Les trois expériences
Michael Hookham
Il y a trois principales expériences – nyams – qui apparaissent spontanément dans la pratique de la méditation à un certain moment. Cependant ce serait une erreur de croire que la méditation essaie de créer ces nyams. Les trois nyams sont appelées : « libre de pensées », qui apparaît de la qualité d’ouverture ; « clarté », qui apparaît de la qualité de clarté, et « félicité » qui apparaît de la qualité de sensiblité. En d’autres termes, les trois nyams correspondent aux trois qualités de l’esprit.
Quand ces nyams apparaissent, nous commençons à expérimenter les qualités d’ouverture, de clarté et de sensibilité de façon très intense et objective – objective dans le sens où elles apparaissent d’elles-mêmes et ne semblent pas être un produit de notre propre esprit ou de notre effort.
La véritable expérience méditative d’ouverture ou de non-pensée (mi tok pa’i nyam) est l’expérience d’être libre du point de référence de vos pensées ordinaires. Vous êtes simplement là, dans un sens très profond.
Dans l’expérience de clarté (sal nyam), l’esprit devient très vif et aigu. C’est la clarté et la présence ensemble. Cela peut même être associé à une expérience de lumière : vous avez l’impression qu’une clarté se diffuse partout, révélant ce qui était auparavant obscurci.
L’expérience de félicité (dé nyam) est reliée à la sensibilité, la sympathie ou le bien-être. La qualité de sensibilité est toujours associée à un sentiment de bien-être. Ainsi, dans cette expérience, tout va très bien : votre corps entier et votre esprit se sentent merveilleusement bien.
Trois nyams en même temps
Il est possible que ces trois expériences arrivent ensemble. C’est alors une expérience très spéciale. Vous vous sentez bien, vous sentez la luminosité et l’espace, et ils sont expérimentés ensemble. La luminosité se répand dans l’espace et vous sentez ce bien-être partout.
Il n’y a aucun problème avec aucune de ces nyams. Elles apparaissent simplement en tant qu’élément du chemin, pas forcément, d’ailleurs, pendant la période de méditation.
Le problème à éviter
Le problème apparaît lorsque vous commencez à penser : « Ah, j’y suis finalement arrivé. C’est de ça dont il s’agit ». Ici, il est possible de dévier du chemin. Il est très facile pour un occidental qui n’a jamais fait aucune pratique auparavant d’être bouleversé en expérimentant l’une ou plusieurs de ces nyams, et de penser : « Waooh, ça doit être la chose essentielle ! » Si vous alliez alors voir un maître de méditation, il ferait probablement quelque chose comme hausser les épaules et dire : « Ah oui, cela arrive toujours quand les gens méditent. Ne vous inquiétez pas. Ce n’est pas vraiment le propos de la méditation. »
La raison pour laquelle l’enseignant dirait une telle chose est que vous pourriez facilement commencer à penser que ces expériences sont fondamentales et en faire toute une histoire. Vous pourriez commencer à créer une sorte de monde fantasmatique à partir de ces expériences. Cela peut être un monde merveilleux mais ce n’est pas le propos du bouddhisme.
Le propos du bouddhisme est d’apprécier toute expérience de façon égale : ne pas être excité par les bonnes expériences, déprimé par les mauvaises ou désappointé par les expériences neutres, mais ressentir une équanimité vis-à-vis de toute expérience. Les juger bonnes, mauvaises ou neutres est hors de propos ; le point important est de reposer dans la nature de l’expérience elle-même.
Dans le bouddhisme on voit que, quel que soit le monde dans lequel nous nous trouvons, il est créé par nos concepts. D’abord nous les voyons pour ce qu’ils sont puis, dans un sens très profond, nous voyons ce qui se passe au-delà d’eux. Quand vous commencez à voir clairement la nature de la réalité, quelque chose arrive qui est au-delà de l’expérience soi-disant « objective ».
C’est une « vision » ou une compréhension qui est au-delà des concepts. Les expériences soi-disant « objectives » d’ouverture, de clarté et de sensibilité sont comprises comme des expressions mêmes de votre propre nature inhérente. C’est très différent que de les expérimenter simplement comme des états « objectifs » qui vous arrivent.
La différence importante entre nyams et réalisation
Dans le cas d’une véritable réalisation, on reconnaît que ces qualités sont ce que l’on est véritablement, au-delà de toute compréhension intellectuelle. C’est assez différent d’une nyam dans laquelle, en quelque sorte, on conceptualise l’expérience et on la tourne en expérience « objective » plutôt merveilleuse et émotionnellement gratifiante.
Il est très important de réaliser que les qualités ne sont pas en elles-mêmes des pensées ou des concepts, mais que les nyams sont presque des pensées dans le sens où est impliquée une certaine production conceptuelle. La nyam elle-même dérive de la qualité de base correspondante, mais cette qualité de base, en elle-même, n’a rien à voir avec les pensées.
Extrait de Openness Clarity Sensitivity de Michael Hookham – Traduction de Npa Mingyour – © Longchen Fondation