Pourquoi le bouddha enseigna-t-il les quatre nobles vérités
ANNEXES
Pour illustrer et préciser certains points simplement mentionnés ou évoqués dans les articles de ce dossier sur les quatre nobles vérités, il aurait été intéressant et utile de présenter dans les annexes une description du cycle des existences conditionnées, les notions de karma, d’individualité, les différents niveaux de nirvana, etc.
Considérant cependant que chacun de ces points fera l’objet d’une publication dans un numéro ultérieur de Dharma, nous avons choisi de nous limiter ici à :
– un rappel de la raison de cet enseignement,
– un aperçu de l’interdépendance, par les douze liens connexes,
– un éclairage rapide sur les qualités de l’éveil,
– un développement du noble sentier octuple, sur lequel nous aurons moins l’occasion de revenir par la suite.
Pourquoi le bouddha enseigna-t-il les quatre nobles vérités
Quand le Bouddha séjournait à Kauçambi, il se trouvait un jour avec ses disciples dans le Bois des Sinsapas. Prenant dans ses mains quelques feuilles d’un des arbres qui l’entouraient, il dit :
– Qu’en pensez-vous, ô moines ? Ces quelques feuilles sont-elles les plus nombreuses ? Ou bien toutes les feuilles de tous les arbres de la forêt sont-elles plus nombreuses que celles qui sont dans ma main ?
– Ces quelques feuilles, que le Bienheureux a prises en main sont peu nombreuses. Bien plus nombreuses sont les feuilles au-dessus de nous dans le Bois des Sinsapas.
– De même, ô moines, de ce que je sais, je ne vous ai dit qu’un peu, ce que je ne vous ai pas dit est beaucoup plus. Et pourquoi ne vous ai-je pas dit ces choses ? Parce que ce n’est pas utile, et ne conduit pas au nirvana. (…)
A un autre moment, Malunkyaputta, disciple du Bouddha, posa dix questions classiques sur des problèmes métaphysiques, et réclama des réponses, disant qu’il quitterait le samgha si le Bienheureux ne les lui enseignait pas :
– Seigneur, quand j’étais seul en méditation, cette pensée m’est venue : il y a des problèmes inexpliqués, laissés de côté et rejetés par le Bienheureux. Quatre portent sur l’origine première : le monde est éternel, ou non, ou les deux, ou ni l’un ni l’autre. Quatre portent sur la fin dernière : le monde est fini, ou non, ou les deux, ou ni l’un ni l’autre. Quatre portent sur l’existence dans le nirvana : le Tathagata existe après la mort, ou non, ou les deux, ou ni l’un ni l’autre. Deux portent sur les rapports du corps et de l’esprit : le principe vital (l’individu) est identique au corps ou différent de lui.
Ce sont les quatorze perspectives inexprimables. Elles n’ont pas été exprimées par le Bouddha car il n’y a pas lieu d’exprimer comme choses conceptuelles ce qui est fondamentalement inconceptualisable.
Voici ce que répondit le Bouddha :
– Malunkyaputta, suppose qu’un homme soit blessé par une flèche fortement empoisonnée. Ses amis et ses parents amènent un chirurgien. Et l’homme dit : « Je ne laisserai pas retirer cette flèche avant de savoir qui m’a blessé : s’il est de la caste des guerriers, des prêtres, des marchands ou agriculteurs, ou de basse caste ; avant de savoir quel est son nom, quelle est sa famille ; s’il est grand, petit, ou de taille moyenne ; de quel village, ville ou cité il vient ; je ne laisserai pas retirer cette flèche avant de savoir avec quel sorte d’arc on a tiré sur moi ; avant de savoir quelle corde a été employée sur l’arc ; avant de savoir quelle plume a été employée sur la flèche ; avant de savoir de quelle manière était faite la pointe de la flèche. » Malunkyaputta, cet homme mourrait sans savoir ces choses.
De même, Malunkyaputta, si quiconque dit :
« Je ne me consacrerai pas à la pratique du dharma sous la direction du Bienheureux avant qu’il ne donne une réponse à ces questions », il mourra avec ces questions laissées sans réponse par le Tathagata.
Parfois, le Bouddha compare ceux qui cherchent ainsi la vérité dans les divers systèmes philosophiques, à des aveugles de naissance à qui on ferait toucher un éléphant ; l’un toucherait la tête, l’autre les jambes, un troisième la queue. Chacun aurait une idée différente de celle des autres du même animal et, ne pouvant s’entendre entre eux, ils en viendraient rapidement aux coups.
– Par conséquent, Malunkyaputta, conserve dans ton esprit ce que j’ai expliqué comme expliqué et ce que je n’ai pas expliqué comme non expliqué.
Je n’ai pas enseigné certaines choses car cela ne vous apporterait aucun profit, cela ne ferait pas progresser votre épanouissement spirituel, ni ne vous conduirait au non-attachement, à la libération du désir, à la paix, à la connaissance, à l’éveil, au nirvana. C’est pourquoi je n’en ai pas parlé.
– Alors, Malunkyaputta, qu’ai-je enseigné ? J’ai enseigné duhkha, la naissance de duhkha, la cessation de duhkha et le chemin qui mène à la cessation de duhkha. J’ai enseigné cela parce que c’est utile, fondamentalement lié à la vie spirituelle, parce que cela conduit au non-attachement, à la cessation, à la tranquillité, à la profonde connaissance, à la complète réalisation, au nirvana. (…)
Voici, ô moines, la noble vérité de duhkha. La naissance est duhkha, la vieillesse est duhkha, la maladie est duhkha, la mort est duhkha, être uni à ce que l’on n’aime pas est duhkha, être séparé de ce que l’on aime est duhkha, ne pas avoir ce que l’on désire est duhkha. En résumé, les cinq agrégats d’attachement sont duhkha.
Voici, ô moines, la noble vérité de la cause de duhkha. C’est cette « soif » qui conduit de naissance en naissance, qui est liée à une avidité passionnée et qui trouve une nouvelle jouissance tantôt ici, tantôt là, c’est-à-dire la soif des plaisirs des sens, la soif de l’existence et du devenir, et la soif de la non-existence.
Voici, ô moines, la noble vérité de la cessation de duhkha. C’est la cessation complète de cette soif : la délaisser, y renoncer, s’en libérer, s’en détacher.
Voici, ô moines, la noble vérité sur le sentier qui conduit à la cessation de duhkha. C’est le noble sentier octuple, à savoir : la vue juste, la pensée juste, la parole juste, l’action juste, le moyen d’existence juste, l’effort juste, l’attention juste, l’absorption juste.
(Dhammacakkappavattana-sutta, »Mise en route de la roue du dharma »)
(Samyutta-nikaya, Sacca-samyutta, II, I)