Mort, bardo et renaissance
Mort, bardo et renaissance
Kyabdjé Kalou Rinpoché
Cet enseignement a été donné par le vénérable Kalou Rinpoché à Karma-Ling à l’occasion d’enseignements publics et lors de son intervention au colloque transdisciplinaire « Préparation à la mort » qui se déroula à l’Institut en septembre 1984, regroupant autour de ce thème des médecins, des psychologues et des religieux des traditions chrétiennes et bouddhiste.
L’esprit est éternel
L’ignorance de sa nature fait transmigrer sans fin l’esprit, fondamentalement éternel
L’esprit est fondamentalement éternel, permanent, au-delà des souffrances et des morts ; ce n’est qu’au niveau de l’illusion que la mort et la naissance existent. Lorsque, par ignorance de sa nature, il s’est engagé dans la voie des illusions, l’esprit transmigre sans fin, de naissance en naissance. Dans l’état où nous sommes présentement, nous ne connaissons pas nos vies antérieures, nous ne savons pas d’où nous venons, où nous irons, dans quel état notre esprit va transmigrer. Mais l’esprit passe, d’une transmigration à l’autre, d’une illusion à l’autre, cela est sûr.
Tout ce qui différencie les hommes dans le bonheur, dans l’intelligence, dans les capacités, est production de l’esprit, laquelle trouve son origine dans le karma. Ce que nous sommes, les divers états dans lesquels nous passerons, résultent de ce karma qui conditionne les illusions de l’esprit.
Toutes les traditions spirituelles tombent d’accord sur l’existence d’un devenir au-delà de notre vie. Si après la mort il n’y avait plus rien, une pratique spirituelle n’aurait pas de raison d’être.
Les six bardo
Dans le bouddhisme, comme dans les autres traditions, la mort n’est pas une fin : il y a une continuité d’expérience au-delà de celle-ci, au travers de différents états de transition appelés bardo (en tibétain).
Nous pouvons regrouper ceux-ci en six catégories :
– Le bardo dit « de la naissance à la mort » (tib. : kyéchi bardo), c’est-à-dire l’état dans lequel nous sommes actuellement.
– Le bardo « du moment de la mort » (tib. : tchika bardo), qui correspond à l’agonie, le passage de la vie à la mort.
– Il est suivi généralement d’une période d’inconscience qui dure ordinairement trois jours, c’est le bardo « de la vacuité » (tib. : tcheunyid bardo).
– Il y a ensuite le bardo « du devenir » (tib. : sipa-bardo), qui est la phase intermédiaire entre le tcheunyid bardo dont nous venons de parler et une autre existence avec laquelle nous entrons de nouveau dans le bardo de la naissance à la mort.
– Les cinquième et sixième bardo sont inclus dans le bardo « de la naissance à la mort » : ce sont le bardo « de l’état de rêve » (tib. : milam bardo) et enfin, le dernier bardo, c’est le bardo « de la méditation » (tib. : samten bardo) avec les états de conscience particuliers qui lui correspondent.
Le bardo de la naissance à la mort
L’illusion dominante du kyéchi bardo est d’exister en tant que ce corps, composé de…
Actuellement, nous sommes dans le bardo de la naissance à la mort, nous y faisons aussi l’expérience du bardo du rêve et peut-être de celui de la méditation, puis nous passerons ensuite à la mort dans le tchika bardo, puis le tcheunyid bardo et le bardo du devenir (sipa-bardo), qui nous ramènera à une nouvelle naissance, etc. Les bardo se succèdent ainsi selon un cycle qui se perpétue indéfiniment.
Nous disions que les différentes illusions auxquelles nous sommes confrontés ont leur racine en notre esprit. Dans l’état dans lequel nous sommes actuellement, le bardo entre la naissance et la mort, l’esprit produit une illusion dominante qui est l’illusion d’exister en tant que corps, ce corps que nous considérons comme nôtre.
… Cinq éléments et principes
Selon cette illusion, l’esprit produit un corps composé de cinq éléments : la terre, l’eau, le feu, l’air et l’espace, principes, respectivement : de cohésion, de fluidité, d’énergie, de mobilité et principe d’expansion. Ces éléments existent en nous depuis la première enfance, ils mûrissent en nous comme une fleur qui s’épanouit. De la maturation de ces différents éléments, l’esprit acquiert une force et un épanouissement de plus en plus grands. L’individu passe par une période d’évolution qui peut durer jusqu’à vingt-cinq ans, puis, de vingt-cinq ans à la deuxième partie de la vie, la capacité de ces différents principes s’affaiblissant, un processus de dégradation apparaît, avec le vieillissement.
Le processus naturel d’évolution et d’involution du corps
Il y a donc un processus d’évolution suivi d’un processus d’involution, qui se déroulent naturellement. Néanmoins, ce processus peut être interrompu, comme si la fleur était coupée, et la mort subite peut survenir.
Le moment de la mort survient au terme d’un processus d’involution des différents éléments ; elle est décrite comme une résorption de ces éléments les uns dans les autres : la terre se dissout en l’eau, l’eau en le feu, le feu en l’air, et le vent finalement en l’espace.
Pratiques au moment de la mort
L’important est alors notre karma, notre pratique et notre expérience intérieure véritable
Au cours de ce processus, nous pouvons être aidés par diverses pratiques. Ce qui importe le plus au moment de la mort est notre karma ainsi que notre expérience intérieure véritable. C’est pourquoi il est essentiel de prendre conscience de la nécessité d’un travail spirituel, puis d’étudier pour comprendre ce qu’il convient de faire, et ensuite de se consacrer à la pratique.
Réalisée, la méditation sur la nature de l’esprit permet de reconnaître la Claire lumière
Si nous avons médité sur la nature de l’esprit, sur la Claire lumière, nous pouvons au moment de la mort la reconnaître quand elle apparaît au terme de la dissolution des cinq éléments dont nous avons parlé auparavant. Si nous sommes capables de la reconnaître, nous pouvons, par cela même, obtenir la libération. Des enseignements et méditations particuliers sur le bardo nous permettent également de reconnaître la nature réelle des états intermédiaires et, par là même, d’obtenir la libération en ceux-ci.
La pratique de powa permet de transférer la conscience en un plan libre de renaissances
Si, de notre vivant, nous n’avons pas médité ni eu l’expérience de la Claire lumière et si nous n’avons pas pratiqué les enseignements du bardo, nous pouvons encore appliquer au moment de la mort la pratique de powa, l’éjection de la conscience dans un état pur ; c’est une pratique qui transfère la conscience en Déouatchène. Elle est extrêmement importante, permettant de transférer la conscience sur un plan libre de renaissances. C’est comme si, d’ici, de notre siège, nous étions éjectés dans le « champ pur » de Déouatchène, ou comme si nous devenions un oiseau ayant la capacité de s’envoler directement au firmament de l’éveil. C’est de plus une méditation que l’on peut accomplir facilement et qui, pour cette raison aussi, est particulièrement précieuse.
En pratiquant ce transfert de conscience, dans la meilleure éventualité, lorsqu’il est complètement maîtrisé, nous renaissons dans ce qu’on appelle un « Ching-kham » (on pourrait traduire ce terme par paradis). C’est un état libéré du samsara et de ses conditionnements karmiques.
Powa maîtrisé en partie permet une renaissance humaine propice à la pratique spirituelle
Autrement, si powa n’est que moyennement maîtrisé, nous reprendrons naissance en un état céleste et bienheureux, mais encore du samsara ou, dans l’éventualité la plus défavorable, nous reprendrons une existence humaine pourvue des conditions favorables à la pratique spirituelle.
La méditation de Tchènrézi permet de réaliser la Claire lumière et d’obtenir la libération
Une autre pratique qui est aussi extrêmement précieuse au moment de la mort est la méditation de Tchènrézi. Ceux parmi vous qui connaissent et pratiquent cette méditation savent qu’au terme de la phase de visualisation appelée kyérim, il y a une dissolution. Toutes les apparences phénoménales fondent en lumière et se résorbent en le corps de Tchènrézi ; celui-ci se dissout à son tour en lumière qui est absorbée en la lettre HRI qui, élément après élément, se résorbe complètement pour laisser l’esprit libre de références, demeurer en la vacuité. La pratique de cette dissolution dans la méditation de Tchènrézi est un moyen qui, au moment de la mort, lors de la dissolution des éléments pendant le tchika bardo, permet de réaliser la Claire lumière et d’obtenir la libération.
Le bardo du moment de la mort (tchika bardo)
Les expériences de la résorption de la terre en l’eau
Pratiquement, au moment de la mort, la dissolution dont nous parlions commence par une première phase : la résorption de la terre en l’eau. À ce stade le corps s’immobilise, il devient extrêmement pesant. Nous ne pouvons plus lever le bras ni soutenir notre tête. Le mourant se sent terrassé, comme écrasé sous une montagne. Il expérimente aussi des états instables et fugaces qui sont comparables aux mirages dans le désert.
Les expériences de la résorption de l’élément eau en l’élément feu
La deuxième phase, qui correspond à la résorption de l’élément eau en l’élément feu, est caractérisée extérieurement par l’apparition de différentes sécrétions : sécrétions nasales, salivaires, avec perte de contrôle des sphincters entraînant des émissions d’urine et de selles. Au niveau intérieur, le mourant se sent comme entraîné par un flot et éprouve une impression de chute, d’engloutissement, associé à la perception d’un bruit comparable à celui que produit l’eau d’une cascade violente. Il perçoit aussi des fumées et des volutes de lumière.
Les expériences de la dissolution de l’élément feu en l’élément air
Puis vient la dissolution de l’élément feu en l’élément air. Au niveau extérieur, la bouche et le nez se dessèchent, les yeux se révulsent, il y a perte de sensibilité, associée à la diminution de la chaleur vitale qui se rassemble et quitte les extrémités du corps, pendant qu’intérieurement est éprouvée une sensation d’embrasement, l’impression que l’univers est en feu. Il y a aussi l’expérience de points lumineux semblables à des lucioles.
Vient ensuite la dissolution de l’élément air en l’élément espace : c’est le moment où la respiration s’arrête et où, intérieurement, sont entendus des sons qui rappellent le bruit d’un vent très violent, une sorte de ronflement, de vrombissement, de grondement comparable au tonnerre.
Les expériences de dissolution de l’élément air en l’élément espace – la respiration cesse
Enfin, c’est la dissolution de l’espace en la conscience, caractérisée par des apparences de lumières blanches, rouges et noires. C’est le moment définitif de la mort, qui correspond à la résorption des principes masculins et féminins contenus dans notre corps.
Les expériences lumineuses du corps subtil et la dissolution de l’espace en la conscience
Notre corps subtil comprend deux principaux thiglé ou principes, respectivement masculin et féminin. Le thiglé blanc masculin a son siège au sommet de la tête, alors que le rouge féminin est localisé au niveau du nombril. Au moment de la mort, les deux thiglé se résorbent, le blanc d’abord descend du sommet de la tête vers le cœur ; c’est le moment de l’expérience de luminosité blanche comparable à la clarté lunaire. Puis, le thiglé rouge monte et se dirige vers le cœur ; c’est alors l’expérience de la luminosité rouge qui est comparable à la lumière du soleil. Enfin, les deux principes s’unissent et s’absorbent l’un dans l’autre. C’est le moment de l’expérience dite de luminosité noire. Un être ordinaire y tombe dans l’obscurité d’une phase d’inconscience.
À la fin de la dissolution, c’est soit l’éveil soit l’entrée dans la phase d’inconscience
Pour quelqu’un qui a la réalisation du Mahamudra, c’est à ce moment-là que se révèle la Claire lumière : la Claire lumière-fille, expérimentée pendant la vie, et la Claire lumière-mère fondamentale se réunissent : c’est le moment de l’éveil.
Tout ce processus, depuis le début de cette dissolution jusqu’à l’inconscience, est appelé le « tchika bardo » ou le bardo du moment de la mort.
Le bardo de la vacuité (tcheunyid bardo)
Maîtrisée, la méditation de la Claire lumière est comme un flambeau dans les ténèbres
Cette période d’inconscience qui suit ainsi le moment de la mort constitue le bardo de la vacuité, le tcheunyid bardo, et dure généralement trois jours et demi ; période pendant laquelle l’esprit reste dans un état obscur et opaque. Cependant, durant le tcheunyid bardo, demeure une possibilité de libération qui vient de la maîtrise de la méditation « de la Claire lumière » (eussèl en tibétain). Alors que l’état d’inconscience est comparable à l’obscurité, pratiquer cette méditation est comme allumer un flambeau pour dissiper les ténèbres, car l’ignorance est obscurité et la Claire Lumière n’est autre que l’essence lumineuse de la connaissance. Au travers de cette pratique, il est possible de réaliser cette connaissance qui éclaire alors les ténèbres de l’inconscience et nous amène à la libération.
L’apparition de luminosités d’arc-en-ciel entre le tcheunyid bardo et le sipa bardo
Si nous ne saisissons pas cette possibilité, nous entrons ensuite dans le sipa-bardo mais, entre cette période d’inconscience du tcheunyid bardo et le sipa-bardo, des lumières apparaissent ainsi que diverses luminosités semblables à des arcs-en-ciel, avec des rayons blancs, bleus, verts, jaunes et rouges.
Bien qu’il y ait des différences, nous sommes dans un état un peu comparable à celui dans lequel nous nous trouvons entre la veille et le sommeil ; c’est une période durant laquelle nous pouvons voir des lueurs et des points lumineux. Ces différents phénomènes qui sont caractéristiques de la limite entre ces deux bardo sont décrits dans le Livre tibétain des morts comme les apparitions des différentes divinités paisibles et courroucées. Si nous pouvons reconnaître la nature de ces apparences, reconnaître la nature divine dont elles sont l’expression, nous pouvons nous unir alors à celle-ci et obtenir spontanément et immédiatement la libération. Toute expérience ou toute apparence devient la divinité elle-même.
Le bardo du devenir (sipa bardo)
Expérience des projections induites par le karma puis renaissance en l’un des six mondes
Si le défunt a de nouveau manqué ces différentes possibilités, il entre alors dans le bardo du devenir, le sipa-bardo. Le sipa-bardo est la période pendant laquelle l’esprit fait l’expérience des projections induites par son karma et au terme de laquelle, conditionné par celui-ci, il reprend naissance dans l’une des six classes d’êtres du cycle des existences. De la même façon que du sommeil profond, surgissent les diverses expériences oniriques, du bardo de la vacuité apparaissent les expériences du bardo du devenir. Le sipa-bardo est cet état intermédiaire où les expériences vécues ont une réalité analogue à celle que nous connaissons actuellement, mais les conditions d’existence y sont différentes. Elles y sont telles qu’il suffit de souhaiter quelque chose pour que ce souhait entraîne immédiatement en réponse l’expérience correspondante.
Les cinq facultés et les pouvoirs du corps – seulement mental – du bardoa
Dans ce bardo, nous ne possédons pas de corps grossier, mais un corps mental qui ne peut être détruit, bien qu’il puisse avoir l’impression d’être tué lors d’affrontements avec des adversaires qui sont ses projections, des apparences illusoires produites par les contenus latents en son esprit. Il possède en outre cinq facultés qui correspondent à nos cinq sens ordinaires et il a des pouvoirs particuliers, comme la clairvoyance : l’être dans le bardo peut percevoir le monde des vivants. Il a aussi le pouvoir de se déplacer sans être entravé par les obstacles matériels : il peut aller instantanément où il le souhaite. Ainsi, si ses tendances le lui permettent, il est capable de diriger son esprit, au mieux vers Déouatchène et la libération, au moins vers une existence positive. Dans cet état, il suffit de penser, par exemple, à son pays pour s’y retrouver immédiatement ; ou à ceux que l’on a quittés pour les rencontrer aussitôt. L’envie de leur parler, d’entrer en communication avec eux, est alors très forte.
L’impossible contact avec les vivants fait réaliser au défunt qu’il n’est plus de leur monde
C’est devant l’impossibilité d’établir un contact, que l’être du bardo réalise qu’il n’est plus du monde des vivants. Ceux-ci ne le perçoivent plus et cette absence de communication provoque de la tristesse, de la souffrance, et aussi de l’agressivité. L’être dans le bardo peut apercevoir ceux qui furent ses proches en train de pleurer, de manifester de la détresse ou un sentiment de tristesse. Ces attitudes peuvent éveiller son attachement. À ce moment-là, il est aussi possible qu’il prenne conscience de sa propre mort, qu’il comprenne qu’il a quitté son corps, ce qui peut le terrifier et lui faire perdre conscience. Dans cet état intermédiaire, il se peut aussi que le défunt perçoive ses héritiers se disputant pour le partage de ses biens. Cela est pour lui une source de douleur, de frustration ou de colère et peut causer aussi une perte de conscience. Ces exemples peuvent permettre de comprendre l’importance de notre attitude vis-à-vis d’un défunt, attitude qui peut influencer de manière positive ou négative son devenir posthume.
Méditations et instructions sur le bardo permettent d’en reconnaître l’illusion
Il existe des méditations et des instructions sur le bardo, telles que celles du Bardo Theudreul, le Livre tibétain des morts (littéralement Bardo Theudreul signifie « Ce dont l’écoute apporte la libération dans le bardo »), qui conduisent à reconnaître ces différents états et particulièrement la nature illusoire de toutes sortes d’apparitions qui se présentent durant le sipa-bardo et qui sont le reflet des imprégnations karmiques de notre conscience. Ces méditations et instructions peuvent aussi faire obtenir la libération à ce moment-là.
Les prières et les souhaits pour diriger l’esprit vers un champ pur, tel Déouatchène
Même si nous n’avons pas pratiqué ces méditations ni reçu ces instructions, comme les imprégnations de notre esprit sont alors déterminantes, les prières et les souhaits, que nous avons faits de notre vivant et qui ont imprégné notre conscience, dirigeront spontanément notre esprit vers un Ching-khams, une terre pure ou un paradis, libre des conditionnements du samsara. Ainsi, si pendant notre vie, nous récitons régulièrement et sincèrement la prière de Déouatchène, nous porterons en nous, à notre mort, le souhait d’aller en Déouatchène. Ce souhait agira sur notre esprit et deviendra alors un moyen d’y renaître et d’y obtenir la libération. Il nous sera alors possible de parvenir en cette terre de libération qu’est Déouatchène plus rapidement que si nous voyagions en avion ou en fusée.
Les attachements sont les obstacles à renaître en Déouatchène, l’état initial d’éveil
Cependant, il peut se trouver des obstacles à cette naissance en Déouatchène. Si, par exemple, notre famille ou notre conjoint nous pleurent ou nous demandent de revenir à la vie, si l’attitude de nos proches provoque en nous tristesse, attachement ou colère, notre esprit ne pourra pas se diriger vers Déouatchène. Il en sera de même si nous demeurons attachés au monde que nous venons de laisser, à nos possessions ou à notre ancienne position sociale. Du fait de ces attachements, notre esprit se tournera de nouveau vers ce qu’il vient de quitter, se détournant ainsi de Déouatchène.
Le remède à l’attachement : l’offrande à la déité de tout ce que nous sommes et possédons
Il est possible, pour remédier à cet attachement, d’offrir, avant de mourir, tous nos biens et tout ce que nous sommes à la divinité. Nous offrons à Amitabha ou à Tchènrézi tout ce à quoi nous sommes attachés. Leur ayant ainsi fait, dédicace pleine et complète, nous ne conserverons plus aucun attachement. Renaître en Déouatchène, ce lieu de la félicité, correspond à l’obtention du premier degré de bodhisattva. C’est l’état initial d’éveil à partir duquel il n’est plus de retour dans les conditionnements du samsara.
Dans le sipa bardo, la durée de temps pour renaître est variable
Dans le sipa-bardo, la renaissance peut se faire très rapidement, ou au terme de sept cycles de sept jours, soit un total de quarante-neuf jours. Si notre esprit est imprégné de tendances extrêmement négatives, ce bardo ne durera que peu de temps, car nous serons rapidement dirigés vers des existences inférieures. À l’inverse, si notre esprit est imprégné de tendances très positives, une naissance sera très rapidement reprise en des états supérieurs, tandis que si nos empreintes karmiques sont mitigées, le bardo du devenir durera plus longtemps.
Le pouvoir du karma fait renaître dans celle des six classes d’êtres qui est appropriée
Quelle que soit sa durée, dans la première partie de ce bardo, les expériences et les apparences que le défunt perçoit sont plus particulièrement en rapport avec l’existence qui fut la sienne précédemment, puis, progressivement, le karma induisant ces expériences s’estompe, et le karma de la prochaine existence commence à se manifester. Viennent alors des expériences qui présagent de ce qu’elle sera. Ainsi, par le pouvoir du karma, nous reprenons naissance dans celle des six classes d’êtres qui est appropriée.
Les facteurs conjoints de la renaissance : karma, être du bardo et deux gamètes parentaux
Pour la renaissance, en plus du karma correspondant, trois facteurs doivent se trouver réunis : l’être du bardo, le gamète paternel et le gamète maternel. Il est dit que le bardoa perçoit ses parents dans l’acte de procréation. S’il est appelé à une renaissance masculine, il éprouve alors de l’attraction pour la mère et de la répulsion pour le père, et inversement s’il doit renaître femme. Quand ces trois facteurs s’unissent, survient une période d’inconscience. Ce n’est que peu à peu, au fil de l’embryogenèse, que la conscience sera retrouvée. À ce moment-là, sauf exception, l’être a perdu tout souvenir du bardo.
Face à la mort, le plus important est la connaissance de notre propre esprit
Que nous soyons bouddhistes ou que nous ne le soyons pas, que nous appartenions ou non à une autre tradition, en face de la mort, le plus important est de mieux connaître notre propre esprit, notre propre nature et d’essayer de pratiquer pour acquérir cette compréhension.
Il est important pour nous qui avons de multiples activités, qui allons et venons dans le monde, de pouvoir trouver une pause, de pouvoir nous accorder un moment de répit consacré à la pratique spirituelle.