’est quelque chose que tout un chacun rencontre dans son expérience. Si on est complètement polarisé par quelque chose, fixé sur quelque chose, on est obnubilé, on est en quelque sorte possédé par cela, il y a une fermeture ; on est dans une bulle, dans une sorte de polarisation qui est une bulle de moi et mon monde.

Moins il y a de polarisation plus la conscience s’ouvre et est ouverte.

C’est la raison pour laquelle, toute la pratique profonde, telle qu’elle est présentée dans le Mahamudra et le Dzogchen est une pratique d’ouverture et de dépolarisation, entendu que la pratique de l’ouverture est le moyen par excellence d’amener à la dépolarisation.

Si on est fixé sur quelque chose, ouvrir la situation est un moyen, le moyen par excellence de relâcher la fixation et son pouvoir de possession.

Ceci sert à introduire les différentes bulles que l’on voit sur le schéma de la roue du Dharma à partir du bas et dans toute la partie gauche ascendante où les + et les – se rapprochent petit à petit. Il y a un moment où le + et le -, le sujet et l’objet en quelque sorte se touchent, et si on garde notre métaphore, quand les deux pôles se touchent, cela fait des étincelles, c’est de nature à provoquer de la lumière, de la clarté, de la luminosité.

Les cercles se rapprochent et fusionnent de plus en plus et dans leur rapprochement, (du sujet et de l’objet) la polarisation se décharge petit à petit jusqu’à se décharger complètement, cette décharge complète étant l’expérience non duelle dans laquelle sujet objet ne sont plus deux

Question : Quel est le mot tibétain pour ouverture ?

Réponse DR :Le terme » ouverture » est souvent rendu dans le contexte de l’expérience par སྟོང་པ་, qui a le sens de vide de polarisation.

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