Uttaratantra Gyu Lama
La Continuité Absolue
Le thème de cet ouvrage de Maitreya-Asanga est la nature de Bouddha, le Tathagathagarbha et est envisagé comme une œuvre qui regroupe les perspectives de la vacuité et de la nature de bouddha.
Gyu – rgyud – est un mot tibétain qui se dit en sanscrit Tantra. Il signifie transmission, fil, continuité. La signification de Gyu ou de Tantra est continuité dans une dimension, non pas théorique, mais dans celle d’un vécu, d’une expérience.
Dans le contexte du titre, Lama est associé à Lama me pa qui signifie insurpassable, sans rien au-delà, absolu.
Donc, Gyu Lama signifie la continuité absolue ; continuité entre l’expérience habituelle et l’éveil. L’état de bouddha est dans l’expérience habituelle et possède des qualités qui sont continues depuis aujourd’hui jusqu’à l’éveil.
C’est ce qu’exprime aussi l’autre titre de cet ouvrage qui s’appelle Uttaratantra Gyu Lama qui est le titre retenu par la tradition tibétaine mais il s’appelle aussi le Ratnagotravibhaga : Le discernement de la précieuse filiation ou discernement de la filiation des joyaux. Les joyaux dont on parle sont les Trois Joyaux, le triratna : Bouddha-Dharma-Sangha. Les joyaux sont aussi les trois continuités qui sont celle de la nature de bouddha : le trikaya.
La réalisation : les trois joyaux
3.
Du Bouddha vient le dharma et du dharma l’assemblée des nobles;
De l’assemblée : l’accomplissement ultime de l’élément, la sagesse essentielle,
De l’obtention de la sagesse primordiale, celle de l’éveil suprême
Pourvu des qualités – les forces et les autres – qui œuvrent au bien de tous les vivants.
Le bouddha
4.
À celui qui, de lui-même, s’est éveillé à la bouddhéité paisible, sans début, ni milieu ni fin,
À celui qui, pleinement éveillé, montre la voie pérenne et indestructible afin que soit réalisé ce qui n’est pas réalisé,
Qui brandit le suprême diamant, l’épée de la connaissance et de la compassion, et tranche les pousses de la souffrance,
Au destructeur du mur des doutes que cerne la dense obscurité des opinions diverses,
À lui, je rends hommage.
L’état de bouddha a deux bienfaits :
5.
La bouddhéité est inconditionnée, spontanée,
Réalisée sans autres conditions,
Munie de connaissance, de compassion et de puissance,
Pourvue des deux bienfaits.
Le bienfait pour soi-même
Il est accompli par les qualités suivantes de l’état de bouddha :
6.
Puisqu’elle est par nature sans commencement, ni milieu ni fin,
Elle est inconditionnée;
Dotée du corps de réalité apaisé,
Elle est dite spontanée.
Le bienfait pour autrui
Il est accompli par les qualités suivantes de l’état de bouddha grâce aux trois aspects de non-conditionnement, spontanéité, et réalisation individuelle par lui-même. :
7.
Réalisée d’elle-même individuellement,
Elle ne l’est pas par des conditions autres.
Pénétrée de ces trois aspects, elle est connaissance ;
Montrant la voie, elle est compassion.
Le dharma
9.
A ce qui est ni non existant, ni existant, ni existant et non existant, ni autre qu’existant et non existant,
Impossible à analyser, sans définition, connu par l’intuition personnelle, paisible,
Sans taches, rayonnant de la lumière de la sagesse primordiale,
Qui a détruit pour tout objet l’attachement, l’aversion, et la taie [de l’ignorance],
Au soleil du Dharma authentique, je rends hommage.
10.
Inconcevable, non duel, non conceptuel,
Il est pureté, clarté et remède.
Libre de l’attachement dont il délivre,
Doté des caractéristiques des deux vérités : tel est le dharma.
11.
Le détachement se résume
Aux vérités de la cessation et du chemin.
On saura dans cet ordre
Que chacune possède trois qualités.
Le sangha
13.
A ceux qui ont vu, l’esprit étant claire lumière naturelle, l’absence d’essence des perturbations,
Qui ont véritablement pénétré la quiétude finale de l’absence de soi de tous les êtres,
Qui à la suite du parfait Éveillé, ont le regard de l’intelligence sans voiles
Et la vision de sagesse primordiale dont l’objet est la pureté infinie des vivants,
Avec respect, je rends hommage.
14.
Par la pureté du regard de leur sagesse intérieure
Sur les choses telles qu’elles sont et leur diversité,
L’assemblée des sages « sans régression »
Possède des qualités incomparables.
15.
Avec la réalisation de la vraie nature
Apaisée des vivants, [vient] celle du «tel quel»,
Qui est par nature immaculé,
Car les perturbations y sont éteintes depuis toujours.
16.
Par leur intelligence qui pénètre l’ultime profondeur
Des choses connaissables autant qu’elles sont,
Ils voient présente en tous les êtres
La vraie nature omnisciente.
17.
Cette réalisation est la vision
De la sagesse propre à chacun,
Pure dans l’étendue immaculée
Car sans obstacles ni attachements.
18.
Puisque pure est leur vision de sagesse primordiale
Et insurpassable la sagesse primordiale du Bouddha,
Les êtres nobles sans régression
Sont un refuge pour tous les vivants.
19.
Selon le maître, l’enseignement et les élèves,
En considération de toutes les inclinations,
Pour les trois véhicules et les trois activités,
Le triple refuge a été établi.
20.
Le Dharma sous deux aspects,
[À la fois objet] d’abandon, trompeur et non-existent,
Et l’assemblée des nobles, puisqu’elle a peur,
Ne sont pas le suprême et permanent refuge.
21.
Le Bouddha pour les êtres
Est l’unique et ultime refuge,
Car le Puissant possède le corps de réalité
Qui est la finalité de la communauté.
22.
Par la rareté de leur apparition, leur pureté,
Puissance, sublimité et immuabilité,
Et parce qu’ils sont les parures du monde,
Les Trois Joyaux sont rares et sublimes.
La Continuité Sublime du grand véhicule-Trad. par Marc Agate (Tchamé Dawa – Eussel Longyé) – Éditions Claire Lumière 2017